L’isolement bientôt obligatoire ? "Un malade n’est pas un pestiféré", répond le Dr Kierzek

Publié le 25 novembre 2020 à 11h07, mis à jour le 25 novembre 2020 à 19h48

Source : TF1 Info

DÉBAT - Emmanuel Macron souhaite imposer l’isolement aux personnes contaminées par le Covid-19 "de manière plus contraignante". Une mesure "contre-productive" voire "dangereuse", juge le médecin urgentiste Gérald Kierzek.

Les personnes testées positives au Covid-19 seront-elles bientôt forcées de s’isoler pour limiter les risques de transmission du virus ? C’est en tout cas le souhait exprimé par Emmanuel Macron, lors de son allocution de mardi soir. "Je souhaite que le gouvernement et le Parlement prévoient les conditions pour s’assurer de l’isolement des personnes contaminées, y compris de manière plus contraignante", a indiqué le chef de l’État. "Si nous voulons éviter un confinement, nous devons être plus contraignants à l’égard de celles et ceux qui ont le virus."

Même pour la tuberculose ou des maladies infectieuses, il n'y a pas d'isolement sous contrainte.
Gérald Kierzek, médecin urgentiste

Si une telle mesure fait débat dans le monde politique - Marine Le Pen a d’ores et déjà annoncé qu’elle s’y opposerait - elle ne fait pas non plus consensus dans le monde médical. "Ce serait un changement majeur, et je pense vraiment qu’il ne faut pas aller dans cette direction", commente Gérald Kierzek, médecin urgentiste et consultant santé de LCI (voir vidéo en tête de cet article). "Un malade, ce n’est pas un pestiféré, et encore moins un malade du Covid-19", explique-t-il, avant de rappeler que ce virus provoque "une malade plutôt bénigne dans l’immense majorité des cas". "Même pour la tuberculose  ou des maladies infectieuses, il n'y a pas d'isolement sous contrainte. Ça n'existe pas", ajoute-t-il.

"Nous nous sommes battus pendant des années, pour ne pas dire des décennies, pour arrêter la stigmatisation pour les séropositifs au VIH", rappelle-t-il. "Un malade, cela doit se soigner, s’accompagner. C’est notre devoir éthique de médecin, nous ne devons pas le stigmatiser ni aller à l'encontre du consentement, pour lequel se battent les associations de malades depuis longtemps." De plus, souligne le médecin, un problème de secret médical se poserait dès lors que le malade serait dénoncé. "Là, on est en train d'attaquer des libertés fondamentales ou des piliers de la déontologie", dénonce-t-il. 

Une mesure pour contrebalancer des lacunes ?

En ce sens, il s’oppose à une mesure contraignante envers les personnes contaminées. "Sur le plan éthique, sur le plan de la discrimination et de la stigmatisation, une mesure comme cela serait une étape qu’il ne faut, à mon avis, pas franchir", juge Gérald Kierzek, soulignant que si les malades transmettent le virus, "c'est parce qu'ils n'avaient pas les résultats de leur test en temps et en heure". "On a l'impression que parce que l'on a pas assez de tests ou que les résultats ne sont pas rendus assez vite, la seule solution est d'enfermer les gens ! Que l'Etat mette en œuvre des tests avec un tracing efficace pour avoir un résultat tout de suite est beaucoup plus intéressant", soutient le médecin.

"Jouer sur les peurs me semble extrêmement dangereux"
Gérald Kierzek, médecin urgentiste

Selon lui, contraindre les malades à s’isoler à l’aide de mesures coercitives serait "contre-productif", les Français risquant alors de ne plus aller se faire tester, de peur d'être contraints à l'isolement. "Jouer sur les peurs me semble extrêmement dangereux sur le plan de la cohésion de notre société", analyse d'autre part Gérald Kierzek. "Avec la peur, on peut accepter beaucoup de choses : il faut faire très attention." 


Idèr NABILI

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