Morningophiles ou adeptes du "Miracle Morning", ils expliquent pourquoi ils aiment se lever à 4 ou 5 h du matin

par Sibylle LAURENT
Publié le 25 mai 2017 à 8h00, mis à jour le 1 juin 2017 à 22h02
Morningophiles ou adeptes du "Miracle Morning", ils expliquent pourquoi ils aiment se lever à 4 ou 5 h du matin

LÈVE-TÔT – La tendance a débarqué en France l’an dernier, popularisée par le livre américain de développement personnel "The Miracle Morning", reprenant l’idée bien connue que le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. Et le nombre de pratiquants explose.

"Bien sûr, que je veux témoigner !" Ils ont envie de parler. De partager. Avec le zèle des nouveaux convertis. Envie de clamer au monde entier que l’adage bien connu est assez vrai : le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. On les appelle les "morningophiles". 

A les écouter, se lever tôt procure tous les bienfaits. "Je me sens plus calme, plus joyeuse, j’ai développé mes capacités d’attention de façon très importante, je me sens plus tonique", raconte Agnès Poujol Hardy, qui il y a un an a choisi de basculer et de régler son réveil entre une à deux heures avant son lever "normal". Elena, elle, s’est lancée il y a un mois et voit déjà des effets. "Je passe plus souvent à l'action, mes réflexions sont moins dispersées et je me suis mise en au sport, ce qui n'était pas gagné", témoigne-t-elle sur Facebook. 

Kheira, de son côté, se lève à 4 h du matin. "C’est un plaisir, j’ai la sensation que le monde m’appartient !" Elle a pris cette habitude quand ses enfants étaient petits. "Cela me permettait d’avoir des heures à moi. Je pouvais ainsi préparer mes cours et tout le train-train familial." Nathalie résume l'état d'esprit général : "Se réveiller tôt de chez très tôt est top : on a l’impression d'être seule au monde et d'avoir le temps de rêvasser, traîner et respirer avant le tumulte."

Se lever plus tôt, mais pour quoi faire ?

Depuis quelques mois, la tendance séduit de plus en plus, à grande échelle. Si les lève-tôt ont toujours existé, c’est sans doute le livre d'Hal Elrod, star du développement personnel, qui a déclenché un large nombre de vocations : "Miracle Morning, offrez-vous un supplément de vie", sorti en 2012 aux Etats-Unis. On y assure que se lever tôt est la recette du succès. C’est d’ailleurs un point commun entre Richard Branson, Anna Wintour ou encore Bill Gates. L’ouvrage a déboulé en France en mars 2016, entraînant dans son siilage toute une littérature du genre, qui a connu le même succès. Par exemple "La magie du matin, L’heure de plus qui va changer votre vie", d’Isalou Beaudet-Regen, qui explique comment se "transformer en morningophiles" et "réenchanter son quotidien". Ou encore "Le guide pratique du Miracle Morning", de Laura Mabille, qui rappelle que "tout se joue avant 8 h" et donne des conseils pour mettre en place ce nouveau "rituel matinal".

Car se lever plus tôt, ce n’est pas (forcément) pour le plaisir de passer une heure de plus à rêvasser sur son café. L’idée est de développer une "routine", un temps centré sur soi, que Miracle Morning théorise à travers les "live SAVERS" (sauveurs de vie, ndlr ). SAVERS est en fait un acronyme, proposant pour chaque lettre un temps que Hal Elrod propose d’inclure dans sa pratique : "S" pour "silence", "A" pour "affirmation", un concept de psychologie positive, qui permet de conditionner son mental pour atteindre ce que l’on souhaite ;  "V" pour "visualisation", le fait de visualiser par la pensée ses objectifs , "E" pour "exercices physiques", "R" pour "reading" (lecture), et "S" pour "scribing", écrire.  

A chacun de piocher dans ces actions et de les enchaîner dans l’ordre souhaité. Agnès Poujol Hardy est ainsi arrivée au Miracle Morning par la méditation. "Je souhaitais ancrer la méditation dans ma vie. Je venais de suivre un cycle de formation, qui nécessitait de dégager au minimum ¾ d’heure par jour", explique-t-elle. Sauf qu’à la tête d’une petite entreprise, et avec trois enfants, le challenge était périlleux. "J’ai cherché sur quelle plage horaire caler ça, je suis allée voir sur internet et je suis vite tombée sur le livre de Hal Elrod", raconte-t-elle. Convaincue, elle a changé de rythme de vie le 1er avril 2016.

Pas si facile à appliquer

Pourtant, régler son réveil entre 5 et 7 h était presque contre nature pour cette couche-tard. Mais, elle l’a constaté, ce rythme lui permet d’être plus... efficace. "Je remarque que ce qui n’est pas fait le matin n’est pas fait dans la journée", analyse-t-elle. "Du coup, si je fais l’effort de me lever plus tôt, c’est parce que je souhaite favoriser toutes ces activités, méditation, lecture, sport, qui sont nourrissantes et enrichissantes pour mon corps et mon esprit." 

Se poser un peu avant le grand rush, c’est également ce qui a poussé Laura Mabille à se lancer, en 2015. "Je suis du genre à mettre le réveil en mode 'snooze', et du coup attaquer la journée avec systématiquement 20 ou 30 minutes de retard. J’en avais marre de me réveiller et d’être directement en état de stress", explique-t-elle. Elle aussi est tombée sur ce livre qui proposait une recette aux antipodes de sa vie. Et ça l’a séduit. "Je travaille à mon compte, ce qui demande de l'organisation", raconte-t-elle. La méthode était donc bienvenue pour se recadrer un peu, côté vie pro et perso.

Pourtant, les débuts des morningophiles ne sont pas simples. Agnès le confesse : "Les trois premiers mois, j’étais assez fatiguée. Je me suis rendue compte qu’il me fallait mes 7 heures de sommeil. J’ai donc réorganisé mes soirées, avec pour objectif d’éteindre à 22 h."  Ce qui impose de faire des choix : "Je ne regarde quasiment plus la télévision... mais je ne m’en porte pas plus mal !" Et elle ne s’interdit pas pour autant de sortir. "Quand je me couche plus tard, je décale d’autant."

"La communauté continue de grossir"

Le miracle matinal séduit. Laura Mabille, qui avait raconté sur son blog comment sa vie avait changé en se levant à 5 h 30, a vu l’article tourner, tourner, être repris en plusieurs langues. Elle a été contactée par de nombreux curieux, sollicitée par nombre de journalistes. Le sujet intéressait. Passionnait, même. "C’est assez épatant : quand j’ai commencé à parler de ce sujet, j’ai vu le nombre de mes abonnés passer de presque zéro à 8.000 en trois mois. Aujourd’hui, j’en suis à 25.000." Depuis, elle a lancé une plateforme en ligne, lauramabille.fr, pour prodiguer conseils et éclairages sur la question. Et deux ans après, l’intérêt est toujours bien là. "Le livre a mis le feu aux poudres, parce que tout le monde s'est mis à parler de cette tendance à cette occasion. Mais la communauté continue de grossir très régulièrement." 

Agnès Poujol Hardy, qui est l'une des dix administrateurs du groupe Facebook The Miracle Morning Community !, le constate aussi : "Il y a un an, on comptait une centaine d’adhérents. On est 30.000 aujourd’hui." Sur la page du groupe se mêlent témoignages de quadra, de mères de familles ou d'ados, qui s’échangent expériences, pratiques de coaching, applis de running, citations a tendance bouddhiste et recettes variées de développement personnel. Des membres envoient des selfies souriants, d’autres viennent demander du soutien. Vraie diversité, esprit de bienveillance et d’encouragements partagés pour un public varié.

Pourtant, la tendance du lever tôt a aussi ses détracteurs, qui y plantent un débat d’ordre quasi philosophique. La sociologue Anne Dujin voit ainsi dans le "Miracle Morning" une sorte de dérive capitaliste, qui incite les gens, déjà sursollicités, à grignoter leur dernier temps mort : "La frontière de ce qui peut être coaché, entraîné, amélioré, optimisé dans nos vies quotidiennes recule encore un peu", écrivait-elle en 2016, peu avant la sortie du livre de Hal Elrod en France. "C’est maintenant le petit matin, entre 5 et 8 heures, qui concentre tous les espoirs de celles et ceux qui ne sont pas encore pleinement satisfaits d’eux-mêmes." Elle voit surtout dans ce concept a priori séduisant une vraie dérive : prendre soin de soi, certes, mais... pour devenir plus productif. "C’est toute l’ambiguïté du message de The Morning Miracle, ce temps personnel est tout entier tourné vers une finalité professionnelle. Il s’agit de se conditionner pour donner ensuite le meilleur de soi… au travail." Une idée de maximisation à l’extrême, renforcée par le fait qu’aux Etats-Unis, tout un business s’est aussi engouffré dans les belles opportunités dorées qu’offrait cette nouvelle tranche horaire, des applis pour smartphone qui aident à se réveiller aux salles de sport ouvertes en continu, des soirées de 5 à 7 h aux cours de yoga aux aurores...

"Je peux comprendre ces inquiétudes qui sont vécues de points de vue extérieur", indique Laura Mabille. "D’autant qu’aux Etats-Unis, on a souvent tendance à associer la réussite avec l’argent, le business. Mais la vision en France est plus nuancée, réellement axée sur le bien-être." Elle le voit dans les motivations des gens qui la sollicitent : "L’idée est de trouver un moment pour soi, pour sa vie personnel. Chacun peut prendre le Miracle Morning comme il veut, pour obtenir ce qu’il veut. Moi, c’est avant tout dans une recherche de bienfaits personnels. Mais après, si ça m’aide aussi à aller mieux dans mon travail, tant mieux !"


Sibylle LAURENT

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