Retraites : quelles pistes privilégie le gouvernement pour éteindre la crise ?

Publié le 10 décembre 2019 à 10h45

Source : TF1 Info

POLITIQUE - Edouard Philippe présentera l'architecture générale de la réforme des retraites en milieu de semaine prochaine. Objectif : tenir le cap... tout en déminant. Plusieurs concessions ont déjà été esquissées en direction des enseignants ou des policiers.

800.000 personnes selon la police, 1,5 million d'après la CGT, ont manifesté jeudi 5 décembre contre la réforme des retraites. Un succès pour les syndicats et un signal fort envoyé au gouvernement, alors que les syndicats appellent à une nouvelle mobilisation massive, mardi 10 décembre. Si Emmanuel Macron s'est dit "calme et déterminé" à aller jusqu'au bout, ses ministres ne pourront ignorer la colère de la rue. Mais comment éteindre l'incendie ?

Première option retenue par l'exécutif : communiquer sur son calendrier. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaires aux Retraites, et Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la santé, rencontreront lundi 9 décembre "l'ensemble des organisations syndicales et patronales pour clôturer le cycle des négociations sociales", a expliqué vendredi 6 décembre le Premier ministre. "Ils établiront un bilan complet des attentes, préoccupations, points d'accord et de désaccord", a-t-il ajouté, depuis le perron de Matignon.

"Je présenterai ensuite mercredi prochain à 12h, l'intégralité du projet du gouvernement sur cette réforme. Le débat pourra ainsi s'organiser autour de propositions claires, qui garantiront aux Français la justice, la solidité et la solidarité de leur système de retraite", a assuré Edouard Philippe.

Autre solution choisie par le gouvernement : se montrer un peu moins dur. Ces derniers jours, plusieurs ministres se sont succédés sur les plateaux de télévision pour expliquer que l'exécutif était prêt à faire des concessions et un pas en avant vers les syndicats. Mercredi 4 décembre, Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique en charge des Transports, a été la première à avouer sur LCI qu'il y avait "une place pour les discussions". Le lendemain, elle a répété qu'il y avait "un espace pour discuter des modalités de mise en oeuvre notamment sur le rythme des transitions".

Blanquer assure les enseignants d'une hausse de leurs salaires

Toujours mercredi, le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer s'était montré favorable à la revalorisation des salaires des enseignants, ceux-ci s'inquiétant d'avoir une pension de retraite inférieure à leur salaire de débutant si la réforme passe (leur pension ne serait plus calculée sur les six derniers mois, à l'instar de l'ensemble des fonctionnaires). "La garantie que je donne, c'est que les pensions ne baisseront pas", a-t-il dit. Condition sine qua non à cela : la hausse des revenus, Edouard Philippe ayant lui-même reconnu à leur sujet "que l'application absurde des nouvelles règles les pénaliserait". Problème : si le ministre a répété l'idée ces derniers jours, l'idée du déblocage de 400 millions d'euros destiné à ce projet, il ne dit pas si cela sera sous forme de prime ou de salaire. Par ailleurs, ce montant fait ricaner les professeurs contestataires, en ce qu'il ne compenserait pas la baisse à venir des futures pensions.

Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a, de son côté, donné des garanties aux policiers. Dans un courrier, il leur a affirmé que "des spécificités (…) seront conservées pour les fonctionnaires qui exercent des missions régaliennes de sécurité et d’ordre public pendant une période minimale". Il leur assure également que "pour ces fonctionnaires, les droits à un départ anticipé à la retraite resteront ouverts comme aujourd’hui, sans changement". Il ajoute que "les gains représentés par les bonifications de durée qui existent dans les régimes actuels (des policiers) seront préservés dans le futur système universel" et que "ces garanties seront inscrites dans le futur projet de loi". Des mesures comparables devraient concerner les gendarmes, les surveillants pénitentiaires ou les contrôleurs aériens.

Vendredi, au lendemain de la manifestation, la ministre des Solidarités Agnès Buzyn, qui avait dit de la mobilisation syndicale qu'elle consistait à défendre des intérêts particuliers, a annoncé qu'elle recevrait lundi 9 avec Jean-Paul Delevoye tous les partenaires sociaux. Interrogée sur les concessions que pourrait faire le gouvernement, elle a indiqué qu'"il y a effectivement une discussion sur l'âge d'application, l'âge de la bascule, quelle génération serait concernée, tout cela est encore sur la table".

L'équilibre en 2025 abandonné

Parmi les pistes envisagées par le gouvernement, celle de repousser l'entre en vigueur de la réforme. Selon un haut fonctionnaire contacté par LCI, cet âge pourrait être repoussé de 2025 à... 2030-2035. Les Echos écrivaient ce jeudi :  "Le gouvernement ne cherche plus, selon nos informations, à imposer des économies au forceps dès 2021, avec pour objectif l’équilibre en 2025. Ces économies interviendraient seulement dans le deuxième acte de la réforme". La génération 1963 ne devrait plus être celle de la bascule, remplacée par la génération 1973. De quoi se laisser dix ans de plus pour faire entrer la réforme en vigueur, et notamment y intégrer les régimes spéciaux. Cela laisserait également le temps au gouvernement de revaloriser petit à petit les salaires des enseignants.

Autre garantie obtenue par les syndicats selon le député LaREM Laurent Pietraszewski : la valeur du point ne baissera pas et sera "inscrite dans la loi".  "On y mettra une règle d’or, et on associera au pilotage et à la valeur du point les partenaires sociaux" a-t-il assuré sur BFMTV ce jeudi. Ce qu'a répété le secrétaire d'Etat à la Fonction publique Olivier Dussopt, mardi 10 décembre sur LCI.

Les syndicats dans l'attente

De quoi rassurer la CFDT, premier syndicat en termes d'élus, dans le public comme dans le privé, et qui n'a pas appelé à rejoindre toutes ses fédérations à rejoindre les cortèges ? Le syndicat réformiste, favorable au régime par points mais vent debout contre toute réforme paramétrique, (recul de l'âge de départ, baisse des pensions), a le vent en poupe et monnayera cher son soutien. Pour preuve, la position de la CFDT-Cheminots, qui a annoncé samedi 7 décembre qu'elle encouragerait ses adhérents à reprendre le travail si le ministère des Transports lui accordait la clause du grand-père, soit la possibilité offerte pour les cheminots de continuer sur leur régime ou accéder au régime par points. De quoi attendre encore plus impatiemment les annonces d'Edouard Philippe

Côté CGT, le gouvernement a finalement peu de choses à attendre. Le deuxième syndicat dans le public et le privé maintient son opposition au passage à la retraite par points. Philippe Martinez a ainsi écumé les médias pour assurer que lui et ses troupes "tiendraient jusqu'au retrait de la réforme". Seul une "amélioration" du régime actuel, "le meilleur du monde", le conduirait à lever ses appels à la grève.


La rédaction de TF1info

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