Infraction au code de la route à l'étranger : ces nouveaux pays qui vous enverront un PV en France

Maître Jean-Baptiste le Dall (édité par L. V.)
Publié le 28 juin 2019 à 11h08

Source : JT 20h Semaine

LA CHRONIQUE AUTO - Les conducteurs qui ne respectent pas le Code de la route à l'étranger risquent de recevoir un PV chez eux. La France étend en effet petit à petit son "réseau d’entraide" en matière de constatation d’infractions routières par radars automatisés. Le point avec Maître Jean-Baptiste le Dall, avocat en droit automobile

Les administrations des États membres de l’Union européenne le savent bien : les conducteurs étrangers peuvent avoir tendance à se relâcher quand ils traversent leurs frontières. La France, qui dispose d’un parc particulièrement bien fourni de radars, en est d’autant plus consciente avec des chiffres qui se passent de commentaires. Depuis la mise en place de nos radars automatisés, environ 21% des infractions relevées (et jusqu’à 50% en été) sur l’Hexagone concernent des véhicules immatriculés à l’étranger, alors même qu’ils ne représentent que 5 à 6% du trafic. 

De ce constat, est née l’idée d’une coopération européenne qui prend forme petit à petit notamment grâce à la directive européenne dite "Cross border". Il suffit de lire le nom de cette directive 2015/413 du 11 mars 2015 pour en saisir la teneur : directive "facilitant l'échange transfrontalier d'informations concernant les infractions en matière de sécurité routière".

Huit infractions visées

Ce n’est pas une nouveauté, les échanges d’informations doivent intervenir en présence de huit infractions : 

• Excès de vitesse

• Non-port de la ceinture de sécurité

• Franchissement d'un feu rouge

• Conduite en état d'ébriété

• Conduite sous l'influence de drogues

• Non-port du casque

• Circulation sur une voie interdite (y compris la bande d’arrêt d’urgence)

• Usage illicite d'un téléphone portable ou de tout autre équipement de communication en conduisant un véhicule

Ce qui sera en revanche nouveau, sur le terrain, c’est qu’à la suite du mouvement des Gilets jaunes et de la destruction d’une part significative du parc de radars automatisés, la France va se doter d’appareils plus performants et plus polyvalents que jusqu’à présent. 

La loi de justice pour le XXIe siècle du 18 novembre 2016, et les décrets qui l’ont suivie (notamment celui du 28 décembre 2016) permettent déjà la constatation par radars automatisés d’un panel d’infractions beaucoup plus large et diversifié que par le passé. Les conducteurs étrangers qui circuleront à l’avenir sur le territoire français pourraient faire les frais de ce renouvellement du parc, avec, par exemple, des verbalisations pour non port de la ceinture de sécurité, circulation sur bande d’arrêt d’urgence ou encore usage du téléphone portable au volant. 

L’échange d’informations réside dans la mise à disposition des coordonnées du contrevenant -ou plutôt de celles du titulaire du certificat d’immatriculation correspondant à la plaque du véhicule flashé. Pour mettre en pratique ces échanges d’informations, les États procèdent par le biais d’accords bilatéraux.

Une vingtaine de pays concernés

Chaque année, la France étend son réseau pour récupérer toujours plus d’adresses où envoyer ses avis de contravention. L’année passée, à la même époque, le 9 juillet 2018, pour être exact, les échanges transfrontaliers d'informations sur les infractions routières étaient étendus à trois nouveaux pays : l'Estonie, la Lituanie et la Lettonie. 

C’étaient donc 18 pays qui ouvraient leurs carnets d’adresse à la France : l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Roumanie, l'Autriche, la Belgique, l’Espagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Hongrie, l'Italie, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Slovaquie, et donc l'Estonie, la Lituanie ainsi que la Lettonie. En dehors de l’Union européenne, un accord bilatéral spécifique prévoit également ces échanges avec la Suisse. Depuis le 24 juin 2019, cette liste s’est encore allongée avec désormais l’Irlande et la Suède.

Les ressortissants de tous ces pays devront donc se montrer vigilants en empruntant les routes françaises. Mais, évidemment, la réciprocité incitera également les conducteurs français à faire attention s’ils partent en vacances dans ces pays. Le risque est, bien sûr, de retrouver un avis de contravention dans la boîte aux lettres au retour.

Objectif : 30.000 avis de contravention en plus côté français

De février 2018 à janvier 2019, "plus de 15.000 infractions ont été commises sur les routes françaises par des véhicules immatriculés en République d’Irlande et plus de 12.000 infractions ont été commises par des véhicules immatriculés en Suède". Par an, la France pourrait ainsi émettre pas loin de 30.000 nouveaux avis de contravention supplémentaires ! 

Que ce passe-t-il si le PV n'est pas payé ?

Ce n’est pas parce que les États mettent en commun leurs carnets d’adresses qu’ils vont pour autant s’assurer du paiement des PV par leurs ressortissants. Si l’administration française a pu constater un taux de paiement volontaire important, les Etats ne peuvent actuellement qu’espérer que le contrevenant paye de lui-même. On le comprend vite, les coûts liés à la mise en oeuvre d’une verbalisation à l’étranger sont hors de proportion avec les montants en jeu. La coopération entre les États membres en matière d’exécution est donc au point mort, en tout cas jusqu’à aujourd’hui. 

En revanche, le contrevenant mauvais payeur prend le risque de devoir s’acquitter d’une addition particulièrement salée s’il retourne sur les lieux des infractions. C’est sans doute pour pouvoir repartir dans ces pays l’esprit tranquille que la plupart des contrevenants s’acquittent volontairement de leurs amendes et ce d’autant plus que la commission d’une infraction à l’étranger n’entraîne aucune décision de retrait de points.

Me le Dall, docteur en droit et vice-président de l'Automobile club des avocats, intervient sur son site et sur LCI. 


Maître Jean-Baptiste le Dall (édité par L. V.)

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