Passé colonial : l'Algérie veut des excuses de la France pour "apaiser le climat"

Publié le 5 juillet 2020 à 22h04
L'Algérie a enterré les restes de 24 de ses "martyrs", des combattants anticoloniaux, remis par la France.
L'Algérie a enterré les restes de 24 de ses "martyrs", des combattants anticoloniaux, remis par la France. - Source : ALGERIAN PRESIDENCY PRESS OFFICE / AFP

MÉMOIRE - L'Algérie a enterré dimanche les restes de 24 combattants anti-coloniaux remis par la France au carré des "martyrs". Mais Alger attend d'autres gestes de Paris pour apaiser les relations entre les deux pays.

Ils avaient été fusillés puis décapités. Leurs crânes avaient été gardés comme "trophées de guerre" par les militaires français. L'Algérie a enterré ce dimanche 5 juillet, jour anniversaire de son indépendance, les restes de 24 combattants anti-coloniaux remis par la France. Conservés depuis des décennies dans un musée parisien, les crânes de ces Algériens tués au début de l'occupation française au XIXe siècle ont été inhumés lors d'obsèques solennelles au cimetière d'El Alia, le plus grand du pays. 

Situé dans la banlieue est d'Alger, il abrite le "carré des martyrs de la Révolution algérienne", où reposent l'émir Abdelkader, héros de la première résistance anti-française et les grandes figures de la guerre d'indépendance (1954-1962). Les 24 cercueils ont été mis en terre dans un carré près des tombes des anciens chefs d'Etat, en présence du président Abdelmadjid Tebboune et de dignitaires. Les drapeaux algériens qui les recouvraient ont été remis par Tebboune à des "cadets de la nation, des lycéens qui suivent leur cursus dans des écoles militaires, comme un passage de témoin à la jeune génération", selon un responsable.

"Sans eux, nous ne serions pas ici aujourd'hui"

Après leur transfert vendredi de France en Algérie, les cercueils ont été exposés samedi au Palais de la culture à Alger, où une foule nombreuse s'est déplacée pour un ultime hommage. "Aujourd'hui est un grand jour. Pour moi, c'est le véritable jour de l'indépendance. Il s'agit des premiers Algériens qui se sont sacrifiés pour le pays. Sans eux, nous ne serions pas ici aujourd'hui", a dit à l'AFP Yamina, 83 ans, l'arrière petite-fille de Mokhtar Ben Kouider El Titraoui, l'un des 24 "martyrs" algériens.

Colonisée de 1830 à 1962, l'Algérie avait réclamé officiellement la remise de dizaines de crânes et d'archives coloniales en janvier 2018. Leur restitution par la France est un signe fort d'un dégel dans les relations entre l'Algérie et l'ancienne puissance coloniale, marquées depuis l'indépendance en 1962 par des polémiques et des crispations. "Ce geste s'inscrit dans une démarche d'amitié et de lucidité sur toutes les blessures de notre histoire", a commenté la présidence française.

En décembre 2017 à Alger, le président Macron s'était engagé à restituer les restes entreposés depuis le XIXe siècle dans les collections du Muséum national d'Histoire naturelle de Paris. La même année, mais avant son élection, il avait qualifié, également à Alger, la colonisation de l'Algérie de "crime contre l'humanité", s'attirant des critiques de la droite française.

"Il faut faire un autre pas (...) On le souhaite"

La question mémorielle reste au cœur des relations conflictuelles entre la France et l'Algérie, où la perception est que Paris ne fait pas assez pour se repentir de son passé colonial. Interviewé samedi par la chaîne France 24, le président Abdelmadjid Tebboune a estimé qu'il fallait "affronter le problème de la Mémoire qui hypothèque beaucoup de choses dans les relations" bilatérales. Sur d'éventuelles excuses de Paris, il a répondu : "On a déjà reçu des demi-excuses. Il faut faire un autre pas (...) On le souhaite". "Cela va permettre d'apaiser le climat et le rendre plus serein pour des relations économiques, pour des relations culturelles, pour des relations de voisinage", a-t-il ajouté en rappelant que plus de six millions d'Algériens vivent en France.

Le 23 juin dernier, les députés algériens ont adopté une loi "historique" instaurant une journée de la Mémoire, tous les 8 mai, en souvenir des massacres de 1945 commis par les forces françaises à Sétif et dans le Constantinois. Le pouvoir à Alger veut aussi remettre sur la table le dossier des "disparus" pendant la guerre d'indépendance - plus de 2200 personnes selon Alger - et celui des essais nucléaires français dans le Sahara algérien, qui "ont fait et continuent à faire des victimes".


La rédaction de TF1info

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