En ligne, des publications trompeuses comparent le Covid-19 et le cancer

Publié le 6 janvier 2021 à 17h00
De nombreux décès ont été évité dans le cadre de l'épidémie grâce aux actions de prévention et de détection du virus.
De nombreux décès ont été évité dans le cadre de l'épidémie grâce aux actions de prévention et de détection du virus. - Source : PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

MORTALITÉ - Peu dangereux, le Covid ? Des publications le soutiennent, à grand renfort de comparaisons avec d'autres maladies. Un parallèle avec le cancer particulièrement trompeur circule notamment en ligne.

Las de voir se poursuivre les mesures restrictives et de prévention dans le cadre de l'épidémie de Covid-19, des Français s'interrogent sur leur bien fondé. En fait-on trop ? Ils en viennent à le penser, et s'appuient pour justifier leur position sur des chiffres relatifs au virus. Contamination, mortalité... le SARS-CoV-2 ne serait pas aussi dangereux que ne le prétendent les autorités sanitaires, notamment si on le compare à d'autres pathologie. Des parallèles avec le cancer sont par exemple régulièrement dressés, comme dans une récente publication apparue sur Facebook.

Un internaute partage ainsi ses réflexions : "Nous sommes 66.000.000 en France, on est bien d’accord [...] niveau contamination on est à peu près aux alentours de 2.600.000, ce qui nous fait à peu près 4% de la population", commence-t-il. Ensuite, "on a 66.000 décès depuis 'l'épidémie' ce qui nous donne 0,1% de mortalité, et [...] on nous bouffe la vie pour ce 0,1% alors que le cancer fait chaque année environ 10.000.000 de morts, donc 15% de taux de mortalité". Contre ça ? "On ne fait rien, cherchez l'erreur", lance-t-il. Une démonstration qui s'appuie autant sur des chiffres erronés que sur des réflexions biaisées.

Une erreur d'échelle

Si l'on prend les chiffres énoncés les uns après les autres, on observe tout d'abord que le nombre de Français annoncé est assez proche de la réalité. Nous sommes en effet quasiment 67 millions. Même constat pour le nombre total de contaminations au Covid-19, les dernières données disponibles étant de 2.680.239 cas déclarés en France. Méfiance toutefois avec ce chiffre : il s'agit ici uniquement des cas rapportés et formellement identifiés. De nombreuses personnes, notamment durant la première vague, ont pu contracter le virus mais ne pas s'en rendre compte. En l'absence d'une vaste politique de tests durant les premières semaines de l'épidémie et en raison de la forte proportion d'asymptomatiques, il est possible que le nombre de Français à avoir effectivement été contaminés soit bien supérieur. 

Le taux de mortalité, de 0,1% comme l'indique cet internaute, est juste. Il met en avant le pourcentage de personnes décédées en comparaison avec la population totale du pays. Il faut toutefois le distinguer du taux de létalité, qui évalue le risque de décès si quelqu'un contracte le virus. Cet automne, LCI montrait que chez les Français de 80 à 89 ans, ce taux de létalité pouvait osciller entre 5,5 et 9%. Il grimpe à près de 18% pour les 90 ans et plus, signifiant qu'une nonagénaire atteint du Covid-19 aura une chance sur cinq d'en mourir.  

L'aspect le plus problématique de cette publication Facebook porte sur la comparaison avec le cancer, qui ferait 10.000.000 de décès chaque année. C'est proche de la vérité... mais à l'échelle de la planète entière ! En France, Santé Publique France indique qu'en 2018, le nombre total "de nouveaux cas de cancer est estimé à 382.000", et que "l'estimation du nombre total de décès par cancer s’élève", pour la même année, "à 157.000". C'est un chiffre qui demeure conséquent, mais malgré tout bien inférieur. Nous sommes ici loin d'un taux de mortalité de 15%, ce dernier étant plutôt de 0,23%. 

Une comparaison peu judicieuse

Quand bien même les bons chiffres seraient utilisés pour effectuer une telle comparaison, il s'agirait d'un parallèle hasardeux. En effet, il apparaît délicat de mettre sur le même plan une maladie virale encore mal connue se transmettant aisément par les voies respiratoires et des maladies comme le cancer, qui ne sont pas en elles-mêmes contagieuses. Inutile par exemple de contrôler les allers et venues aux frontières ou de réaliser des dépistages avant chaque voyage en avion si l'on est atteint d'un cancer ou que l'on suspecte d'en développer un.

Par ailleurs, il faut souligner que si la mortalité du Covid-19 reste "contenue", cela s'explique en grande partie par les mesures très strictes décidées par les autorités depuis mars dernier. Des chercheurs, à l'issue du premier confinement, estimaient en effet que plusieurs dizaines de milliers de morts avaient pu être évitées grâce à la somme des décisions restrictives prises, que ce soit la fermeture des commerces, des écoles ou bien encore l'interdiction des rassemblements. Les soignants s'accordent également sur le fait que le système hospitalier, mis à rude épreuve, aurait été totalement dépassé sans confinement, ce qui aurait contribué à ne pas pouvoir accueillir des malades et à faire gonfler le bilan des décès.

Si la pertinence des mesures et l'efficacité des politiques de lutte contre le Covid-19 peuvent tout à fait être discutés et débattus, utiliser une comparaison avec le cancer pour minorer la gravité de l'épidémie se révèle trompeur. En septembre, rappelons que les statisticiens de l'Insee ont démontré que le coronavirus était l'événement le plus mortel des vingt dernières années en France. Dépassant largement la canicule de 2003. Depuis, le nombre de morts a continué sa progression, ne faisant qu'aggraver ce constat. 

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Thomas DESZPOT

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