"L'économie américaine rebondit..." : les petits arrangements de Donald Trump avec la vérité

Publié le 15 novembre 2020 à 15h28
Le président américain livre une analyse très personnelle des chiffres de l'économie.
Le président américain livre une analyse très personnelle des chiffres de l'économie. - Source : MANDEL NGAN / AFP

ILLUSIONS - Le président américain n'hésite pas à vanter des résultats historiques enregistrés par l'économie américaine. Si des indicateurs montrent une réelle amélioration, Donald Trump omet de souligner que le premier semestre a été catastrophique outre-Atlantique.

Lors de sa prise de parole publique le 13 novembre, la première depuis l'annonce de sa défaite à l'élection présidentielle, Donald Trump a largement commenté les avancées des essais sur les vaccins. Un discours d'une grosse demi-heure durant lequel il a fait un point plus large sur l'épidémie de Covid-19 aux Etats-Unis, gérée avec brio selon lui par son administration.

Une bonne gestion qui se traduit à ses yeux par une économie qui "rebondit bien au-delà de toute attente". S'il cite à raison les indicateurs boursiers au beau fixe, ses déclarations sur le chômage ou la croissance s'avèrent trompeuses, ne prenant pas en considération les deux premiers trimestres de l'années qui ont vu les Etats-Unis frappés de plein fouet par la crise du Covid-19. 

L'épidémie a fait des ravages

Donald Trump a débuté sa tirade sur l'économie avec l'affirmation suivante : "Je vois que la bourse est à nouveau en hausse de près de 400 points aujourd'hui, elle est prête à battre un record de tous les temps." Si l'on se penche sur les chiffres du Dow Johns, qui culmine à un peu plus de 29.000 points, cette déclaration est exacte. En effet, l'indice boursier new-yorkais se rapproche doucement de son plus haut historique, à 29.551 points, atteint le 12 février dernier. Si le Covid-19 a fait chuter fortement les bourses, celles-ci ont depuis progressivement retrouvé des couleurs. 

En matière d'emploi, le président américain se montre plus qu'enthousiaste : "Les chiffres de l'emploi sont incroyables. Au cours des six derniers mois, nous avons créé plus de 13 millions d'emplois et réduit le taux de chômage de plus de la moitié", a-t-il lancé. C'est exact, mais Donald Trump se garde bien de rappeler que le taux de chômage, s'il est redescendu à 6,9% après un pic à 14,7% en avril, est encore loin du niveau de début d'année. Il s'établissait en effet à environ 3,5% entre octobre 2019 et février 2020.  Le nombre de chômeurs aux Etats-Unis est quant à lui actuellement de 11 millions, alors qu'il ne dépassait pas 6 millions en février.  

Le constat en matière de croissance est lui aussi similaire. "Au dernier trimestre, nous avons connu la croissance économique la plus rapide jamais enregistrée dans l'histoire de notre pays : 33,1%", a indiqué avec fierté Donald Trump. "Ce chiffre correspond à plus du double de notre record - qui date de 1952", a-t-il ajouté. Présenter la situation sous cet angle laisse penser que l'économie américaine se porte à merveille, ce qui mérite d'être largement nuancé.

La croissance a bien connu un bond de 33% au 3e trimestre 2020, mais elle avait au préalable connu un recul massif (lui aussi historique) lors des deux premiers trimestres : -5% au premier et -31% au deuxième. Notons d'ailleurs que l'OCDE table sur un recul de la croissance américaine compris entre 7,3 et 8,3 pour 2020, en fonction de l'évolution de l'épidémie.

Le président américain assure enfin que les Etats-Unis ont connu la "reprise économique la plus rapide de tous les grands pays occidentaux". Une déclaration difficile à évaluer et qui mérite elle aussi d'être recontextualisée. Si la reprise a été manifeste durant l'été, elle s'est en partie expliquée par un plan de relance massif (2.200 milliards de dollars) et par la baisse majeure du printemps, qui a conduit à observer un effet de rebond plus important que dans des pays ayant davantage absorbé le choc. À l'heure actuelle, les économistes américains se montrent d'ailleurs pessimistes : ils redoutent que la hausse rapide des contamination (plus de 130.000 par jour actuellement) pénalise à long terme l'économie et retarde une reprise.

En résumé, si Donald Trump a utilisé des chiffres officiels lors de son intervention, il a fait abstraction d'indicateurs plus anciens qui témoignaient des dégâts majeurs subis par l'économie américaine. La relance observée cet été se retrouve aujourd'hui largement compromise par la seconde vague du virus et la flexibilité du marché du travail outre-Atlantique est susceptible  entraîner des variations majeures du chômage en un laps de temps très court, à l'instar de ce qui a été observé au printemps. L'assurance affichée par Donal Trump mérite donc d'être largement tempérée, un rebond de l'épidémie pouvant faire de nouveau des dégâts aux Etats-Unis dans les semaines et mois qui viennent.

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Thomas DESZPOT

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