Australie : qu’est-ce que ces "orages de feu", responsables de nouveaux départs d’incendie ?

Publié le 9 janvier 2020 à 12h11, mis à jour le 16 janvier 2020 à 12h58

Source : JT 20h Semaine

"PYROCUMULONIMBUS" - Les feux de brousse en Australie sont cette année si intenses qu'ils forment leur propre phénomène météorologique : les "orages de feu". LCI vous explique de quoi il s'agit.

Depuis le mois de septembre, l'Australie n'est plus qu'un brasier à ciel ouvert. Des centaines d'incendies ravagent le territoire, attisés par des températures extrêmes, un vent puissant et une sécheresse record. A certains endroits, les feux sont si intenses qu'ils génèrent eux-mêmes leurs propres phénomènes météorologiques : les "orages de feu". Ceux-ci peuvent non seulement aggraver les incendies en générant d'importantes rafales de vent et en transportant les braises, mais aussi en créer de nouveaux en foudroyant des régions encore intactes.

De l'incendie à la formation du "pyrocumulonimbus"

Les scientifiques essaient toujours de comprendre l'origine de ces "orages de feu", n'apportant quasiment pas de pluie et difficilement prévisibles. Le principe général est cependant le même que lors de la formation d'un orage classique, expliquent les services météorologiques australiens. Dégagée par le feu, et non comme habituellement par le sol chauffé par le soleil, la chaleur fait rapidement monter l'air. En prenant de l'altitude, celui-ci se refroidit et se condense, formant des "pyrocumulus", le nom donné à un cumulus causé par un incendie. Plus l'air se dégageant de l'incendie est chaud, plus haut va monter le nuage et plus violemment les particules de chaud et de froid vont s'entrechoquer et former une accumulation de charge électrique, libérée par des étincelles géantes : la foudre. Après avoir produit un orage, le nuage est  appelé "pyrocumulonimbus".

Les pyrocumulonimbus, ces "dragons des nuages"

Ces "orages de feu" représentent de nombreux risques, à commencer par le vent qu'ils génèrent. En aspirant de grandes quantités d'air provenant du sol, les pyrocumulonimbus peuvent entraîner la formation de forts courants d'air, attisant les flammes. Ceux-ci peuvent également transporter jusqu'à 30 kilomètres les braises d'un incendie vers un endroit encore intact, et ainsi créer un nouveau départ de feu.

En s'abattant sur des terres encore non touchées par les flammes, la foudre est également susceptible d'entraîner la formation d'autres incendies. Lors du "samedi noir" dans l'Etat de Victoria en 2009, considéré comme la catastrophe naturelle la plus meurtrière de l'Australie moderne, les éclairs ont provoqué de nouveaux incendies jusqu'à 100 kilomètres plus loin que l'incendie d'origine. La Nasa qualifie ces pyrocumulonimbus de "dragon des nuages".

Un pyrocumulonimbus observé en 2011 par la NASA dans l'Etat du Minnesota
Un pyrocumulonimbus observé en 2011 par la NASA dans l'Etat du Minnesota - HO / NASA / AFP

Un phénomène encore imprévisible

"Les orages de feu sont les manifestations les plus dangereuses et les plus imprévisibles d'un incendie de forêt et il est impossible d'y mettre fin ou de les contrôler", déclare à l'AFP Rachel Badlan, chercheuse à l'Université de Nouvelle-Galles du Sud. Ceux-ci dépendent en effet de plusieurs variables que sont les conditions météorologiques et le comportement des incendies. S'il est, à l'heure actuelle, possible de prévoir avec une certaines justesse la météo des jours à venir, la grande variabilité des combustibles et des reliefs du terrain notamment, rend difficile l'anticipation de la formation et de l'évolution des feux. "Et ce d'autant que la météo a des effets sur les incendies et les incendies ont des effets sur la météo", soulignent les services météorologiques australiens.

Des phénomènes amplifiés par le changement climatique ?

Entre 2001 et 2016, 56 orages de ce genre ont été enregistrés en Australie. Mais au cours d'une période de six semaines en 2019, au moins 18 pyrocumulonimbus se sont formés dans le seul État de Victoria, dans le sud-est du pays. Ce phénomène a également été observé aux États-Unis, au Canada, en Russie et en Mongolie - principalement dans des zones forestières.

Alors que la chaleur et la sécheresse persistent en Australie, qui connaît depuis 2005 les dix années les plus chaudes jamais enregistrées, les scientifiques, qui pensent que le changement climatique amplifie les conditions nécessaires à la formation de ce type de phénomène, s'attendent à les voir se multiplier. Ils prédisent ainsi que d'ici 2060, il pourrait y avoir une forte augmentation des conditions pouvant générer ce type d'orages et que ceux-ci pourraient commencer à se produire dès le printemps. "Avec le changement climatique, nous devrions voir des incendies de plus forte intensité, et avec des incendies de plus forte intensité, on s'attend à voir plus de ces orages de feu", indique Mike Flannigan, chercheur spécialisé dans les feux de forêt à l'université d'Alberta (Canada) à National Geographic.


La rédaction de TF1info

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