FACT-CHECKING - A lire un site proche de l'extrême droite, le gouvernement voudrait "donner le droit de vote aux criminels emprisonnés, djihadistes inclus". Sauf que ce droit... leur est déjà garanti, même s'il s'applique difficilement en pratique. Une remise en contexte s'impose.
D’après le site identitaire breton Breiz Atao, le gouvernement serait "désespérément en recherche d’électeurs". A tel point qu’il voudrait "offrir le droit de vote" aux détenus des prisons françaises. Une affirmation fausse, comme nous le démontrons dans le cadre du projet CrossCheck, pour la simple et bonne raison que les prisonniers bénéficient déjà, en France, du droit de vote, à la différence d’autres pays, comme le Royaume-Uni.
En effet, la Constitution française garantit le droit de vote "dans les conditions déterminées par la loi" pour "tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques." Seule restriction à ce droit ? Elle est définie par l’article L.6 du Code électoral, qui précise que "ne doivent pas être inscrits sur la liste électorale (...) ceux auxquels les tribunaux ont interdit le droit de vote et d’élection". En clair : à moins de se voir supprimer ses droits civiques, un détenu dispose donc du droit de vote. D’après l’Observatoire international des prisons, ils étaient 1.609 détenus en 2012, sur 64.787, à en être privés.
Un droit quasi-inexistant en pratique
Alors pourquoi cette intox de Breiz Atao ? Le 13 mars, le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, a rencontré François Korber, connu pour son combat pour les droits des personnes détenues et délégué général de l’association Robin des Lois. A l’issue de cette rencontre, le Garde des sceaux a annoncé une "étude de faisabilité" pour installer des isoloirs en prison. Et ce, peut-être, dès les élections législatives en juin prochain. Mais cette expérimentation, qui n'est pas encore actée, ne concernerait qu'une seule commune. L'article du site identitaire est donc doublement faux, puisqu'on est loin des 50.000 détenus qui devraient, en théorie, voter en juin prochain.
Au-delà de l’exagération et de la manipulation des faits, cette information soulève le problème des droits civiques dans les prisons françaises : si les détenus ont le droit de vote, ils ne peuvent pas user de ce droit de manière effective en raison de l’absence d’urnes dans les prisons. Les détenus peuvent faire une procuration ou demander une autorisation de sortie pour voter, mais ces dernières sont rarement accordées. Sans compter l’inscription sur les listes électorales, qui est très ardue depuis la prison. Voilà pourquoi seuls 1980 détenus ont pu voter aux dernières élections présidentielles, selon les chiffres de l’Observatoire international des prisons.