ÉCLAIRAGE - Alors que l'affaire Weinstein bat son plein, et que le hashtag #balancetonporc envahit la Toile, Marlène Schiappa vient d'annoncer un projet de loi sur les violences sexuelles qui s'attaque notamment au harcèlement de rue. L'occasion pour LCI de s'attarder sur ce qui est punissable en la matière, en l’état actuel de notre droit pénal.
Hasard du calendrier, tandis que l'affaire Weinstein n'en finit plus de faire des vagues, la secrétaire d'Etat chargée de l'égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, a annoncé ce dimanche un projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes, attendu pour 2018. L'aspect le plus débattu du texte repose sur une verbalisation du harcèlement de rue, cette "zone grise" entre séduction et agression sexuelle ou injure publique. L'idée ? En faire une infraction verbalisable, lorsque le harceleur est pris en flagrant délit.
Alors qu'un groupe de travail composé de cinq députés a été installé fin septembre pour réfléchir à ce projet, Maître Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris, dresse un état des lieux pour LCI de ce qui est punissable en l’état actuel de notre droit pénal.
Frottements, mains aux fesses ou sur les cuisses ?
"Des infractions caractérisées comme des frottements dans le métro, des baisers forcés, des mains aux fesses, aux seins, ou sur les cuisses constituent une véritable agression sexuelle donc punissable par le code pénal", rappelle d'emblée le juriste. Et de préciser que selon l'article 222-22 du code pénal "constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu'ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage."
La peine encourue est de 5 ans et de 75.000 € d’amende. Elle est augmentée jusqu’à 7 ou 10 ans lorsque l’agression est commise avec une ou plusieurs circonstances aggravantes. Pour autant, les choses se compliquent souvent pour les victimes au moment de porter plainte : "L'auteur n’est bien souvent pas idéntifié et identifiable et combien de fois des femmes dejà reticentes à aller porter plainte, se voient répondre au commissariat : 'C’est pas très grave' ou 'N’auriez vous pas contribué à votre propre préjudice avec votre tenue ?'".
Au même titre que les agressions sexuelles, l’exhibition entre dans le cadre des violences sexuelles et lorsqu'elle est "imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public", est passible d'un an d'emprisonnement et de 15.000€ d'amende selon l'article 222-32 du code pénal.
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Injures, insultes physiques ou salaces ?
"Une seule injure peut suffire à tomber sous le coup de la loi de 1881 si elle est publique et déterminée", explique Maître Thierry Vallat, avant de préciser qu'en la matière, la "connotation sexuelle va faire la différence."
"Le délit d’injure à caractère sexiste prévu par l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 punit de six mois d’emprisonnement et 22.500 euros d’amende, l’injure commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap est clairement inadapté, notamment pour rapporter la preuve d’une telle infraction bien difficile à rapporter face à des comportements furtifs, relativement discrets dans leur mode d’exécution et qui ne se limitent pas à l’expression d’une injure", rappelle-t-il.
Quid des sifflements et des regards insistants
"Marlène Schiappa estime que le sifflement n’est pas constitutif d’un harcèlement, je ne suis pas tout à fait d’accord", explique le spécialiste. Et de détailler : "Il peut en faire partie s’il est réitéré car le harcelement est un comportement qui est répété. Admettons qu'une femme se fasse siffler tous les jours et même plusieurs fois par jour." Si personne "ne se risque", pour l'heure, à porter plainte pour ce motif, les choses pourraient changer si la nouvelle loi est mise en place. "Toute la difficulté reposera sur le fait que bien souvent la même victime va subir les propos ou comportements irrespectueux, menaçants ou agressifs de plusieurs individus et que c'est l’accumulation de propos ou comportements à caractère sexiste qui va constituer un harcèlement : mais alors comment imputer à un seul individu une situation de harcèlement causée par plusieurs ?", souligne-t-il.
Quid, également, des regards insistants, qui ,lorsqu'ils sont répétés, peuvent relever du harcèlement mais qui restent toujours difficile à prouver ?