Grève du 5 décembre : les mairies ont-elles le droit d'affréter des cars pour transporter des manifestants ?

par Cédric STANGHELLINI
Publié le 5 décembre 2019 à 15h02
Grève du 5 décembre : les mairies ont-elles le droit d'affréter des cars pour transporter des manifestants ?

À LA LOUPE – Des municipalités ont affrété des autocars pour emmener les manifestants du 5 décembre à Paris. Une pratique totalement illégale, mais rarement sanctionnée.

Afin de soutenir le mouvement de grève nationale du 5 décembre, des mairies proposent aux habitants de leur commune de les amener à Paris pour gonfler les cortèges des manifestants. Une pratique normalement interdite. Explications. 

Des cars illégalement affrétés ?

D'après un sujet L'Oeil du 20 heures diffusé dans le JT de France 2, au moins dix-huit villes d'Ile-de-France mettront des autocars à dispositions des grévistes pour qu'ils puissent se rendre à la manifestation parisienne. Les municipalités concernées sont communistes ou socialistes. 

Pour la ville de Stains (Seine-Saint-Denis), le coût est estimé à 500 euros le bus. A Malakoff (Hauts-de-Seine), un communiqué précise que "deux cars seront mis à disposition des grévistes pour permettre de rejoindre les cortèges parisiens". Une demande portée par les sections locales de la FSU et de la CGT. La maire communiste de la ville précise que "la Bourse du travail est disposée à en supporter le coût, par le biais d'une collecte citoyenne ouverte à toutes et tous."

Le Conseil d'Etat a déjà condamné le procédé

Comme l'explique Me Cyrille Bardon, avocat en droit public, pour LCI, "le Conseil d'Etat a déjà été amené à s'exprimer sur le sujet, il s'agit d'une dépense illicite." 

Contacté par LCI, le Conseil d'Etat explique qu'une décision datant de 1990 fait jurisprudence sur ce sujet précis. "La commune de Blénod-Lès-Pont-À-Mousson avait pris en charge les frais de transport des habitants qui s'étaient rendus en autocar à Paris pour participer, en 1987, à une 'manifestation pour la défense de la sécurité sociale' et à une 'marche pour la paix'". 

Autre exemple, en 1994, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a contesté la décision de la mairie d'Hendaye de subventionner les frais de déplacement d'une association de parents d'élèves manifestant contre un projet de réforme de l'Education nationale. 

"Lors des manifestations de 1995 contre les réformes Juppé, la ville de Dunkerque avait même fermé le service public des transports pour permettre aux agents de manifester et soutenir le mouvement, une pratique là aussi condamnée par le Conseil d'Etat, nous raconte Me Bardon. Lorsque les bénéficiaires de cette dépense sont identifiés, par exemple un syndicat ou une association, les juges peuvent en exiger le remboursement." 

Toutefois, si un habitant, en tant que contribuable, peut agir contre la décision de sa commune, les condamnations et remboursements sont très rares dans les faits.  

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Cédric STANGHELLINI

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