Violences contre les Chinois d'Aubervilliers : les questions qui se posent

par Youen TANGUY
Publié le 22 août 2016 à 17h31
Violences contre les Chinois d'Aubervilliers : les questions qui se posent
Source : ALAIN JOCARD / AFP

Messages d'alerte en cas d'agression, escortes autour du métro, manifestations : la communauté chinoise d'Aubervilliers se mobilise face à des actes de violence répétés qui ont coûté la vie à l'un de ses membres le 12 août dernier. Mais depuis combien de temps observe-t-on une escalade de la violence ? Que peut faire la municipalité ?

Victime de violences répétées, la communauté chinoise d'Aubervilliers s'organise. Dimanche, près de 2000 personnes d'origine chinoise ont exprimé leur ras-le-bol et réclamé des mesures de sécurité renforcées après l'agression mortelle dont a été victime l'un des leurs. Quelques jours plus tôt,  plusieurs associations avaient été reçues par la préfecture de Seine-Saint-Denis pour évoquer des solutions pour "mettre un terme à ces agressions". Mais que se passe-t-il exactement à Aubervilliers ? Pourquoi la communauté chinoise est-elle visée ? Et le phénomène est-il concentré en région parisienne ? LCI fait le point.

Que se passe-t-il à Aubervilliers ?

Le 7 août dernier, deux membres de la communauté chinoise ont été violemment agressés à Aubervilliers par trois hommes qui voulaient voler le sac d’un homme. L’un deux, M. Zhang, un couturier de 49 ans et père de deux enfants, est décédé des suites de ses blessures cinq jours après l’attaque. Depuis le drame, plusieurs rassemblements ont été organisés à Aubervilliers pour dénoncer les violences répétées envers la communauté chinoise. "La mort M. Zhang a été la goutte d’eau qui fait déborder le vase", explique à MYTF1News Tamara Lui, présidente de l’association des Chinois de France. Le sentiment d'insécurité s'accompagne aujourd’hui d'un changement de nature des agressions, précise Ling Lenzi, conseillère municipale Les Républicains. Auparavant dirigées contre "le secteur des commerçants", elles se concentrent désormais "sur les habitants, les petites gens".

Peut-on quantifier ces agressions ?

A Aubervilliers, les services de police ont recensé sur les sept premiers mois de l'année 105 vols avec violences sur les Chinois ou personnes d'origine chinoise sur un total de 666 vols avec violences dans la commune, contre 35 sur 466 sur la même période l'année dernière, selon la préfecture. Sur l'ensemble de la Seine-Saint-Denis, 3,9% des victimes de vols avec violences sont des membres de la communauté chinoise, selon des chiffres établis sur les sept premiers mois de l'année (2,4% sur la même période en 2015). "La ville est plus touchée en raison du grand nombre de résidents et de travailleurs ponctuels d'origine chinoise qu'elle comporte", a-t-on expliqué à la préfecture. 

Pourquoi la communauté chinoise est-elle visée ?

Réputées détenir sur elles de l'argent liquide, les personnes d'origine asiatique sont des "proies faciles", reconnaît la maire PCF de la ville, Meriem Derkaoui, résolue à "faire reculer ces préjugés et sensibiliser la population" à ce sujet. Des préjugés qui agacent la communauté chinoise d’Aubervilliers. "Regardez, je n'ai ni bijou, ni sac à main, ni même un euro dans ma poche", s’est exclamé à l’AFP Hélène Lyang, 33 ans vendeuse dans un magasin d'Aubervilliers. La Licra a de son côté pointé du doigt un "racisme anti-asiatique" qui "a pris une ampleur inédite dans certains quartiers". Tamara Lui ajoute qu'une mauvaise maîtrise de la langue française peut également être en cause. Elle explique que les Asiatiques n'iront pas forcément au commissariat afin de porter plainte. 

Comment la municipalité compte-elle renforcer la sécurité ?

Le comité de soutien à la famille de M. Zhang a réclamé "au moins 10 caméras supplémentaires dans les rues sensibles" et un renfort de policiers. La préfecture s'est également engagée à étendre le système de vidéo-surveillance. Dénonçant un "crime au ciblage raciste", elle a assuré que le fonctionnement de la police municipale serait "revu" à la rentrée. Le commissariat a également obtenu des renforts policiers et une étudiante franco-chinoise a été recrutée dans le cadre du service civique pour améliorer l'accueil des victimes. "Un point essentiel", selon Tamara Lui : "Il ne faut pas faire de double victime", explique-t-elle en référence au "mépris de la part de certains policiers dans les commissariats vis-à-vis des Chinois".

Le phénomène s’est-il nationalisé ?

Les violences contre la communauté chinoise sont concentrées en banlieue parisienne, notamment dans le département de Seine-Saint-Denis. En effet, près de 60% des Chinois vivraient dans la région francilienne. Selon Tamara Lui, les attaques ont lieu principalement dans les communes d’Aubervilliers, La Courneuve ou encore Pantin. "Il y a un très grand nombre d’asiatiques en région parisienne et notamment dans le 93", nous explique-t-elle. On recense parfois trois ou quatre cas de violences dans la même journée et dans la même rue. Mais je ne pense pas que d'autres villes recensent autant d'agressions contre les Asiatiques". Contacté par MYTF1News, l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales a affirmé ne pas avoir "d’éléments d’information sur la thématique relative aux agressions visant la communauté chinoise". 


Youen TANGUY

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