Vous êtes complexé par votre corps à l'approche de l'été ? Voici d'où vient le malaise

Publié le 29 mai 2019 à 16h07, mis à jour le 29 mai 2019 à 16h22

Source : Sujet JT LCI

REGARD DES AUTRES - Si certains attendent avec impatience les vacances d'été pour se rendre à la plage et profiter du soleil, pour d'autres, la simple idée de se mettre en maillot de bain et de s'exhiber est terrorisante. Pourquoi entretenons-nous un rapport à notre corps aussi compliqué ? Un sexologue et un psychologue nous expliquent ce qui bloque intérieurement.

L’approche des vacances d’été amène chacun d'entre nous à porter des vêtements plus légers, rendant davantage visible un corps jusqu'alors revêtu. Mais si certains sont à l’aise avec cette exhibition, d’autres peuvent éprouver un complexe à l'idée de révéler une ou plusieurs parties de leur corps aux autres. Une crispation plus fréquente qu’on ne l’imagine. Comme nous le rappelle le psychologue Boris Charpentier, "différentes études réalisées entre 1976 et 1996 avaient montré que l’insatisfaction générale liée à l’apparence était alors passée de 23% à 56% chez les femmes et de 15% à 43% chez les hommes." Un phénomène qui a sans doute depuis continué à prendre de l'ampleur.

Qu’est-ce qui peut expliquer cette gêne ? Pour le sexologue Sébastien Garnero, "donner à voir son corps aux autres, c’est comme si on dévoilait à l’extérieur une partie de son intimité, soit son 'extimité'. Chacun se trouve alors confronté à son inéluctable imperfection face à des canons de la beauté évoluant au gré des époques, de la mode, du diktat sociétal et culturel dominant." Et devinez qui nous les impose, ces idéaux socio-culturels de la beauté ? Les médias, évidemment, en mettant à la une les régimes d’été, en vantant des corps d’hommes musclés et des corps de femmes minces à forte poitrine.

Celle ou celui qui vit au XXIe siècle s’avère en effet continuellement sollicité par des stimuli visuels (affiches publicitaires, télévision, téléphone...). Que ce soit dans la rue ou dans le métro, difficile voire impossible d’échapper à cette dictature des images : "Le pouvoir de persuasion dont disposent ces images est relativement fort, sur nos attitudes, nos comportements ou nos croyances et il influence ainsi très précisément la manière dont on perçoit son corps", confirme Boris Charpentier

Ces corps parfaits vendus par notre société de consommation rappellent à quel point notre foule sentimentale a toujours autant soif d’idéal : "Les images de corps parfaits laissent supposer que les personnes médiatisées représentent la population dans son ensemble et qu’il s’agit donc d’une représentation universelle de la beauté. C’est évidemment faux" !, poursuit le psychologue, rappelant qu’en l’absence de critères objectifs, "nous nous efforçons de nous comparer aux autres." D’où la déception de certains de ne pas avoir les biscotos de Schwarzy et de certaines de ne pas ressembler à Pamela Anderson dans son maillot de bain rouge. 

Femmes et hommes soumis à la même injonction

Dans l’inconscient collectif, un corps entretenu devient alors un indicateur fort de son estime de soi, de sa réussite sociale, de sa désirabilité, de sa capacité à correspondre aux normes attendues. Soit un culte du visible et de l’image renvoyant au mythe de Narcisse, mais aussi à cette injonction sociale enjoignant à faire éternellement "jeune, beau, en bonne santé...". Rassurez-vous, on est tous touchés par cette forme de diktat. L’exemple le plus probant ? "La frénésie des salles de musculation pour les uns et du fitness comme des régimes pour les autres", constate Sébastien Guarnero. "Ils sont les reflets de cette tyrannie du paraître plus que de l’être, du culte de l’apparence. En somme, à appartenir à une norme". Et c’est à partir du moment où l’on n’y correspond pas ou plus que tout peut s’écrouler intérieurement. 

Il faut être soi et pas quelqu'un d’autre pour réconcilier le corps, la tête et le cœur.
Sébastien Garnero, sexologue

"L’obésité est fortement rejetée dans nos sociétés occidentales et symbolise un manque de contrôle comme de volonté, à l'heure où la tendance est à la maîtrise de soi et de son environnement", ajoute le psychologue. "Il devient ainsi de plus en plus difficile pour les femmes d’atteindre cet idéal de beauté tant célébré, à savoir être mince tout en ayant une forte poitrine et un corps svelte. De même, chez les hommes, cette incitation à augmenter la pratique sportive peut conduire à l’utilisation de stéroïdes. Par ailleurs, les figurines des héros pour enfants (Batman, Superman, GI Joe) deviennent elles aussi excessivement musclées. Des jouets qui imposent dès l’enfance des critères de beauté difficiles à atteindre." 

Bref, tout le paradoxe de notre époque, qui ne peut pas à la fois idéaliser un corps et accepter ses imperfections. En découle une multitude de complexes chez des personnes fragilisées sur le plan psychique ou social, voyant en grand leurs petits défauts physiques. Auxquels se greffent parfois d’autres complexes (sentiment d’infériorité, différence de classes sociales, rivalités fraternelles…).

Aux origines de ce qui empêche de vivre

Mais comment ces complexes naissent-ils concrètement ? Selon le sexologue, "ils arrivent bien souvent avant l’âge adulte et viennent le plus souvent d’une éducation trop rigide ou trop permissive, d’un environnement parental pas suffisamment valorisant ou affectueux, d’un environnement social (école, collège, relations avec les camarades…) pas toujours tendre. Sans oublier les expériences affectives et amoureuses, les transmissions intergénérationnelles inconscientes.. Au-delà de tout, cette peur de révéler son corps est liée au manque d’estime de soi et de confiance en soi. Ceux qui ne ressentent pas ces problèmes ont tout simplement bénéficié d’expériences constructives, valorisantes et saines à leur propre corps et à l’autre. D’autres, malgré des expériences négatives ou paradoxales, pourront par le biais d’un travail personnel et/ou d’un suivi psychologique se montrer 'résilients' et dépasseront certaines de leurs peurs, anxiétés, problématiques narcissiques afin de s’épanouir et restaurer leur identité."

Et pour celles et ceux qui n'ont pas trouvé dans le regard de l’autre la capacité de se transformer, quels conseils donner ? Pour le sexologue, il importe de faire une psychothérapie autour de l’estime de soi, la réelle clef du bien-être : "Je leur proposerais tout d’abord de lister les principaux complexes, les inhibitions qui les gênent. Ensuite, de comprendre leurs origines (personnelles, parentales, sociétales…) et de déchiffrer leur sens intimement. Enfin, s’exposer progressivement à ses petites "peurs" en lien avec son corps, puis à d’autres plus importantes en s’apercevant que c’est déjà une victoire par rapport à soi-même et ses pensées limitantes". 

Il faut donc se libérer progressivement de ces systèmes de pensée qui parasitent la relation à son propre corps et à l’autre. Soit "ne plus penser à ses complexes, ne plus se dévaloriser, vouloir correspondre à une norme ou au diktat de la société, se libérer de ses conditionnements infantiles, de l’influence des autres, assumer ce que l’on est, cultiver sa différence… en somme, être soi et pas quelqu'un d’autre et réconcilier le corps, la tête et le cœur." Le corps ayant des limites que l’esprit et le cœur n’ont pas…


Romain LE VERN

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