Le président brésilien qualifie de "mensonge" les incendies en Amazonie, qu'en est-il vraiment ?

Publié le 13 août 2020 à 17h40
Déjà l'an passé, les incendies avaient été massifs durant les mois d'été.
Déjà l'an passé, les incendies avaient été massifs durant les mois d'été. - Source : Victor MORIYAMA / GREENPEACE / AFP

À LA LOUPE – Jair Bolsonaro refuse de reconnaître les ravages causés par des incendies en Amazonie. Une position qui tranche avec les observations scientifiques, qui déplorent des feux par milliers ces dernières semaines.

Climatosceptique et habitué à nier la déforestation, le sulfureux président brésilien Jair Bolsonaro s'est exprimé cette semaine au sujet des incendies qui se multiplient dans la région amazonienne. "Lors d'un discours devant d'autres dirigeants sud-américains", relate France 24, le dirigeant "a incité son auditoire à effectuer un vol au-dessus de l'Amazonie entre les villes lointaines de Boa Vista et Manaus pour se rendre compte qu'aucune flamme n'était visible."

Jair Bolsonaro a purement et simplement réfuté toutes les informations circulant dans les médias et faisant état de feux de forêt. "Cette histoire, selon laquelle l'Amazonie est en train de brûler, est un mensonge et nous devons la combattre avec les vrais chiffres", a-t-il lancé. Une réaction surprenante, d'autant qu'elle est contredite par les observations et données officielles.

Des feux en hausse par rapport à l'an passé

Pour prendre conscience de la situation en Amazonie, il faut se pencher sur les éléments récoltés par l'Institut National brésilien de Recherche Spatiale (INPE). Ce dernier, via des observations satellites, a indiqué il y a quelques jours qu'au mois de juillet, la déforestation avait atteint 1.654 km², soit l'équivalent de plus de 230 terrains de football. 

Si ces chiffres sont inférieurs à ceux de juillet 2019, ceux pour le début de l'année sont eux en augmentation, avec 4.731 km² de forêt en moins, contre un déboisement de 4.701 km² entre janvier et juillet 2019. Il faut noter que cette déforestation est en partie le fait d'incendies : l'INEP en a comptabilisé 6 803 dans la région amazonienne en juillet 2020. L'institut brésilien a noté que pour la seule journée du 30 juillets, les satellites ont détecté 1.007 foyers différents. Il s'agit selon Greenpeace du pire bilan pour un moins de juillet depuis 2005.

Ces incendies, bien réels n'en déplaise à Jair Bolsonaro, sont directement liés à l'action de l'Homme. L'objectif est de transformer la forêt en terre cultivables (pour le soja notamment) ou en pâturages dédiés à l'élevage du bétail. "Les arbres les plus imposants et précieux sont donc coupés, puis vendus, puis des feux sont déclenchés intentionnellement durant la saison sèche, entre juin et septembre, pour achever plus vite le travail", explique à La Croix le chercheur du CNRS Jérôme Chave, spécialiste des forêts tropicales.

Incontestables, les milliers d'incendies qui ravagent la forêt amazonienne ne peuvent en aucun cas être expliqués par de seules raisons climatiques ou environnementale. "La forêt amazonienne est une forêt tropicale humide. Or l’an dernier, comme cette année, aucun phénomène inhabituel de sécheresse ne pourrait expliquer cette flambée du nombre de feux de forêt en Amazonie", ajoute l'expert.

Le triste souvenir de l'été 2019

L'an passé à la même époque, le Brésil connaissait déjà une vague d'incendies massifs. Une situation alors jugée "hors de contrôle" et qui avait notamment nécessité le renfort de l'armée. Élu moins d'un an auparavant, Jair Bolsonaro s'était déjà distingué en contestant les chiffres officiels de la déforestation. 

Niant l'impact des activités humaines dans les forêts, le chef d'Etat avait associé les incendies à de possibles actes malveillants de la part des associations écologistes. "Il pourrait s'agir, mais je ne l'affirme pas, d'actions criminelles de ces ONG pour attirer l'attention contre ma personne et contre le gouvernement brésilien", avait-il lancé.

L'an passé, les critiques sur la gestion de la situation formulées par des dirigeants étrangers, notamment par Emmanuel Macron, avaient été balayées. Le chef du gouvernement, Onyx Lorenzon, avait réagi avec véhémence aux propos du président français, déclarant : "Macron n’arrive même pas à éviter un incendie prévisible dans une église qui fait partie du patrimoine mondial de l’humanité et il veut nous donner des leçons pour notre pays ?"

Récurrents, année après année, les incendies en Amazonie sont une réalité, malgré ce que peut déclarer le président brésilien. Si les feux en eux-mêmes sont incontestables (et notamment étayés par des images de la Nasa), leur origine aussi est avérée. La déforestation engagée par l'Homme en Amazonie amène en effet à brûler d'immenses parcelles, dans le but de récupérer de nouvelles terres et de les exploiter.  

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Thomas DESZPOT

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