VIDÉO - Santé, contraception, plaisir... C'est quoi, au juste, la charge "sexuelle" ?

par Léa BONS
Publié le 27 février 2019 à 14h19, mis à jour le 28 février 2019 à 18h39

Source : Sujet TF1 Info

SEXUALITÉ - Après la charge mentale et la charge émotionnelle mises en lumière par la dessinatrice Emma, un autre fardeau invisible pesant sur les femmes est pointé du doigt : la charge sexuelle. Santé, contraception, plaisir... On vous explique ce que recouvre cette notion.

Ce sont des concepts qui désignent une réalité bien tangible : au sein des couples, le travail d'organisation et de gestion du quotidien, l'écoute de l'autre pèsent davantage sur les femmes. Depuis qu'elles ont été croquées par l'auteure de BD Emma, on a beaucoup parlé des notions de charges mentale et émotionnelle. Désormais, cette inégalité dans les rapports hommes-femmes a une autre déclinaison : la charge "sexuelle", récemment mise en lumière par la journaliste de Slate Clémentine Gallot.

Que recouvre exactement cette notion ? "La charge sexuelle, c'est la part de charge mentale liée à la santé reproductive et sexuelle des femmes", nous répond la dessinatrice Emma. Ce sont "l'ensemble des préoccupations que peut représenter la vie affective et sexuelle, de l'érotisme au désir en passant par la contraception et la santé", ajoute le psychologue clinicien et sexologue Sébastien Garero.

"Notre culture en termes de sexualité encourage les femmes à se mettre au service du plaisir des hommes "
Emma, dessinatrice

Si on la regarde plus précisément, cette charge sexuelle s'exprime d'abord par un déséquilibre dans la recherche du plaisir lors des rapports sexuels. Une "charge orgasmique" fortement influencée par la société et l'éducation que l'on peut avoir autour du "Saint phallus", nous explique Diane Saint-Requier, auteure du fameux blog "Sexy soucis". De son côté, elle préfère employer le terme d'"orgasm gap", considérant qu'à l'image du "wage gap" (littéralement "fossé de salaires"), il existe une véritable inégalité entre l'homme et la femme dans l'accès à l'orgasme au sein des couples hétérosexuels. 

Une inégalité qui se décline de diverses manières dans les témoignages que nous avons recueillis "J'ai eu des relations sexuelles pendant longtemps avec un garçon qui, dès qu'il avait éjaculé, considérait que notre rapport sexuel était terminé, même si clairement, je n'avais pas joui", nous raconte Mélanie, 24 ans. "Des fellations, je me suis parfois forcée à en faire pour faire plaisir à mon partenaire. A l'inverse, les cunnilingus n'étaient pas toujours au programme", dit de son côté Émeline, 28 ans.

"Notre culture en termes de sexualité encourage les femmes à se mettre au service du plaisir des hommes : le rapport commence avec l'érection et finit avec l'éjaculation. Elles sont de surcroît encouragées à rassurer leur partenaire même s'il ne les a pas fait jouir, en mentant ou en leur assurant que ce n'est pas important pour elles", explique la dessinatrice Emma. Pour Diane Saint-Requier, "il faut décentrer la sexualité du coït, d'un rapport qui ne se définit que par le pénis et le vagin. Car même quand certains ont envie de faire jouir leur partenaire, c'est seulement dans l'idée de se prouver quelque chose à eux-mêmes. C'est un problème d'éducation qui se mêle aussi à la notion de performance : il ne faut pas offenser l'ego-mâle". 

Par conséquent, les deux sexes se mettent souvent "une pression trop importante de réussite, ce qui empêche de développer cet espace de créativité, de liberté, de légèreté, de lâcher prise et de sensualité propice au désir, à l’excitation et au plaisir amoureux", estime pour sa part Sébastien Garnero. 

"Je vais me sentir gênée si je ne suis pas épilée, pas lavée, pas bien habillée ou maquillée"
Julie, 31 ans

Face à la nudité non plus, nous ne sommes pas tous égaux. On parle alors de "charge érotique", composante de la charge sexuelle, comme le décrit notre confrère de Slate. Là encore, c'est notre éducation qui influe sur notre comportement : les femmes sont conditionnées à plaire et à provoquer la séduction chez leurs homologues masculins grâce à l'épilation, la lingerie affriolante mais aussi les précautions qu'elles prennent par rapport à leur corps (régime, soins...). 

 "Il y a un vrai décalage, j'ai toujours fait plus attention à mon image que mes partenaires. Lors d'un rapport sexuel, je vais me sentir gênée si je ne suis pas épilée, pas lavée, pas bien habillée ou maquillée", nous confie ainsi Julie, 31 ans. "Quand je vais en soirée et que j'envisage de peut-être rentrer accompagnée, j'ai une espèce de rituel qui consiste à bien choisir mes sous-vêtements et à faire attention à ce qu'aucun poil ne dépasse", confesse aussi Chloé, 25 ans. 

Des normes de genre que l'on peut faire reposer sur la différenciation des visions du désir et de l'érotisme selon les sexes. Selon Sébastien Garero, "les femmes développent souvent leur compétences amoureuses au travers de récits, d’une littérature érotico-romantique, d’une valorisation narcissique et exhibitionniste de l’ensemble du corps, valorisant les sentiments". Les hommes étant eux  "davantage orientés vers la performance sexuelle ('être à la hauteur'), la narcissisation phallique, le développement de l'érotisme par la vision du corps de l’autre, le prisme du voyeurisme, parfois au travers d’une surexposition à la pornographie souvent nocive à leur sexualité, notamment chez les jeunes hommes en particulier". 

La santé sexuelle, "une affaire de femmes"

La santé sexuelle, qui comprend la charge médicale et la charge contraceptive, entre bien entendu dans ce concept de charge sexuelle, la femme s'occupant le plus souvent des problématiques médicales (comme ce sont elles qui emmènent davantage les enfants chez le pédiatre et vérifient que leurs vaccins sont à jour). "Il s'agit de gérer les risques et les avantages liés à la sexualité, et cela repose en priorité sur les épaules des femmes. Elles gèrent la contraception pour le couple. Souvent, les conjoints ignorent même qu'elles ont eu un rendez-vous gynéco dans la journée, alors qu'elles en ont parlé avant", soulève Emma. 

"Dans toutes mes relations, la question de la participation financière de mon copain à ma contraception n'a jamais été soulevée. Il n'y a que le préservatif qui pouvait être apporté par lui, et je me dis que c'est parce qu'il doit le porter qu'il se sent impliqué. Par ailleurs, aucun de mes partenaire ne m'a jamais accompagnée acheter ma pilule, ou à n'importe quel rendez-vous médical qui pouvait concerné notre sexualité", rapporte Gaëlle, 26 ans.

"La réticence de certains partenaires à porter un préservatif alourdit cette charge car les risques d'infection et de mycose sont augmentées pour les femmes. Ce sont aussi elles qui ont à gérer l'évacuation du sperme, tandis que le partenaire peut s'endormir. Avec le préservatif, c'est lui qui gère", ajoute Emma. 

L'exemple de la pilule est encore plus caractéristique de la charge contraceptive. Moyen contraceptif le plus utilisé en France, elle n'est pas intégralement remboursée et il est très rare que les frais soient partagés dans le couple. C'est à la femme de ne pas oublier de la prendre pour éviter de tomber enceinte, mais aussi de supporter les contraintes que celle-ci peut entraîner du point de vue hormonal. Pour Sébastien Garnero, "une grande partie de la contraception reste en effet 'l'affaire des femmes' dans la majorité des couples, les hommes ne se sentant essentiellement concernés que par l’usage des préservatifs dans ce domaine". 

Concernant les IST par ailleurs, rares sont les hommes qui prennent soin ne serait-ce que de demander si leur partenaire a déjà été touchée par l'une d'elles ou d'encourager leur compagne à aller faire des tests, pointe le témoignage de Jeanne, 29 ans : "Pour les dépistages, c'est clairement moi qui en parle et en fait le proposition. J'entends beaucoup plus les femmes s'en inquiéter et y penser que les hommes". 

Au final, conclut Sébastien Garnero, les hommes vont s'intéresser à l'aspect médical de la charge sexuelle "quand ils seront directement concernés". C'est-à-dire lorsque que le couple fait face à des difficultés sexuelles. 


Léa BONS

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