Jérémy Ferrari : "Face à Manuel Valls, j'ai pris un gros risque"

Publié le 25 janvier 2016 à 19h28
Jérémy Ferrari : "Face à Manuel Valls, j'ai pris un gros risque"

INTERVIEW – Les islamistes, les intégristes, François Hollande, Nicolas Sarkozy. Dans son dernier spectacle, "Vends 2 pièces à Beyrouth", Jérémy Ferrari n’épargne personne. metronews a rencontré l’humoriste qui a "clashé" Manuel Valls sur le plateau de "On n'est pas couché" pour une discussion sans langue de bois.

Vous commencez votre show en nous replongeant au cœur du Bataclan. Qu’est-ce qui vous a persuadé, à peine trois mois après les faits, que le public pourrait rire de l’horreur ?
Je ne sais pas, je l’ai senti… Je me suis dit : "Il faut le faire". Et j’ai démarré avec ça. C’est tellement violent que ça en devient absurde. C’est ce qui permet justement de créer le décalage nécessaire. Vous savez, les gens y pensent en rentrant… Ils sont fouillés… Raison pour laquelle je descends les voir, je les rassure un peu. Je fais même monter sur scène un spectateur que je désigne comme responsable de la sécurité.

Dégoter le potentiel humoristique de sujets aussi graves n’est pas à la portée de tout le monde… Vous en êtes conscient ?
(Éclat de rire) Je crois que la réalité est plus drôle que notre imaginaire. C’est pour ça que je parle toujours de faits concrets basés sur des articles de presse… Comme par exemple l’histoire de ce pompiste qui s’est retrouvé face aux frères Kouachi… Vous vous rendez compte de ce qu’il a dû ressentir, seul, en les voyant entrer et s’acheter un sandwich…
 
Vous tranchez radicalement avec ces humoristes qui racontent leurs vacances au ski ou leurs histoires de cul… Leur côté consensuel vous agace-t-il ?
C’est très bien qu’il y ait des humoristes légers. Gad Elmaleh, Baptiste Lecaplain ou Arnaud Tsamère me font très rire. Un paysage culturel large veut qu’il y ait de tout. En revanche, si on s’autoproclame artiste engagé avec des couilles, il faut y aller. A force de dire que tout est compliqué, on ne fait rien. J’ai lu le Coran, la Torah et la Bible parce qu’on m’a dit que je ne le pouvais pas. On me lançait : 'Tu ne vas rien comprendre'. Et bien si ! Il n’y a rien de compliqué.

"Charlie Hebdo ne me fait pas souvent rire"
 
Qu’avez-vous tiré de ces lectures ?
(Long silence) Plein de trucs… Les gens sont, dans leur grande majorité, contre la guerre. Laquelle vient souvent de la décision d’un homme. A en croire les médias, on a l’impression que tout le monde se déteste, qu’il n’y a que des antisémites, des terroristes, des islamophobes, des racistes, des frontistes... Mais ce n’est pas vrai ! Moi qui vais voir les gens dans les prisons ou dans les écoles, je peux vous dire que c’est faux. On ne parle que des minorités. Le message qui en ressort n’est pas positif. Quitte à vendre moins de papiers, c’est mieux de dire la vérité et de ne pas générer un climat qui n’existe pas.
 
Parlons de votre altercation avec Manuel Valls chez Laurent Ruquier. On sentait dans votre regard, dès le départ, une forme de rage… La même que contient d’ailleurs votre spectacle…  
C’était moi en tant que citoyen. J’ai l’impression que les politiques disent tous la même chose et qu’ils ne disent rien. Ils ont ce talent de ne rien dire, de ne pas répondre à vos questions, de vous embrumer. Quand ils finissent de parler, vous avez oublié votre question. Vous demandez : 'Tu préfères le jeudi ou le vendredi ?' Ils vous répondent : 'Il y a sept jours dans une semaine…'
 
Certains pensent que vous cherchiez le buzz…

Cette accusation est grotesque. C’était ma première télé pour mon spectacle. J’ai pris un gros risque. Si j’avais dit une connerie, fais un dérapage ou si Manuel Valls m’avait remis à ma place fortement, ce n’aurait pas été bon du tout pour moi.
 
Vous avez créé un malaise entre la France et le Gabon, qui a rappelé son ambassadeur à Paris. Comment avez-vous réagi face à cela ?

Ça m’a surtout fait rire. J’ai juste posé une question à Manuel Valls. Et j’ai eu ma réponse…

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Nicolas Sarkozy vient de publier le livre La France pour la vie… Vous en pensez quoi ?
C’est marrant. Ils se remettent tous vachement en question un an avant les élections. Puis ils refont les mêmes erreurs et ils ressortent un livre. Ils aiment bien les bouquins… Valls en a fait un sur ses plus beaux discours (rires)… Pendant un an, il n’y aura que des gags comme ça. C’est tout le temps la même chose : 'J’ai conscience de mes erreurs. J’ai compris la France et les Français. Ils veulent une démocratie solide… etc.'

Qu'avez-vous pensé de la récente caricature d’Aylan dans Charlie Hebdo ?
Je trouve que c’est plus provoc que drôle, ça manque de finesse… Charlie Hebdo ne me fait pas souvent rire.

La liberté d’expression a-t-elle une limite ?
A partir du moment où vous faites les choses avec le cœur, que ce n’est pas gratuit et que c’est aussi drôle que dérangeant, c’est bon. Si ça devient plus méchant que drôle, faut se taire.

>> Vends 2 pièces à Beyrouth, de Jérémy Ferrari. Jusqu'au 31 janvier au Trianon, à Paris et en tournée dans toute la France. Plus d'infos sur son site officiel


La rédaction de TF1info

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