Marie-Arlette Carlotti : "Un accueil adapté dès la maternelle pour les enfants autistes"

Publié le 5 février 2014 à 7h45

INTERVIEW - La France se voit condamner ce mercredi par le Conseil de l'Europe pour sa mauvaise gestion et prise en charge des personnes autistes. Sur ce point, elle accuse en effet un terrible retard par rapport à ses voisins européens. Ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, Marie-Arlette Carlotti s'est vu confier ce chantier colossal. Elle détaille pour metronews son plan d'action.

Trouvez-vous cela justifié que le Conseil de l'Europe condamne une nouvelle fois la France ?
Quand j’ai pris mes fonctions en 2012, j'ai constaté l’ampleur du retard accumulé par la France, en termes de nombres de places et de qualité de la prise en charge. J’ai donc pris le sujet à bras-le-corps et obtenu la mise en œuvre d’un 3ème plan autisme doté de 205 millions d’euros. Mais il faut être lucide : on ne peut pas rattraper en deux ans les carences de plusieurs décennies.

Comment votre troisième Plan Autisme compte-t-il redresser la barre ?  
Grâce à un effort considérable de création de places et la promotion des bonnes pratiques professionnelles recommandées par la Haute Autorité de Santé. L’enjeu, c’est de diagnostiquer le plus tôt possible les troubles puis d’assurer un accompagnement adéquat tout au long de la vie de la personne. Il faut poursuivre les efforts de recherche et former les professionnels en lien avec des enfants notamment. Enfin, je veux permettre aux parents de souffler quand la pression est trop forte grâce à des places de répits (places d'accueil temporaire, ndlr).

Quels sont vos objectifs en chiffres ?
Nous créons 3500 places pour un accompagnement adapté tout au long de la vie. C’est un effort sans précédent. La première tranche du plan, soit plus de 100 millions d’€, vient d’être notifiée aux Agences Régionales de Santé. Elles peuvent donc dès maintenant lancer des appels à projet. La 2ème tranche débutera l’année prochaine pour qu'en 2017 une partie du retard soit rattrapée.

Comment comptez-vous encourager l’intégration en milieu scolaire ordinaire ? 
Mon fil rouge, c’est l’accessibilité universelle, c’est de permettre à tous ceux qui le peuvent et le veulent de vivre une vie ordinaire. Mais cela n’est pas toujours possible et les parents doivent avoir le choix. Pour les enfants autistes, je veux un accueil adapté dès la maternelle. Nous créerons 700 places d’unités d’enseignement en maternelle. En 2014, chaque académie sera dotée d’une unité et à l’issue du plan, ce sera chaque département.

Que comptez-vous mettre en place pour leur scolarisation ?
Pour les plus grands, nous créons 850 places de services d’accompagnement à domicile. Parallèlement, des classes pour l’inclusion scolaire (CLIS) et des unités localisées pour l’inclusion sociale (ULIS) vont continuer de se développer sur l’ensemble du territoire. Plus généralement, c’est tout le dispositif médico-social qui doit poursuivre cet objectif de scolarisation des enfants autistes. C’est notamment ce que je demande aux Instituts Médico-Educatifs.

Êtes-vous favorable à la création de classes spécifiques pour les maternelles ou à leur intégration en classes ordinaires ? 

Tout dépend du projet de ces classes. Les unités d’enseignement permettent d'intervenir très précocement auprès d'enfants qui progressivement pourront être scolarisés, pour certains normalement. Comme je l’ai dit, il faut que les parents aient le choix, et aussi que les projets s'adaptent aux besoins des enfants et non l'inverse. Avec Vincent Peillon, nous faisons en sorte que tous les nouveaux enseignants soient désormais formés à l'accueil d'un élève handicapé, dès la rentrée prochaine.

Combien d'Auxiliaires de vie scolaires doivent être recrutés dans votre plan autisme ?  
La réforme de l'accompagnement par les assistants de vie scolaire (AVS) concerne l'ensemble des élèves handicapés. Nous avons souhaité professionnaliser la fonction d'accompagnant et sortir de la précarité toutes celles et ceux qui travaillent pour nos enfants. Ce sont donc 28.000 AVS qui se verront proposer un CDI à l'issue de leur contrat de six ans. Pour compléter, nous mettons en place un nouveau diplôme d'Etat d'accompagnant. Il sera prêt d'ici la fin de l'année.

L'approche psychanalytique est aujourd'hui privilégiée, mais n'est pas recommandée par l'Haute Autorité de Santé ni par les associations. Quel est votre avis sur le sujet ? 

Je n’ai pas vocation à trancher des controverses scientifiques. Au contraire, le 3ème plan autisme prévoit de soutenir les efforts de recherche dans ce domaine. Je me fie donc au jugement des autorités compétentes et en l’occurrence à la Haute Autorité de Santé. Ses recommandations sont au cœur du 3ème plan autisme.

Que répondez-vous aux associations qui regrettent de voir dans votre plan Autisme la pérennisation des centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) "sont sous l’égide de la psychiatrie" ? 
Derrière une même appellation, il peut y avoir des réalités très différentes. Les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) sont engagés dans une évolution que je veux soutenir : ils vont bientôt disposer d'un outil informatisé national de recueil de leur activité, de recommandations de bonnes pratiques spécifiques. Les recommandations en matière d'autisme s'appliqueront à eux comme à tous les autres établissements. Par ailleurs, les CAMSP sont un outil puissant de dépistage et de diagnostic précoce des handicaps. Il serait dommage de s’en priver.

Quelle est votre position sur la méthode dite du "packing" ? 
Ma position est inchangée depuis 2012 : le packing n'est pas une méthode de prise en charge recommandée par la Haute Autorité de Santé et l'Anesm en dehors du programme de recherche clinique qui le prévoit. Je poursuis actuellement avec les autorités des échanges, en matière sanitaire, en vue de demander aux ARS d'inciter les établissements qui le pratiquent à rentrer dans le protocole clinique de recherche.

Sur le budget de votre plan Plan Autisme, les associations jugent la somme de 250 millions d'euros très insuffisante...
Ce qui est certain, c’est que l'effort du Gouvernement est bien plus important que ce que vous dites. Le financement du plan s’ajoute aux deux plans précédents. Il faut comptabiliser les quelques 118 millions d’euros préexistants, dédiés à l’autisme et prendre aussi en compte les crédits de l'Education nationale qui réalise des efforts très importants pour la scolarisation des enfants handicapés. Sans parler de l’engagement financier des conseils généraux sur tout le territoire. Par ailleurs, l’argent ne fait pas tout. On le voit bien, les exigences de qualité sont posées et je veillerai à ce qu’elles soient respectées.


La rédaction de TF1info

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