Le suicide reconnu comme accident du travail : ça change quoi pour les fonctionnaires ?

Publié le 16 juillet 2014 à 17h32
Le suicide reconnu comme accident du travail : ça change quoi pour les fonctionnaires ?

DECRYPTAGE - Le Conseil d'Etat a posé mercredi pour principe qu'une tentative de suicide ou le suicide d'un fonctionnaire serait automatiquement reconnu comme accident de travail. A moins que l'administration ne démontre le contraire. Metronews s'est penché sur cette décision.

Inédite, cette décision pourrait avoir d'importantes conséquences. Le Conseil d'Etat a jugé mercredi qu'un suicide ou une tentative de suicide d'un fonctionnaire sur son lieu de travail devait en principe être reconnu comme un accident de travail, ce qui ouvre la voie à une indemnisation de la victime ou de ses proches. Explications.

> Quelle est la nouveauté ?
Dans sa décision , la plus haute juridiction administrative estime qu'une tentative ou un suicide survenu sur le lieu de travail, doit être reconnu comme un "accident de service", l'équivalent de l'accident de travail pour les fonctionnaires. En clair, l'exception en vigueur jusqu'à présent, devient la règle. "Pour la première fois, le Conseil d'Etat proclame la responsabilité sans faute de l'administration. En cas de tentatives ou de suicides, ce sera à elle de prouver que ce n'est pas lié à l'activité professionnelle du fonctionnaire", explique à metronews Alexandre Ebdtedaei , avocat au cabinet FTPA. Et même si la tentative n'intervient pas sur le lieu de travail, elle peut être reconnue comme un accident de service si elle présente "un lien direct avec" celui-ci.

> Pourquoi ce revirement ?
En décidant cela, la juridiction administrative s'aligne sur la jurisprudence du droit privé. En effet, une décision rendue par la Cour de cassation le 14 mars 2007 pose exactement ce principe pour les salariés du privé. Avant cette décision, le Conseil d'Etat avait toujours tendance à demander aux fonctionnaires d'établir le lien de causalité entre leur activité et leur tentative de suicide. Une démarche qui n'aboutissait que dans de très rares cas. Pour preuve, selon les derniers chiffres publiés en 2010 , 121 dossiers ont été soumis aux commissions de réformes entre 1996 et 2002 et seuls deux suicides ont été reconnus comme accidents de service. De même, entre 2004 et 2008 seulement deux suicides - d’un gardien de prison et d’un policier – avaient été reconnus comme accidents de service.

> Quelles conséquences pour les victimes ou ayants-droit ?
Dorénavant, si l'administration ne démontre pas que la tentative de suicide d'un fonctionnaire n'est pas liée à son activité professionnelle, ce dernier pourra être pris en charge à 100% lors de son arrêt maladie. Si un fonctionnaire succombe à sa tentative, ses ayants-droit pourront réclamer de l'administration des dommages et intérêts. Le Conseil d'Etat avait ainsi été saisi par une fonctionnaire territoriale qui avait fait une tentative de suicide au travail en 2009. Celle-ci avait ensuite demandé que cette tentative soit reconnue comme un "accident de service". Mais cette demande avait été rejetée par la mairie qui l'employait. Mercredi, la plus haute juridiction administrative a annulé la décision du tribunal administratif de Bordeaux (qui lui refusait également cette demande) et a condamné la mairie qui employait la fonctionnaire à lui verser 3.000 euros.


La rédaction de TF1info

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