Journalistes emprisonnés en Indonésie : sur quoi enquêtaient-ils ?

Publié le 20 octobre 2014 à 10h30
Journalistes emprisonnés en Indonésie : sur quoi enquêtaient-ils ?

PACIFIQUE - Ce lundi, cela fait deux mois que les journalistes Valentine Bourrat et Thomas Dandois ont été emprisonnés dans la province de Papouasie, en Indonésie. Ils ont été interpellés en compagnie de membres de l'armée indépendantiste papoue. Metronews a demandé à l'antropologue Stéphane Breton d'expliquer la situation géopolitique de la région, extrêmement sensible.

Thomas Dandois et Valentine Bourrat ont été interpellés  alors qu'ils rencontraient des membres du Mouvement de la Papouasie libre (OPM). Que représente ce groupe rebelle ?
Avant de parler de ce groupe, il faut prendre en compte le contexte du pays. L'Indonésie est un immense pays, composé de milliers d'îles, avec des populations très différentes. L'Ile de Papouasie (voir carte ci-dessous) a été partagée en deux pendant la colonisation. La partie ouest, actuelle Indonésie, était hollandaise. La partie est était partagée entre l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Australie. Si la partie est est devenue la "Papouasie-Nouvelle-Guinée" en 1975, la partie ouest est passée sous domination indonésienne en 1962. Depuis, certains Papous se battent pour retrouver leur indépendance.

Pourquoi l'Indonésie ne veut pas entendre parler de cette indépendance ?
Cette île dispose de richesses considérables. Du gaz, du pétrole, mais surtout une immense mine d'or, la plus grande du monde . Le pays dispose donc là d'une richesse considérable, tout en étant très peu peuplée. Les peuples qui y sont installés, depuis des centaines d'années, habitent sur des terres inhospitalières, des montagnes, des forêts. Ils ne sont pas très développés technologiquement ou politiquement. Quand je les ai rencontrés*, la plupart vivaient nus et se nourrissaient grâce à leur agriculture.

La répression du gouvernement central et de l'armée est-elle violente envers les mouvements indépendantistes ?
Oui, extrêmement violente. L’armée a commis de nombreuses exactions dans la population papoue. On parle "d'armée", mais il faut savoir que les rebelles sont généralement des villageois avec des arcs et des flèches. Leur leader, Theys Eluay, a été assassiné en 2001.

Généralement, les journalistes qui enquêtent sur des sujets "sensibles" sont expulsés, pas emprisonnés. Pourquoi cette situation ?
Il y a une quinzaine d'années, deux journalistes avaient déjà été emprisonnés, pendant trois mois. Il faut aussi savoir que les autorités demandent, en plus du visa, un permis pour se rendre dans ces régions difficiles. L'armée peut ainsi contrôler les séjours des étrangers. À Wamena, où les journalistes ont été arrêtés, un étranger est immédiatement repéré. Parler aux indépendantistes est très risqué.

Le mouvement rebelle papou dispose-t-il d'une voix dans les organisations internationales ?
Non, les Papous d'Indonésie ont très peu voix au chapitre . Il faut garder à l'esprit que c'est une population qui vit dans des régions reculées, qui n'a pas forcément les moyens de se faire entendre. Le gouvernement procède également à des manipulations. Il installe certaines populations de province très peuplées, comme Java ou Sumatra, sur la côte papoue, afin de rendre minoritaires les indépendantistes.

* Stéphane Breton est maître de conférences à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il a passé de nombreuses années à étudier les tribus papoues et en a tiré un documentaire, Eux et moi.

>> Reporters sans Frontières (RSF) a lancé une pétition pour réclamer la libération des deux journalistes. Pour la signer, c'est par ici.


La rédaction de TF1info

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