Iran : qui était Mohsen Fakhrizadeh, le physicien nucléaire assassiné ?

Publié le 30 novembre 2020 à 14h01

Source : JT 20h WE

DIPLOMATIE - Mohsen Fakhrizadeh, considéré par Israël comme le chef de la branche militaire du programme nucléaire iranien, ce que nie Téhéran, a été tué dans une attaque vendredi. Portrait d'un scientifique discret mais dont l'influence aurait été considérable au sein du régime.

Du statut de "Monsieur tout le monde" à celui de "docteur martyr". Trois jours après son assassinat à Téhéran, le visage de Mohsen Fakhrizadeh s'affiche aux quatre coins de la république islamique d'Iran, bénéficiant ce lundi d'hommages à travers tout le pays. Preuve s'il en fallait de l'importance que jouait ce scientifique dans les dossiers concernant le nucléaire du régime. 

Inconnu du grand public, Mohsen Fakhrizadeh gravitait en effet dans les hautes sphères du pouvoir iranien depuis des années. Il aura d'ailleurs fallu attendre sa mort pour que le ministre de la Défense, Amir Hatami, le présente comme son vice-ministre et chef de l'Organisation de la recherche et de l'innovation en matière de défense (Sépand, selon l'acronyme en persan). Reste à savoir le rôle qu'il a joué au sein de cet organisme.

"Cible numéro 1 du Mossad"

Selon Amar Hatami, il s'agissait d'un haut responsable qui "gérait la défense antiatomique". Il faisait "un travail considérable" dans ce domaine et avait joué un "rôle marquant dans les innovations de défense" de son pays. Pour Israël en revanche, accusé par l'Iran d'avoir commandité l'attentat, il était tout sauf un scientifique parmi d'autres : en avril 2018, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu l'avait présenté comme le chef d'un programme nucléaire secret à vocation militaire.

Seule certitude : Mohsen Fakhrizadeh, âgé de 59 ans, était un cacique du régime des mollahs. Au quotidien, ce physicien nucléaire à la barbe grisonnante et aux épaules carrées circulait en voiture blindée, bénéficiant d'une escorte armée. Il avait rencontré le guide suprême iranien Ali Khamenei en janvier 2019, comme en témoignent des photos officielles diffusées après son décès. Des médias américains, eux, l'ont qualifié de "cible numéro 1 du Mossad", l'agence de renseignement israélienne, et de "cerveau du programme nucléaire iranien".

Visé par des sanctions de l'ONU en 2007

Sa carrière de physicien, Mohsen Fakhrizadeh l'avait débutée il y a de nombreuses années. On retrouve sa trace dans des documents de l'ONU en mars 2007, une époque à laquelle il avait en effet été visé par des sanctions du Conseil de sécurité avec d'autres "personnes concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques" de l'Iran. La résolution 1747 du Conseil l'identifiait comme "chargé de recherches au ministère de la Défense" et "ex-chef du Centre de recherche en physique (PHRC)", notant que "l'AIEA avait demandé à l'interroger sur les activités du PHRC au cours de la période où il y travaillait, mais (qu'elle avait) essuyé un refus de l'Iran".

Selon le vice-président iranien Ali Akbar Saléhi, chef de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA), Fakhrizadeh avait obtenu un doctorat en "physique et ingénierie nucléaire" et avait travaillé pour sa thèse avec Fereydoun Abbassi Davani, ex-chef de l'OIEA lui-même visé par une tentative d'assassinat en 2010. Evoquant pour des médias d'Etat la mémoire d'un "ami proche" et d'"une collaboration professionnelle étroite de 34 ans", ce dernier a indiqué avoir été au front avec Fakhrizadeh pendant la guerre entre l'Irak et l'Iran (1980-1988).

Sur Twitter, Karim Sadjadpour, du cercle de réflexion américain Fondation Carnegie pour la paix internationale, a commenté la mort du chercheur. "Il faudra vraisemblablement des mois si ce n'est des années pour apprécier toutes les conséquences de la mort de Fakhrizadeh", a-t-il écrit, précisant que "ceux qui ont véritablement compris le rôle précis qu'il jouait au quotidien dans les activités nucléaires de l'Iran ne parlent pas, et ceux qui parlent ne savent pas".


Thomas GUIEN

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