"Les journalistes se slashent pour mourir" : la presse face au défi Internet

par Nicolas VANEL
Publié le 9 mai 2016 à 15h20
"Les journalistes se slashent pour mourir" : la presse face au défi Internet

CRITIQUE - A l'heure ou le secteur de la presse vit une profonde remise en question face au défi que représente le développement du numérique, la journaliste Lauren Malka met les pieds dans le plat dans un livre original qui tente de répondre à cette question brûlante : Internet a-t-il tué le journalisme ?

Quel est le pire métier au monde aujourd’hui ? Journaliste, répondent régulièrement les enquêtes d’opinion sur le sujet, à l’instar du récent classement du site américain de recherche d'emploi Careercast.com. Il faut dire que le métier de journaliste n’a pas échappé ces dernières années à la révolution numérique qui a bouleversé nombre de secteurs. A cela s’ajoutent la formidable multiplication des échanges et l’accélération du partage de l’information que tous désormais peuvent produire. De quoi interroger profondément le journaliste sur son rôle et l’évolution de son métier.

C’est à cette nécessaire et douloureuse remise en question que s’est attaquée la journaliste Lauren Malka dans son livre "Les journalistes se slashent pour mourir", en tentant de comprendre les profondes mutations qui bouleversent la profession sous la forme originale d'un dialogue entre un étudiant en journalisme désabusé mais néanmoins combatif et un historien réalisant une thèse sur la presse.

Une perpétuelle adaptation ?

Quand le premier évoque la mort du journalisme "traditionnel", décrivant des professionnels de l'information contraints aujourd'hui de gagner des parts d'audience sur le web en s'assurant que leurs articles remplissent bien les critères, pourtant obscurs, définis par les moteurs de recherche - Google en tête -, le second rétorque à coups d'arguments historiques sur l'évolution de la presse et de son modèle économique.

On y apprend ainsi que le fondateur du premier journal français en 1631, Théophraste Renaudot, s'interrogeait déjà sur les moyens éditoriaux d'attirer un maximum de lecteurs. Tandis qu'Emile de Girardin, jeune rédacteur en chef du quotidien parisien La Presse, résolvait le problème de l'augmentation du tirage de son titre en baissant le prix de l'abonnement grâce à la publicité. "C'est aux annonces de payer le journal", écrit ainsi de Girardin dans le premier numéro de son journal.

Tous en réseau

A travers cette mise en perspective documentée, Lauren Malka nourrit un débat nécessaire autour de l'usage des nouveaux médias et la production de l'information, à l'heure où celle-ci n'est plus l'apanage des seuls journalistes. Des professionnels tout à la fois obligés de s'adapter aux contraintes d'internet et à son caractère d'immédiateté et qui bénéficient dans le même temps et pour la première fois des moyens technologiques leur permettant de traiter, en réseau, un nombre incroyable de données susceptibles d'aboutir à des scandales de grandes d'ampleur, à l'image des "Panama Papers".

Pour les journalistes, comme pour les lecteurs, l'ouvrage donne autant de points de repère pour comprendre l'évolution d'un métier que beaucoup aujourd'hui critiquent, tout en le jugeant nécessaire. C'est là d'ailleurs le principal atout de ce livre : confronter avec lucidité le journalisme 2.0 à son passé, sans concession ni nostalgie sur les pièges et dérives qui se dressent devant lui.


Nicolas VANEL

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