La France se dote d'un nouveau supercalculateur : à quoi va servir Jean Zay ?

Publié le 28 janvier 2020 à 10h35
Le supercalculateur Jean Zay installé au centre de calcul de l'Idris, sur le plateau de Saclay.
Le supercalculateur Jean Zay installé au centre de calcul de l'Idris, sur le plateau de Saclay. - Source : Cyril FRESILLON/IDRIS/CNRS Photothèque.

SCIENCE - Le supercalculateur Jean Zay, conçu par l’Américain Hewlett-Packard pour la France, vient d'être inauguré. Loin d’égaler les machines américaines ou chinoises, ce mastodonte s’affiche cependant comme l’un des plus puissants d’Europe. Mais à quoi va-t-il servir ?

Jean Zay, le nouveau supercalculateur français, a été inauguré vendredi dernier au centre de calcul de l’Institut du développement et des ressources en informatique scientifique (Idris), sur le plateau de Saclay, en région parisienne. A l’abri des regards, dans une grande salle toute blanche, une quarantaine d'énormes armoires noires renferment processeurs et disques de stockage. Ce bijou technologique, fabriqué dans les laboratoires de l’Américain Hewlett-Packard, a coûté la bagatelle de 25 millions d'euros. Un investissement qui doit permettre à la France de se relancer dans la course à l'intelligence artificielle (IA), un domaine stratégique dans lequel les Etats-Unis et la Chine ont déjà pris une belle avance, mais dont l'Hexagone fait l'un de ses chevaux de bataille.

La machine, à plein régime, déploiera une capacité de calcul phénoménale, équivalente à celle de 40.000 ordinateurs personnels : avec une puissance de 16 pétaflops, en jargon d'expert, elle sera capable de réaliser pas moins de 16 millions de milliards d'opérations par seconde, doublant ainsi la puissance de calcul de la France. 

L'un des défis de l'intelligence artificielle consiste à donner aux ordinateurs la capacité d'apprendre à partir de données, une technologie qu’on appelle communément le "machine learning" ("apprentissage profond" en VF). Pour apprendre à réaliser une tâche spécifique (reconnaître une image, traduire un texte, conduire une voiture, etc.), un algorithme a besoin d'ingérer des milliards d'exemples : à la manière des humains (ou des animaux), la machine apprend de ses erreurs. Mais traiter cette gigantesque masse de données nécessite des calculs, beaucoup de calculs. Et Jean Zay (nommé ainsi en l'honneur du ministre de l'Education nationale du Front populaire qui fut l'artisan, avec Jean Perrin, de la création du CNRS) est justement là pour ça ! Petit tour d'horizon de ses futurs champs d'applications.

La voiture autonome

L'exercice n'est pas si éloigné de l’entraînement d’un animal de cirque à qui l’on donne une friandise lorsqu’il exécute l’action désirée. Quand un véhicule autonome roule, il doit analyser la vitesse et la distance avec la voiture qui le précède, tenir compte des panneaux de signalisation, tout en gardant un œil sur les piétons qui l'entourent. En fonction de ces paramètres, la machine va prendre une décision, comme freiner ou accélérer. Si cette action mène à une collision, elle va l'enregistrer dans sa base de données. Quand elle se retrouvera dans une situation similaire, elle se souviendra de cette mauvaise expérience et optera pour une autre option.

Pour mettre au point un système de pilotage autonome fiable, il est nécessaire d'entraîner l'algorithme en lui soumettant un maximum de cas de figures. D'où les tests en conditions réelles que mènent actuellement des entreprises comme Tesla ou Uber. Lors ces expérimentations, le véhicule engrange des tonnes de données par le biais de ses capteurs, radars et autres caméras. Et seule une intelligence artificielle est en mesure de traiter une telle quantité d'informations. Pour cela, pas d'autre choix que d'utiliser un supercalculateur, à l'instar de Jean Zay. "Grâce à lui, au lieu d'attendre des résultats un mois, nous les aurons au bout d'une semaine !",  se réjouit Marc Baden, chercheur au CNRS.

Les prévisions météos

Autre champ d'application, la météo. La semaine dernière, le laboratoire Google Research a dévoilé un programme informatique capable de prédire le temps qu’il fera à 5 minutes près, une de ses équipes de chercheurs ayant mis au point une intelligence artificielle capable de traiter des images satellitaires à une vitesse inédite. Actuellement, il faut environ six heures pour que des agences comme la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) traitent les téraoctets de données reçues chaque jour, ce qui limite le nombre d’actualisations de la carte météo à… 4 fois par tranche de 24 heures. Pareil chez Météo-France.

Les scientifiques de Google ont utilisé un supercalculateur. Leur algorithme analyse le déplacement des nuages, mais avant de délivrer sa prédiction, il consulte en temps réel une immense base de données, constituée à partir d'un historique des précédents événements climatiques. En couplant ces informations, l'IA de Google est en mesure de déduire l'évolution de la météo à une vitesse encore inégalée. A l'avenir, Jean Zay pourrait de la même manière s'avérer d'une grande aide pour améliorer la fiabilité des bulletins météorologiques et prédire les événements les moins prévisibles, comme une tornade, explique le CNRS sur son site internet.

Médecine : le diagnostic parfait avec l'intelligence artificielle ?Source : JT 20h Semaine

La médecine du futur

Être bien soigné en cas de maladie grave, par des médecins, mais peut-être aussi par des algorithmes : c'est également l’une des promesses de l'intelligence artificielle appliquée à la santé. Ses applications concerneront d’abord le traitement des données de l’imagerie médicale, mais aussi les opérations assistées ou les prothèses intelligentes. A terme, elle ouvre l’espoir d’une médecine prédictive, préventive et personnalisée, grâce à l’analyse et au recoupement d’un très grand nombre de données de santé, cette discipline qu’on appelle le "Big data" dans laquelle Jean Zay aura justement un rôle majeur. De quoi permettre à l’avenir la conception de dosages de médicaments adaptés à des profils de personnes et donc plus efficaces, ou encore de mieux comprendre l’agressivité d’un virus, par exemple.

Aux États-Unis, des solutions médicales s’appuient partiellement ou totalement sur l’IA dans le diagnostic d’hémorragie cérébrale ou d’accident vasculaire cérébral, pour détecter des cancers du poumon ou du foie, pour repérer de possibles mélanomes sur les photos de peau ou encore pour dépister des rétinopathies diabétiques sur des images de rétines. Dans chacun de ces domaines, les performances ont été comparées à celles de médecins. Il a ainsi été démontré que dans certains cas, l’IA était capable d’être plus rapide, plus précise et plus fiable que l’humain.  


La rédaction de TF1info (avec AFP)

Tout
TF1 Info