24 Heures du Mans : que font les pilotes quand ils ne sont pas sur la piste ?

Publié le 15 juin 2019 à 13h00, mis à jour le 18 juin 2019 à 11h22

Source : JT 13h WE

RÉSISTANCE - Course d'endurance à part, le coup d'envoi des 24 Heures du Mans, dont le plateau réunit 62 bolides et 186 pilotes pour cette 87e édition, sera donné ce samedi 15 juin à 15h. Thomas Laurent, espoir du sport auto tricolore, raconte à LCI ce qui se passe en coulisses, loin des caméras.

Le rugissement des moteurs, l'odeur de gomme cramée, la torpeur de la piste... Chaque année, le temps d'un week-end, en juin, plus de 250.000 personnes se donnent rendez-vous autour du circuit des 24 Heures du Mans, une boucle de 13,629 km traversant prairies et forêts en lisière de la ville sarthoise. Depuis la première édition en 1923, ils se massent dans les gradins surplombant l'asphalte du tracé mythique pour regarder passer une soixantaine de bolides de différentes catégories, conduits par 186 pilotes qui se relaient du samedi 15h jusqu'à la délivrance, le dimanche, deux tours de cadran plus tard. 

Course d'endurance à part, la seule à durer 24 heures, la classique mancelle aspire à éprouver les machines pour en tirer un vainqueur. Fatigue, stress et chaleur, la semaine complète au Mans pousse aussi les pilotes dans leurs retranchements, dont les organismes sont sollicités dès les essais. Thomas Laurent connaît l'exigence de cette épreuve, qui requiert des capacités surhumaines et, en particulier, une concentration maximale. À seulement 21 ans, le Vendéen a déjà marqué de son empreinte les 24 Heures . L'espoir du sport automobile tricolore, 2e en 2017 avec Jackie Chan DC Racing et 3e en 2018 avec Rebellion, convoite un troisième podium en trois participations avant de rejoindre Toyota en tant que pilote réserve.

ARCHIVE - Thomas Laurent, des 24 heures du Mans aux 6 heures de ShanghaiSource : JT 13h WE

Manger, dormir ou aller aux toilettes, ici on oublie facilement
Thomas LAURENT, pilote de Rebellion en LMP1

"C'est une aventure humaine et technique, donc forcément dévorante", raconte à LCI Thomas Laurent, rencontré début mai aux abords du circuit du Mans. "Le plus dur, c'est de gérer toute la semaine. Il faut avoir une partie du cerveau focalisée sur la course et l'autre sur les à-côtés. C'est bête mais, quand vous êtes pris dans le phénomène des 24 Heures, vous pouvez oublier de vous nourrir. Il faut trouver du temps pour manger, dormir ou encore aller aux toilettes. Ce sont des choses que vous ne zappez pas d'habitude mais, ici, on les oublie facilement." Lors de sa première année en LMP2, catégorie destinée aux équipes privées, le pilote français a écouté et retenu les conseils de ses équipiers Ho-Pin Tung et Oliver Jarvis. "Ils m'ont dit de prendre le maximum de repos pour être le plus frais possible", se souvient-il.

Pour tenir sur la durée, la préparation est tout aussi primordiale. Rien n'est laissé au hasard. Elle doit être optimale. "Ce n'est pas quelque chose de spécifique au Mans. Ce sont des exercices que je fais pendant la saison et je reproduis pour les 24 Heures", nous explique le pilote qui partagera le volant de la #3 avec Gustavo Menezes et Nathanaël Berthon. "J'alterne entre le cross-fit, un mélange de cardio et musculation, des sorties en vélo et des séances à la salle. Le cou, les bras, le dos et les abdos sont les parties du corps qui travaillent le plus dans la voiture. Même chose pour les cuisses et les mollets qu'il ne faut pas omettre parce qu'ils sont sollicités avec la grosse pression de frein qu'on met à chaque virage."

À l'instar des autres épreuves d'endurance, c'est la résistance qui est mise à rude épreuve. Mais ici, le défi est décuplé puisque, qu'avec l'avant et l'après-course, les 24 Heures durent pas loin de 48 heures. "Le samedi matin, on va se donner rendez-vous entre 8 et 9h au circuit avec un lever vers 7h. On est briefé sur la sécurité pour savoir ce qu'il faut faire en cas de problème. C'est la course la plus longue de la saison, il peut se passer plein de choses. Puis on se concentre sur l'avant-course avec toutes les modifications qui ont été faites sur la voiture. On définit qui va partir, qui va enchaîner... Cela dure une bonne heure", nous assure-t-il. "Ensuite, il faut manger assez tôt pour digérer avant le départ, ne pas oublier d'aller aux toilettes, prendre un peu de sucre pour rester alerte sur la piste. On a toujours un truc à faire."

Avec le bruit, c'est quasiment impossible de fermer l'œil
Thomas LAURENT, pilote de Rebellion en LMP1

Puis vient le temps de la course. Lancés à plus de 300 km/h sur le circuit - un tour dure un peu plus de 3 minutes - les pilotes, par équipage de trois, se relaient sur plus de 5000 km sur 24 heures. Les rotations au sein des équipes sont prédéfinies mais cela change forcément avec l'évolution de la course. Du coup, il faut anticiper. "Il y a toujours un membre de l'équipage qui reste assis, en combinaison mais pas casqué, dans les stands au cas où il se passe quelque chose sur la piste ou si le pilote se sent mal dans la voiture. Il doit être prêt à sauter dans la voiture", nous indique Thomas Laurent. "Lors du relais, celui qui sort de la voiture va soit manger, se faire masser ou répondre à la presse. C'est aussi le moment d'aller se reposer."

JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Et justement, au Mans, le sommeil est un luxe qu'il faut savoir s'imposer. "C'est compliqué de trouver du temps. Après notre relais, on n'a que deux heures devant nous. Le temps de sortir de la voiture, il faut faire un débriefing. Dans la foulée, on grignote quelque chose, on prend une douche et on se change. Cela prend une bonne demi-heure voire une heure. Il ne nous reste alors plus qu'une heure pour se reposer", nous confie le Vendéen. Mais au-delà de l'excitation et l'adrénaline de la course, difficile de trouver le sommeil avec le bruit. "C'est quasiment impossible de fermer l'œil. On est soit dans des bungalows derrière les ateliers ou un camping-car, à 200 ou 300 mètres du circuit. Il faut vraiment être fatigué pour dormir. C'est plus facile, en fin de nuit, avec la fatigue. On se met des boules Quiès et on tombe pendant une demi-heure, parfois une heure. C'est une grosse sieste mais ça requinque. La nuit, il faut dormir et juste faire confiance à ses coéquipiers. De toute façon, s'il arrive quelque chose, que vous dormiez ou non, c'est la même chose."


Yohan ROBLIN

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