Pourquoi la commission contre la désinformation et le complotisme pose déjà problème

Publié le 4 octobre 2021 à 18h55, mis à jour le 4 octobre 2021 à 19h12
Pourquoi la commission contre la désinformation et le complotisme pose déjà problème
Source : AFP

POLÉMIQUE - À peine a-t-elle été mise en place que la commission Bronner, qui doit lutter contre la désinformation et le complotisme, fait grincer des dents. En cause, notamment, la présence d'une personnalité médicale décriée.

Les bonnes intentions n'effacent pas les mauvais CV. Désireux de lutter contre les fausses informations, Emmanuel Macron a installé ce mercredi 29 septembre une commission contre la désinformation et le complotisme. Objectif de cette dizaine d'universitaires et personnalités : proposer, d'ici fin décembre, des pistes pour faire face à ce qu'on appelle "l'infodémie". Un mot-valise qui désigne la propagation des théories complotistes et de la désinformation dans le débat public.

Selon la présentation qu'en fait l'Élysée sur son site, cette commission baptisée "Les Lumières à l'ère numérique" aura pour lourde tâche de lutter contre la "face sombre" d'internet en formulant "une série de propositions concrètes dans les champs de l'éducation, de la régulation, de la lutte contre les diffuseurs de haine et de la désinformation". Pour ce faire, treize personnalités composeront cette commission autour de Gérald Bronner. Mise en ligne ce jeudi, la liste fait déjà grincer des dents.

Scandale de Paris-Descartes, Mediator et blâme

Parmi les noms qui figurent dans cette commission, l'un a tout particulièrement attiré l'attention. Il s'agit de Guy Vallancien. Celui qu'on a surnommé "l'urologue des stars" est présenté comme la caution médicale du groupe. Mais depuis plusieurs années, ce n'est pas pour ses compétences qu'il fait les gros titres. En novembre 2019, le grand public le découvre lors du scandale du charnier à Paris-Descartes. D'une part, le chirurgien a été à la tête du centre de don des corps (CDC) de 2004 à 2014, et surtout, l'universitaire a créé en 2001 l'École européenne de chirurgie, accusée dans une enquête de l'Express, publiée en février 2020, de monnayer ces corps. "Vallencien achetait la mise à disposition des corps au tarif public et les revendait plusieurs fois le prix", révélait l'hebdomadaire. 

Autre scandale dans lequel on retrouve le nom de Guy Vallencien, celui du Mediator. C'est la pneumologue Irène Frachon elle-même qui a rappelé, dans une tribune accordée au Monde ce jeudi, la position de ce médecin, qui œuvrait pour discréditer ce scandale sanitaire. La lanceuse d'alerte de cette affaire a donc regretté la nomination de celui qu'elle décrit comme "l'un des fers de lance d'une nébuleuse de médecins de haut rang, professeurs de médecine, parfois académiciens de médecine, qui, depuis des années et sans vergogne, tentent de discréditer, minimiser, voire nier la gravité du drame humain causé par le Mediator".

Plus récemment, en juin dernier, le chirurgien a fait l'objet d'un blâme de la part de l'Ordre des médecins pour "certificat mensonger". Comme le soulignait le Quotidien du médecin, la chambre disciplinaire nationale a infligé cette sanction suite à une affaire qui opposait le professeur à un confrère, le docteur Dupagne. Le premier défendant un patient qui accusait son médecin de ne pas lui avoir diagnostiqué un cancer de la prostate, le second prenant position pour le généraliste. Or, dans cette défense, le professeur Vallancien est accusé d'avoir produit "des affirmations caricaturales et jugements de valeur catégoriques". Entre autres exemples retenus par l'Ordre des médecins, cette phrase : "La confusion des genres et le parti pris l'ont malheureusement emporté sur la sagesse médicale et la bonne pratique clinique". Des propos qui constituent un "manquement aux rapports de bonne confraternité", pour reprendre les mots de l'organisme professionnel.

Bronner relativise

Interrogé sur cette nomination dans "C Politique", Gérald Bronner, chargé de la mise en place de cette commission, a préféré plaider l'ignorance. Assurant qu'il ne connaissait pas "cette histoire", le sociologue a souligné que le chirurgien était reconnu comme membre de l'Académie de médecine. Défendant d'un côté celui qu'il décrit comme un "très grand médecin, avec une reconnaissance de ces pairs", Gérald Bronner a, de l'autre, attaqué les "esprits malveillants qui radiographient chacun des membres" de la commission. 

Une critique envers les journalistes et la lanceuse d'alerte qui interroge, d'autant plus que Gérald Bronner a lui-même déjà été épinglé pour avoir diffusé une fausse information. Celui qui a fait une thèse sur les croyances après avoir lui-même été "très crédule", croyant au chamanisme ou à l'astrologie, avait ainsi assuré dans un ouvrage en 2014 que l'utilisation d'eau de javel avait été délibérément retardée lors de l'épidémie à Haïti en 2010. Ce n'était pourtant qu'une rumeur, que l'auteur n'avait pas appuyée de preuves, comme le révélait Le Monde

Alors quel avenir pour cette commission ? Et quelle place pour Guy Vallancien ? La première réunion doit avoir lieu ce lundi. Et, du propre aveu de Gérald Bronner, on saura à ce moment-là si le chirurgien "quittera la commission". En attendant, cette affaire a d'ores et déjà entaché une commission qui aurait dû, sur un sujet aussi sensible que la désinformation, faire l'unanimité. Pour reprendre les termes d'Irène Frachon, de telles nominations laissent craindre que le travail de ce groupe "non seulement n'apporte aucune réponse raisonnable et raisonnée à la problématique soulevée, mais creuse un peu plus le fossé entre beaucoup de nos concitoyens et les élites qu'ils critiquent, à tort ou parfois à raison". 

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Felicia SIDERIS

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