Pourquoi il est faux d'assurer que les vaccins à ARNm modifient l'ADN

Publié le 8 décembre 2020 à 16h51, mis à jour le 8 décembre 2020 à 19h18

Source : JT 20h WE

MÉCONNAISSANCE - De nombreux messages, y compris de médecins, assurent que les vaccins à ARNm mis au point par certains laboratoires vont modifier nos gènes de manière irréversible. Une absurdité, dénoncent aujourd'hui de nombreux scientifiques.

Peut-être avez-vous découvert sur les réseaux sociaux les nombreux messages expliquant que les vaccins à ARNm (également appelés "à ARN messager") actuellement finalisés sont dangereux. Ils contribueraient en effet à modifier nos gènes de manière irréversible : "Personne ne pourra ensuite corriger cette anomalie génétique jusqu'à la fin de vos jours et vous la transmettrez à votre descendance", croit ainsi savoir un internaute alarmiste. Un discours qui fait écho à celui de membres du monde médical : l'anesthésiste-réanimateur Louis Fouché, coutumier des fake news, et l'infectiologue Christian Perronne. Ce dernier affirme notamment que les vaccins qui vont être distribués n'en seront pas vraiment, puisqu'il s'agit à ses yeux de "produits de thérapie génique". Des thèses formellement contestées par les scientifiques spécialistes de ces questions. 

Un "délire total"

Les vaccins à ARNm, développés notamment par les groupes Pfizer/BioNtech et Moderna, cherchent en quelque sorte à entraîner notre système immunitaire, de façon à lui permettre d'identifier des agents infectieux. "On injecte habituellement des virus inactivés en laboratoire, ou bien des protéines provenant de la coque protectrice du virus", glisse Le Temps, "mais pas dans le cas des vaccins à ARNm, qui consistent à administrer non pas de la matière virale, mais de petits acides ribonucléiques (ce qu’on appelle l’ARN) contenant le code génétique d’une protéine virale. Ces ARN ne proviennent pas du virus, ils sont totalement synthétiques." Notre corps, confronté à ces protéines virales inoffensives, est alors préparé à une attaque (cette fois-ci réelle) du virus : il dispose d'anticorps capables de le neutraliser. 

Ces vaccins à ARNm pourront-ils modifier notre patrimoine génétique ? Non, certifient les scientifiques, et ce pour plusieurs raisons. "Non seulement l'ARN ne rentre pas dans le noyau des cellules", où se situe notre ADN, "mais même si c'était le cas, il ne pourrait pas interagir avec notre code génétique", tranche le Pr Jean-Daniel Lelièvre, membre de la Commission vaccination à la Haute autorité de santé. Il faudrait pour cela qu'il soit "transformé en ADN", mais comme le souligne ce spécialiste auprès du Figaro, "il n'y a pas de système qui permette de faire cela dans les cellules humaines". Quand il est invité à réagir au messages qui se propagent sur les futurs vaccins, il se montre sévère et évoque "un délire total".

Il faut par ailleurs souligner que l'action ciblée de l'ARNm n'est que temporaire. Une durée de limitée sur laquelle insiste le spécialiste des maladies pulmonaires Dan Culve, sollicité par l'agence AP. "Le temps durant lequel cet ARN va survivre dans les cellules sera assez bref, ce sera l'affaire de quelques heures. Ce que vous faites en réalité", résume-t-il, "c’est présenter une recette pendant quelques heures au sein de la cellule qui fabrique la protéine."

Une multitude de techniques utilisées

Contrairement aux messages très relayés qui circulent en ligne, il est donc faux d'assurer que les vaccins à ARNm vont entraîner une "anomalie génétique" qui sera irréversible et que vous "transmettrez à votre descendance". Si la défiance est manifeste à l'égard des vaccins dits "à matériel génétique", pouvant faire écho aux débats autour des très controversés OGM, cela peut sans doute en partie s'expliquer par le fait qu'il s'agit de techniques relativement récentes, en comparaison avec des types de vaccins plus "traditionnels". Le Covid-19 va d'ailleurs voir l'émergence des premiers vaccins à ARNm commercialisés.

Si le Pr Perronne alerte de manière trompeuse sur les virus à ARNm, il évoque d'autres vaccins en préparation, de la même famille mais appelés "à ADN". Ils risquent, avance-t-il, "de transformer nos gènes définitivement". Une crainte que balaient là encore les scientifiques de manière unanime, et parmi eux Aurélie Wiedemann, immunologiste à l'Institut de recherche vaccinale de l'hôpital Henri Mondor à Créteil. Elle précise que ces vaccins à ADN introduisent dans leur fonctionnement "une étape supplémentaire par rapport à un vaccin ARN", mais estime qu'il ne faut pas craindre un risque supplémentaire.

"Dans le cadre du vaccin ADN, de nombreuses études ont été réalisées et plusieurs vaccins utilisent déjà cette technologie", souligne-t-elle auprès de Marie Claire. "Nous avons par conséquent du recul qui permet de dire que ces vaccins sont sûrs : ces molécules d’ADN lorsqu’elles sont injectées restent essentiellement au niveau du site d’injection (dans le muscle) et aucune intégration dans l’ADN n’a été observée." Au total, près d'une cinquantaine de candidats-vaccins "à matériel génétique" sont actuellement en développement dans le cadre de l'épidémie de Covid-19.

En résumé, il est donc trompeur d'affirmer que des vaccins à ARNm (ou à ADN) seraient susceptibles de modifier nos gènes. Si la thérapie génique fait l'objet de recherche par les scientifiques, elle n'est aujourd'hui pas au centre des développements menés par les laboratoires pour développer des vaccins contre le Covid. Depuis plusieurs jours, les scientifiques du monde entier se relaient pour expliquer leur mode de fonctionnement et certifient qu'ils ne risqueront pas d'altérer ou transformer notre ADN. 

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Thomas DESZPOT

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