Luc Abalo : "Maintenant, le Paris SG Handball doit confirmer"

par Hamza HIZZIR
Publié le 12 février 2014 à 20h55
Luc Abalo : "Maintenant, le Paris SG Handball doit confirmer"

INTERVIEW - Luc Abalo, star de l'équipe de France et du Paris SG Handball, a le sourire facile. Pourtant, son visage s'est assombri au moment d'évoquer, pour metronews, les difficultés de son club cette saison. Sauf quand il s'est agi de se projeter sur le match de prestige à Barcelone, samedi en Ligue des champions, où il faudra l'emporter pour assurer la 2e place du groupe, et ainsi éviter les gros poissons allemands (Kiel et Hambourg) en 8es de finale.

On a vu que ça avait coincé pour Paris en Coupe de la Ligue. Est-ce que, de votre côté, ça n'a pas été trop dur de redescendre de votre nuage après l'Euro  ?
C'est la réalité du sport : on ne peut pas toujours gagner. Quand on a perdu ce match contre Saint-Raphaël (46-47 en demi-finale le 1er février, ndlr), on s'est surtout dit qu'on était passé à côté d'une occasion d'enchaîner de bons résultats... Après, des champions d'Europe, il y en a aussi à Montpellier, qui a remporté ce trophée. Tout le monde ne peut pas rentrer satisfait. Moi, je suis déjà content d'être rentré satisfait de l'Euro. On joue tellement de matches dans l'année qu'il faut bien accepter la défaite parfois. L'incertitude, c'est ce qui fait toute la beauté du sport. Maintenant, il faudrait quand même qu'on arrive à ramener des titres au Paris SG parce que ça commence à faire beaucoup de déconvenues en coupes. C'est toujours particulier, les coupes, ça ne joue pas pareil qu'en Championnat. Et, jusque-là, nous n'y sommes pas bons...

Une coupure aurait-elle été nécessaire après une aventure humaine aussi intense que celle que vous avez vécue durant l'Euro  ?
Tu n'as pas le choix (rires). Revenir en club tout de suite après une grande compétition, c'est ce qui se passe à chaque fois, alors je ne me rends pas bien compte. Je ne sais pas si c'est brutal. C'est notre quotidien. En basket, je sais qu'après leur Championnat, ils ont quatre mois de trêve. Si j'avais pratiqué ce sport au haut niveau avant de me mettre au handball, peut-être que j'aurais eu du mal, mais le rythme du handballeur, je l'ai toujours connu... En 2012, après les JO, on a tout de suite enchaîné avec le Paris SG Handball. Ce sont les calendriers qui veulent ça.

Depuis combien de temps le déplacement à Barcelone, samedi en Ligue des champions, accapare-t-il vos esprits ?
Depuis qu'on a battu les Macédoniens du Metalurg Skopje (32-29 samedi, ndlr), même si un match comme ça fait partie de ceux qu'on attend dans une carrière. Mais ces matches-là, ils valent le même nombre de points que les autres, et si tu ne prouves pas avant que tu peux les gagner, ils ne servent à rien. Tu peux même te ridiculiser... C'est pour ça que le match précédent était en fait plus important que celui à Barcelone. Parce qu'à l'extérieur, contre un adversaire aussi prestigieux, tu peux presque te permettre une mauvaise note. Ce genre de contexte a d'ailleurs tendance à te rendre meilleur, exactement comme ce fut le cas pour les Bleus contre le Danemark en finale de l'Euro . Comme les Danois étaient archi-favoris, il était logique qu'on perde. Ça enlève énormément de pression. Barcelone a les meilleurs joueurs du monde, on arrive chez eux : ce n'est que du bonus. Mais on y va pour s'imposer, tout en prenant beaucoup de plaisir. Personnellement, ça va me rappeler l'époque où je jouais à Ciudad Real (de 2008 à 2011, ndlr), avec qui nous nous étions imposés là-bas. Donc je sais que c'est faisable. Surtout, je sais qu'à domicile, ils évoluent toujours sous pression. Après, à Paris, nous ne sommes pas aussi bien préparés que Ciudad Real pour aller gagner contre le Barça.

Pourquoi ?
Parce qu'à Ciudad Real, il y avait une histoire : l'équipe existait depuis déjà cinq-six ans. Paris, c'est tout nouveau. Se préparer prend beaucoup de temps. Mais en même temps, le faire en quelques jours, c'est un travail vraiment intéressant. Désormais, à l'entraînement, tout ce qu'on fait doit être hyper précis, dans le but spécifique de remporter ce match à Barcelone. À vrai dire, le handball est surtout une affaire de précision, dans la tactique et le placement, bien au-delà des aspects individuels. Un joueur peut très bien tirer à 10 mètres et marquer, multiplier les exploits, mais ça ne va jamais durer le temps d'un match entier. Contre le Barça, seule notre intelligence collective pourra faire la différence. C'est quelque chose de très difficile à mettre en place. Aujourd'hui, on doit progresser étape par étape, parce qu'on n'est pas encore au point : contre Ivry et Skopje, on a vraiment gagné de justesse, sans être bons. Il y a encore pas mal de choses à régler, mais y arriver serait tellement beau... C'est ça, le challenge. Il ne faut pas se tromper de combat.

C'est pour jouer ce genre de match qu'on fait du hand, non ?
Oui, c'est clair. Le Palau Blaugrana est une salle magnifique. Il faut lui faire honneur, ne pas être ridicules ! Le Barça, à l'échelle du handball, c'est comme au foot, ce sont vraiment les meilleurs. Et le Paris SG Handball, lui, évolue un peu moins vite que son homologue du foot, qui domine son sujet, mais peut nourrir l'espoir de faire de très belles choses, à condition d'y croire et de beaucoup travailler.

Ce serait donc un authentique exploit d'aller gagner là-bas ?
Oui, même pour notre équipe, qui est quand même composée de très grands joueurs. Ils sont au-dessus. Individuellement, on n'a pas grand-chose à leur envier. Mais collectivement, ils se connaissent beaucoup mieux. Après, on sait que, sur un match, tout est possible. Surtout si on parvient à hausser notre niveau de jeu dans les entraînements précédant le match. Il faut juste trouver la clé du problème.

Un tel enjeu pourrait-il faire figure de déclic pour le reste de la saison ?
Je crois qu'il a déjà eu lieu du point de vue de la confiance. On commence à vraiment croire en notre projet de jeu. Un match comme ça, c'est plutôt un test. Parce qu'on joue de mieux en mieux et que, maintenant, il faut confirmer. Après, il est évident que, si on gagne, on va se sentir forts. Et c'est très important, dans vie d'une équipe, de réussir des choses aussi improbables.

Comment expliquez-vous que Paris vive une saison bien plus compliquée que prévu, après le titre remporté la saison passée et le recrutement conséquent qui a suivi  ?
Pfff ! Sincèrement, on se pose tous la question... J'ai beau la retourner dans tous les sens, je n'ai pas la réponse. Je pense que l'été dernier, des joueurs de grande qualité nous ont quittés, comme Nicolas Claire (parti à Nantes, ndlr). C'est après son départ qu'on s'est rendu compte de son importance. C'était quelqu'un d'essentiel pour le groupe. Sur le terrain, il était d'une grande aide. J'espère qu'on ne commettra plus ce genre d'erreur...

Y a-t-il une vraie cohésion entre les joueurs ? On parle de clans dans le vestiaire, est-ce que c'est exagéré ?
Ce n'est pas vrai. Pas dans le vestiaire... (rires) Non, les joueurs se respectent, ils s'aiment et se battent les uns pour les autres. Après, le manque de cohésion, on ne va pas le nier, il se voit sur le terrain. Les résultats montrent bien qu'il y a un truc qui ne va pas. Mais vous ne pouvez pas demander aux joueurs d'en parler, on ne dira rien (rires). Ça doit rester entre nous. En tout cas, on est tous très impliqués, les joueurs comme les membres du staff, pour essayer de résoudre le problème. Notre solidarité, il faut la noter, parce que les gens, de l'extérieur, ont beaucoup répété qu'on en manquait. À tort. C'est dur de monter une équipe et de la faire fonctionner d'un coup.

Ce qui interpelle, c'est le déclin par rapport à la saison passée...
On n'a pas les mêmes résultats en Championnat mais si, l'an dernier, on avait disputé la Ligue des champions en même temps, on aurait peut-être connu les mêmes difficultés. Il faut aussi souligner qu'au-delà des cadences, le groupe a changé. On avait Didier Dinart, le meilleur défenseur du monde (parti à la retraite l'été dernier, ndlr)... Il y a des gens comme ça dont l'absence se fait forcément sentir. D'autres peuvent aussi venir la compenser, mais il faut leur laisser le temps, c'est tout. Après, même si ce n'est pas dramatique, on reste des compétiteurs. On veut les choses vite. Moi, je ne suis pas là pour faire de la figuration en Ligue des champions, et encore moins dans le Championnat de France. Je suis le premier à dire qu'il devient urgent de trouver des solutions. D'ailleurs, on les connaît déjà, mais il faut se parler et bosser aux entraînements. Récemment, on s'est souvent réuni entre joueurs pour en discuter et ça commence à porter ses fruits. On joue déjà un peu mieux. Mais ça ne viendra pas juste en claquant les doigts. Ce n'est pas facile de parler de ces choses-là. On est des joueurs, on nous demande juste de mettre des buts, et là, on se retrouve à se parler entre nous pour trouver ce qui ne va pas. Alors que ce qui ne va pas... c'est que ça ne va pas (rires).

Votre entraîneur, Philippe Gardent, a récemment décrit une situation tendue avec certains joueurs. Comment avez-vous perçu ses propos ?
Le souci, déjà, c'est que moi, je ne sais même pas ce qui se dit, que ça vienne du coach ou d'autres joueurs. Alors je ne sais pas quoi répondre. Est-ce que je dois dire que ça ne va pas, vu qu'apparemment, Philippe Gardent le dit, ou est-ce que je dois dire le contraire ? Qu'est-ce qu'il a dit au juste ?

Le 1er février, dans L'Équipe, il parlait d'"ego surdimensionnés", de joueurs qui râlent, du manque d'investissement des trois défenseurs croates débarqués l'été dernier...
Il a dit ça ? Il n'a peut-être pas voulu le dire comme ça... Nous, les joueurs, on ne râle pas, on essaie d'apporter, d'échanger, de faire part de notre expérience. On ne pense qu'à tirer l'équipe et cette enseigne "Paris SG handball" vers le haut. Philippe Gardent, on le soutient, on le porte avec nous vers ce qu'on peut faire de mieux. Et lui, il sait qu'il a des joueurs qui font tout pour avoir de bons résultats. Il n'y pas de clans, juste la barrière de la langue et la différence de cultures. Je pense que c'est de cette difficulté-là qu'il a voulu parler. Sans doute a-t-il l'impression de devoir prendre la culture handball du Croate, celle du Danois et celle du Français pour tout coordonner. Mais concrètement, on pratique tous le même sport. Il faut juste du temps pour que la mayonnaise prenne. On sait tous que, quand ça va prendre, ça peut donner quelque chose de très fort. Moi, tout ce que j'attends, c'est que dans quelques jours ou semaines, on dise qu'on est au top. Parce qu'on a les moyens d'y arriver, après ces derniers réglages. Je ne suis pas du tout inquiet.

Vous pouvez donc être au top avec Philippe Gardent comme coach ?
Mais bien sûr ! C'est le but ! Cette question, on l'entend depuis septembre et on n'arrête pas de donner cette réponse. Moi, j'ai envie de gagner avec lui. Quand je fais partie d'un groupe, j'ai confiance en ce groupe-là et je me bats pour lui. Quand tu perds des matches, il y a toujours un problème, mais c'est celui de l'équipe entière, pas juste celui de l'entraîneur. Il n'y a rien de personnel. Ça se passe entre les joueurs et leurs objectifs. Maintenant, on sait tous, lui comme nous, qu'on peut être meilleurs. Le problème est là. Je ne suis pas au courant de ceux que Philippe Gardent évoque.


Hamza HIZZIR

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