Non, 40.000 immigrés ne dorment pas toutes les nuits à l'hôtel

par Mahaut DE BUTLER
Publié le 1 mars 2017 à 19h00, mis à jour le 8 mars 2017 à 10h51
Non, 40.000 immigrés ne dorment pas toutes les nuits à l'hôtel

INTOX - Des médias d’extrême droite prétendent que près de 40.000 migrants passeraient leurs nuits à l’hôtel, aux frais du contribuable. Un chiffre largement surestimé.

Mettre dos à dos réfugiés et SDF "français", une vieille habitude de la fachosphère. Une fausse information circule actuellement sur les réseaux sociaux, selon laquelle "40 000 immigrés" dormiraient à l’hôtel en France, avec le financement de l’Etat. Issu d’un article du magazine d'extrême droite Minute, repris par les sites Le Salon Beige et Fdesouche, ce chiffre est largement manipulé. Nous l’avons vérifié dans le cadre de CrossCheck, un consortium de journalistes luttant contre les fausses informations dont fait partie LCI

L’article en question s’appuie sur le dernier rapport de la Cour des Comptes, qui note une augmentation du nombre de nuitées à l’hôtel affectées à des personnes sans domicile. Ce nombre est passé de 32 300 nuitées en 2014 à 37 950 en 2015. Minute utilise ce dernier chiffre pour parler de "40 000 immigrés" en alléguant que ces nuitées concernent surtout des demandeurs d’asile. Mais cette affirmation est infondée, comme en témoignent les chiffres disponibles dans le rapport. 

Un chiffre au mieux trompeur, au pire manipulé

Capture Cour des comptes

Il est très difficile de connaître l’origine des personnes hébergées, car l’accueil en hébergement est inconditionnel en France. En réalité, la Cour des comptes ne précise pas la proportion de réfugiés concernés par rapport à ceux que Minute appelle "nos bons vieux clochards d’autrefois".

Mais une chose est sûre : en janvier 2016, toujours selon la Cour des comptes, 40% des demandeurs d’asile étaient hébergés en dehors du dispositif dédié aux migrants, "soit par leurs propres moyens, soit pour partie dans les dispositifs d’urgence généralistes." En effet, l’institution remarque que les moyens déployés pour héberger les demandeurs d’asile sont insuffisants, notamment en région parisienne. Résultat, ils sont nombreux à devoir se débrouiller seuls ou se rabattre sur les solutions d’accueil globales, dont les hôtels.

Poursuivons le calcul : même en prenant 40% des 80 075 demandeurs d’asile enregistrés en 2015, le résultat reste inférieur aux estimations du magazine. En outre, l’accueil en hôtel ne représente qu’une partie des "dispositifs d’urgence généralistes". Les sans-abri peuvent notamment s'orienter vers des centres d'hébergement d'urgence, des "lits halte soins santé" ou encore des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Il est donc clair que le chiffre de "40.000 immigrés" est au mieux trompeur, au pire manipulé. 


Mahaut DE BUTLER

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