Tout comprendre à la réforme du Code du travail : les licenciements seront-ils facilités ?

par Nicolas VANEL
Publié le 24 février 2016 à 8h12
Tout comprendre à la réforme du Code du travail : les licenciements seront-ils facilités ?

ZOOM - Quelles dispositions l'avant-projet de réforme du Code du travail prévoit-il en matière de licenciements ? Les patrons pourront-ils plus facilement dégraisser ? Les salariés concernés auront-ils plus de difficultés à contester leur licenciement ? Metronews fait le point.

"Lever les freins à l'embauche". Parmi l'ensemble des modifications du Code du travail prévues dans le projet de loi de Myriam El Khomri, les dispositions relatives aux licenciements litigieux occupent une place prépondérante. Il faut dire qu'ils constituent, avec les évolutions relatives au temps de travail, le socle de la flexibilité à la française telle que l'envisage le gouvernement de Manuel Valls. Mais à y regarder de plus près, les modifications prévues sur ce volet ne concernent qu'une petite minorité de personnes et de situations. Explications.

Licenciement économique
En période de crise, le poids de la baisse du carnet de commandes s'alourdit souvent, pour les entreprises, du coût de la procédure de licenciement économique, aujourd'hui incertaine en raison du flou juridique qui l'entoure. Si les cas de difficultés économiques et de mutations technologiques, encadrés par le Code du travail, apparaissent suffisamment clairs, la réforme El Khomri ambitionne d'éclairer la notion de "sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise" issue de la jurisprudence.

Ce "motif est très fréquemment invoqué par les entreprises", commente pour metronews Me Xavier Berjot*, spécialiste du droit du travail. Alors que les juges doivent aujourd’hui prendre en compte des critères aussi divers que le marché sur lequel évolue l’entreprise ou les décisions de gestion de l’employeur, le projet de loi du gouvernement entend définir des critères objectifs, tels que la "baisse des commandes ou du chiffre d'affaires pendant plusieurs trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l'année précédente" ou "une importante dégradation de la trésorerie", pour juger la conformité d'un licenciement économique.

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Le projet El Khomri va donc dans le sens d'une clarification, même s'"il est certain que le licenciement économique se trouvera assoupli car une baisse du chiffre d’affaires, même pendant plusieurs mois, ne signifie pas nécessairement que l’entreprise est en danger", estime Me Berjot, qui poursuit : "ceci dit, la jurisprudence sociale conservera le contrôle de la motivation du licenciement." Des craintes peuvent en effet émerger notamment sur l'attitude de certaines entreprises prête à remplir, un temps donné, les critères définis par le nouveau Code du travail pour dégraisser et maximiser par la suite leurs profits. Néanmoins, assure le spécialiste, l'état du marché sur lequel évolue l'entreprise concernée, notamment, sera toujours pris en compte par les juges.

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Indemnités prud'homales
Pour les patrons, comme pour les salariés, le Conseil des prud'hommes s'apparente bien souvent à une loterie où les premiers se voient généralement perdants et les seconds s'imaginent grassement indemnisés. La réalité est tout autre. Pour clarifier l'échelle d'indemnisation, - qui, si elle connaît un plancher (6 mois de salaire minimum), ne connaît aujourd'hui aucun plafond -, la réforme du gouvernement prévoit la mise en place du barème suivant : trois mois de salaire pour un salarié dont l'ancienneté est inférieure à deux ans, six mois de salaire entre deux ans et moins de cinq ans d’ancienneté, 9 mois de salaire entre 5 et 10 ans et enfin 15 mois maximum pour une ancienneté de plus de 20 ans. Une échelle conforme à la moyenne des jugements rendus ces derniers mois, affirme le gouvernement. Ce que confirme Me Berjot : "il est rare que les jugements condamnent les employeurs dans les proportions prévues par le barème. Par exemple, en région parisienne, les dommages-intérêts sont souvent limités à 6 mois, quelle que soit l’ancienneté du salarié. Cela s’explique par le fait que la justice prud’homale est paritaire, composée à égalité de conseillers employeurs et de conseillers salariés".

En outre, ce barème ne s'appliquera pas aux cas particuliers de licenciements abusifs, par exemple en cas de discrimination, de harcèlement, ou encore d’absence de plan de sauvegarde de l’emploi en cas de licenciements, précise le projet de loi El Khomri.

2% seulement de personnes concernées
Au-delà de la pertinence des mesures proposées, on peut s’interroger sur l'enjeu de telles dispositions dans le cadre des procédures de licenciement donnant lieu à contestation. En effet, selon les derniers chiffres du ministère de la Justice, seules 2% des procédures de licenciements économiques sont portées devant le Conseil des prud'hommes. Quant aux arguments avancés par les dirigeants d’entreprises sur leurs réticences à embaucher, selon un sondage OpinionWay publié en février 2011 dans le cadre du Salon des Entrepreneurs de Paris, les "difficultés de licenciement en cas de diminution de l'activité" arrivent en dernière position. Ce motif n'est en effet cité que par 2% des patrons, très loin derrière le critère de "manque d'activité" de l'entreprise (39%) ou encore le poids des charges sociales (33%).

*Me Xavier Berjot est notamment l'auteur des ouvrages "La Rupture conventionnelle", "Le Licenciement", "Les Délégués du personnel" et "Le Droit du travail dans l’entreprise" (AFNOR Editions).

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