Intempéries : comment se reconstruire quand on a tout perdu

Publié le 7 octobre 2015 à 19h30
Intempéries : comment se reconstruire quand on a tout perdu

TÉMOIGNAGE - François Anil, 70 ans, a tout perdu lors des inondations causées par la tempête Xynthia, dans la nuit du 27 au 28 février 2010. Alors que des milliers de sinistrés de la Côte d'Azur sont dans une situation similaire après les violentes intempéries de ce week-end, et que débute le processus de leur indemnisation, il nous raconte comment il a vécu les jours et les mois après le drame.

Les images impressionnantes de la Côte d'Azur sous les eaux et les paroles des sinistrés exprimant leur désarroi ont résonné de façon très particulière dans la tête de François Anil. "Quand j'ai vu cela à la télévision dimanche, ça m'a glacé, raconte ce retraité de 70 ans. J'ai eu le sentiment, peut-être à tort parce que chaque situation est différente, de mieux comprendre ce que ces gens vivent." Cet habitant de la Faute-sur-Mer, une petite station balnéaire de Vendée, a en effet lui aussi connu il y a plus de cinq ans un tel cauchemar, lorsque dans la nuit du 27 au 28 février 2010, la tempête Xynthia a déchaîné la mer et dévasté son village, faisant 29 victimes parmi ses habitants.

"Sortir de chez soi, c'est de la folie"

Comme pour les Alpes-Maritimes, où Météo France a essuyé des critiques pour n'avoir déclenché qu'une alerte orange , personne ne s'attendait ce soir-là à ce que les éléments se fâchent avec une telle ampleur. "Mais avec ma femme, nous étions depuis longtemps conscients du danger, et nous avions entendu au JT de France 3 un journaliste dire une petite phrase : 'risques d'inondations dans le Sud Vendée'. Alors nous étions très attentifs". Le couple n'a donc dormi que d'un œil et lorsque vers 3 heures du matin, un filet d'eau est arrivé "comme un gros serpent" par le fond du jardin, il a tout de suite compris ce qui se préparait.

"Dans ces cas-là, il faut fonctionner en mode robot : vous avez 10-15 minutes pour vous habiller, rassembler quelques papiers et affaires de rechange dans une caisse en plastique puis vous protéger, souligne François Anil. Après, il est trop tard pour le matériel, il ne faut plus penser qu'à l'humain". Alors que beaucoup des victimes des Alpes-Maritimes ont été surprises par les eaux à bord de leur véhicule, le Fautais soupire : "Sortir de chez soi, c'est de la folie car on ne sait pas quels objets flottants on va rencontrer dehors. Quand je vois que des gens sont descendus dans leur sous-sol pour aller chercher leur voiture, c'est à pleurer. Il faut informer et sensibiliser les populations au risque !"

Jusqu'au petit matin, François Anil et son épouse Annette seront restés juchés sur un buffet de 1m30, solide radeau sur des eaux montées jusqu'à plus d'un mètre. Entretemps, ils auront vécu une extrême frayeur : la porte-fenêtre de leur salon, qu'ils avaient "par erreur" laissée fermée, a explosé sous la pression de l'eau. "Toutes nos doubles cloisons internes ont été arrachées, les meubles ont volé à travers la pièce, se souvient le retraité. C'était comme une bombe". La maison et tout son intérieur n'étaient plus qu'un champ de ruines.

"Les assurances ne sont pas là pour vous rembourser"

Alors que l'arrêté reconnaissant l'état de catastrophe naturelle pour les communes des Alpes-Maritimes et du Var touchées par les inondations du week-end sera publié jeudi au Journal Officiel, les sinistrés se sont vus promettre des indemnisations "en moins de 3 mois". Un délai auquel ne croit pas François Anil. "Si ce n'était pas triste, ça me ferait sourire. Même quand cela se passe bien comme pour nous, c'est long : pour le mobilier et les vêtements, nous avons effectivement été indemnisés en moins de trois mois, à hauteur de 20.000-30.000 euros, mais pour la maison, nous n'avons signé la lettre d'accord sur dommages que le 1er octobre", soit plus de sept mois après l'inondation. Après avoir vécu durant un mois dans une maison prêtée par la famille, avant de trouver une location, le couple n'aura retrouvé que plus d'un an plus tard, en mars 2008, son habitation dont les travaux n'étaient pas encore finis.

Si François Anil estime avoir bien été indemnisé, à hauteur de 230.000 euros environ, c'est parce qu'il a négocié d'arrache-pied avec les experts, multipliant les courriers et les démarches pour justifier la valeur de ses biens : "Il faut trouver l'équilibre entre ne pas se laisser faire, parce que sinon on se fait plumer, et ne pas s'énerver, car on risque de bloquer la situation. C'est beaucoup de paperasserie mais entre ce que l'on nous proposait au départ et ce que l'on a obtenu à l'arrivée, nous avons quand même gagné 40.000 euros." Au final, les deux retraités s'estiment toutefois perdants : "Une affaire comme cela coûte de l'argent, c'est clair. Vous comprenez très vite que les assurances ne sont pas là pour vous rembourser, mais bien pour vous indemniser." Nuance...

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De cette période, François Anil garde un souvenir amer : la gêne alors perçue dans le regard des gens. "Un sinistré, c'est un peu comme un grand malade, lâche-t-il : personne n'a envie de le voir". Mais il se remémore aussi l'élan de solidarité et l'aide précieuse de ces hommes de la sécurité civile et de ces bénévoles qui, comme dans le sud-est cette semaine, l'ont aidé ou lui ont apporté de la nourriture lorsqu'il nettoyait sa maison. Aujourd'hui, celui qui s'active au sein de l'association des victimes des inondations de la Faute-sur-Mer (Avif), en particulier pour préparer le procès en appel des élus condamnés après Xynthia , le 16 novembre prochain, appelle à "faire évoluer les mentalités" sur l'urbanisation à outrance en bord de mer. Un "bétonnage" dont la responsabilité avait été montrée du doigt il y a cinq ans en Vendée. Comme sur la Côte d'Azur aujourd'hui.


Gilles DANIEL

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