Marc Trévidic : "La déchéance de nationalité, c'est beaucoup de bruit pour rien"

par Antoine RONDEL
Publié le 25 décembre 2015 à 10h43
Marc Trévidic : "La déchéance de nationalité, c'est beaucoup de bruit pour rien"

DECHEANCE - Dans le débat sur la déchéance de nationalité, le juge Marc Trévidic a porté un avis tranché sur l'utilité d'une telle mesure. Et pointé du doigt les risques qu'on prend à mettre en place

Déchoir de leur nationalité française les terroristes binationaux ? La mesure, que le gouvernement a finalement maintenu dans son projet de réforme constitutionnelle sur injonction de François Hollannde, divise. A droite, on se pince le nez pour suivre le gouvernement, tandis qu'à gauche, exception faite de certains élus de la majorité, on crie à la stigmatisation.

Et si on nous faisait la même chose ?

Très sollicité depuis les attentats du 13 novembre, l'ancien juge antiterroriste Marc Trévidic s'est montré très sceptique sur le sujet, auprès de La Voix du Nord , dénonçant une mesure qui fait "beaucoup de bruit pour rien" et qui peut amener à des situations inextricables.

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C'est d'abord sur le plan pratique que Trévidic s'interroge, qui se demande quelle sera la situation si un autre pays que la France vote une loi comparable : "Le Royaume-Uni est en train de réfléchir à une réforme analogue. Que va-t-il advenir des franco-britanniques dans cette situation ?" Et l'une des révélations médiatiques aux yeux des Français pendant les attentats de s'interroger, encore : "Imaginons que le Maroc vote un texte similaire. Une personne y aura passé toute sa vie et, parce qu'elle est également française, le Maroc nous l'envoie. Allons-nous l'accepter ?"

"On risque de fabriquer des apatrides"

Des questions rhétoriques auxquelles le juge répond ainsi : "On n'exporte pas un terroriste ! (...) On risque vraiment de fabriquer des apatrides", ce que les traités internationaux, auxquels la France est soumise, interdit. Bref, la mesure créerait "plus de problème qu'elle n'en réglerait", explique Marc Trévidic, qui voit encore au moins un autre problème à la déchéance de nationalité.

Un problème qui tient à la définition même du terrorisme, qui renvoie à l'emploi de la terreur à des fins politiques, idéologiques, religieuses... Soit, comme l'indique Trévidic, une définition "très floue" (qui prend en compte aussi bien un jet de pierre dans une manifestation qu'un détournement d'avion).

Et le juge de citer l'exemple de ces militants écologistes assignés à résidence en plein état d'urgence, pendant la Cop21. De quoi craindre de nombreuses dérives – et autant de déchéances – si, dans un régime de moins en moins démocratique, un dirigeant politique "qualifie très largement des opposants de terroristes."

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Antoine RONDEL

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