"Une première historique" : l'État contraint de démontrer l'efficacité de ses efforts climatiques sous trois mois

par Antoine RONDEL
Publié le 19 novembre 2020 à 16h29, mis à jour le 15 janvier 2021 à 15h08
"Une première historique" : l'État contraint de démontrer l'efficacité de ses efforts climatiques sous trois mois
Source : AFP

ENVIRONNEMENT - Jeudi 19 novembre, l'État a été contraint, sur décision du Conseil d'État, d'apporter sous trois mois la démonstration de ses efforts en matière d'engagement climatique. Une décision qui réjouit les défenseurs de l'environnement.

C'était une décision très, très attendue par les défenseurs de l'environnement. Jeudi 19 novembre, le Conseil d'État a tranché en faveur de la commune de Grande-Synthe dans le litige qui l'opposait à l'État. Damien Carême, ex-maire écologiste de cette commune du Nord (aujourd'hui député européen EELV) exposée à des risques de submersion liés au réchauffement climatique, poursuivait l'exécutif pour inaction climatique. Il attendait de la plus haute juridiction administrative française qu'elle contraigne l'État à faire la démonstration, sous trois mois, de l'efficacité de ses engagements dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

L'enjeu était de taille : transformer une promesse politique en contrainte juridique. La promesse en question : l'engagement de la France, dans le cadre de l'accord de Paris, de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, à hauteur de 40% par rapport à leur niveau de 1990. De nombreuses études avaient établi que les politiques publiques en la matière ne suffisaient pas à réduire ce rythme. Le 25 juin 2019, le Haut conseil pour le climat avait constaté que "la baisse annuelle des émissions de 1,1%" sur la période 2015-2018 était "deux fois moindre que l'objectif fixé" et invitait à "tripler" le rythme d'ici 2025.

Réponse indirecte de l'État, en février 2020 : une baisse des objectifs, le ministère de la Transition énergétique arguant préférer, "aux promesses intenables", "une feuille de route crédible". En l'occurrence, les émissions ont moins baissé entre 2018 et 2019, 0,9% en moyenne. Constatant ce "report [...] d'une partie de l'effort de réduction des émissions devant être réalisé", les juges administratifs ont demandé au gouvernement de justifier de la "compatibilité avec la trajectoire de réduction des gaz à effet de serre" pour tenir son objectif de 2030. Une décision en forme de "première historique", s'est réjouie Corinne Lepage, ex-ministre de l'Environnement et avocate de Grande-Synthe.

Une première étape

C'est donc une première étape que cette injonction du Conseil d'État. Une fois la feuille de route de l'État démontrée, il appartiendra de définir si, oui ou non, celle-ci permet d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Viendra ensuite la question de savoir si les parties civiles dans cette affaire peuvent obtenir de la justice qu'elle contraigne l'État, sous peine d'astreintes financières, à reprendre ses politiques publiques pour qu'elles aillent dans le bon sens. Les ONG de l'Affaire du siècle, qui ont lancé ces procédures juridiques contre l'État, ont d'ores et déjà prévenu qu'elles allaient "déposer un mémoire démontrant l'inaction climatique de l'État" et obtenir ainsi "une injonction à agir à l'issue de cette nouvelle période d'instruction".

La réponse de l'État suite à cette décision se fait encore attendre. Le 9 novembre, après que le rapporteur public avait publié ses recommandations, en l'occurrence bien suivies par le Conseil d'État, Barbara Pompili avait assuré qu'elle serait "entièrement à disposition", ayant "des choses à défendre".


Antoine RONDEL

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