Happy slapping : "Mon fils a vécu l’enfer"

Anaïs Condomines
Publié le 15 septembre 2015 à 16h41
Happy slapping : "Mon fils a vécu l’enfer"

VIOLENCE SCOLAIRE - A 11 ans, le fils d’Angèle Martin est victime de "Happy slapping". Un épisode traumatisant qui entraîne le garçon dans une profonde dépression. Ces trois années d’enfer, elle les raconte dans un livre publié chez Eyrolles. Entretien.

Voilà trois ans, presque jour pour jour, que sa descente aux enfers a commencé. Un jour d’octobre 2012, le petit Romain*, onze ans, est pris à partie dans la cour de récréation d’un tranquille collège de Bretagne. Une quinzaine d’élèves, pour beaucoup plus jeunes que lui, le mettent à terre et le tabassent. La scène ne dure que quelques minutes, mais elle est filmée et postée sur Facebook. Ses camarades s'en délectent.

Ce que Romain vient de vivre a un nom. C’est du "Happy slapping". Une pratique particulièrement à la mode dans les années 2005, qui consiste à attaquer gratuitement une personne et à en diffuser les images sur les réseaux sociaux. A l’époque, Angèle, sa maman, n’en a jamais entendu parler. Pourtant, en cette rentrée 2015, elle publie un livre sur le sujet ("Mon fils victime de Happy slapping", aux éditions Eyrolles), en forme de témoignage.

"Surtout, ne pas faire de vagues"

Elle y raconte la colère de deux parents dont on humilie l’enfant, le lent décrochage scolaire qui s'en suit et la dépression profonde qui emporte leur Romain. Ce couteau qu’il tente de se planter dans le ventre, au cours du dîner, ou ce sac qu’il enroule autour de son cou, comme pour en finir. Elle y raconte, enfin, le combat d’une maman face à l’inaction de l’administration – juridique, politique et scolaire – qui selon Angèle, préfère "étouffer l’affaire, surtout ne pas faire de vague, pour ne pas ternir la réputation d’une académie entière".

"L’idée du livre a germé il y a deux ans, lorsque l’affaire a failli être classée, avant d’être reprise de justesse par l’intérêt d’un procureur, confie-t-elle à metronews. A ce moment, je me suis dit : ‘il faut que ça se sache’". Surtout, il faut que les parents sachent. Car c’est à eux qu’Angèle s’adresse, à travers son histoire personnelle. "La vie privée de ma famille n’intéresse personne. Si je raconte cette histoire, c’est simplement pour dire aux parents : restez toujours en veille. Au moindre signe de détresse de votre enfant, cherchez à savoir ce qui ne va pas. Dans le cas de Romain, les adultes autour de lui n'ont pas pris leurs responsabilités. Beaucoup de personnes vers qui je me tournais ne prenaient pas en considération la souffrance de mon enfant."

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Smartphones à l'école

Elle-même professeure dans ce collège où son fils a vécu l’enfer, Angèle n’a pas de mots assez durs contre cette violence scolaire, aujourd’hui accentuée par l’importance du virtuel : "Le happy slapping reste un phénomène marginal. Mais ce type d’actes violents est encouragé par l’usage des smartphones à l’école. Il faudrait une loi forte pour en interdire la présence dans l’enceinte des établissements. Alors, on pourrait espérer que les jeunes se parlent, jouent ensemble à nouveau, et que l’idée de filmer des tabassages ne leur passe plus par la tête."

Romain a fini par changer de collège, de longs mois après la publication en ligne de son passage à tabac. Ses camarades frappeurs, eux, ont simplement écopé d'un rappel à la loi. "Nous ne voulions pas qu'ils se retrouvent avec un casier judiciaire, précise encore Angèle. Si nous avions pu, nous aurions préféré discuter calmement avec, chacun, pour qu'une solution pédagogique soit trouvée. Mais devant la faillite de l'école, c'est la justice qui a tranché."

L’affaire est donc terminée, mais ne sera jamais oubliée. "Romain vit avec son histoire, mais elle ne l’empêche plus d’avancer" constate finalement sa maman. "C’est un ado super, épanoui. Il a fini par gagner. Et avec lui, c’est toute la famille qui redémarre."

*Tous les prénoms ont été changés

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Anaïs Condomines

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