France-Tonga : "Un mélange de colère et de honte", les anciens Bleus se remémorent la claque de 2011

Publié le 6 octobre 2019 à 8h23, mis à jour le 6 octobre 2019 à 9h43

Source : Sujet TF1 Info

FLASHBACK - Lors du Mondial 2011, le XV de France avait signé l'un des plus gros bides de son histoire récente en s'inclinant face aux Tonga (19-14). À l'heure des retrouvailles ce dimanche 6 octobre (9h45), les anciens Bleus Imanol Harinordoquy, Julien Pierre et Thierry Dusautoir racontent à LCI les coulisses de cette déconvenue historique.

C'est une défaite qui a laissé une tâche indélébile. Le 1er octobre 2011, les Tonga réalisaient un exploit inattendu, l'une des plus grosses surprises de l'histoire du rugby, en battant le XV de France (19-14) au Westpac Stadium de Wellington. Cette humiliation, les Bleus ne l'ont pas oubliée huit ans après. "Je l'ai vécu comme le plus gros bide de l'histoire du rugby français", confesse à LCI Imanol Harinordoquy, l'ancien troisième ligne de Biarritz et Toulouse (82 capes). "C'était une catastrophe collective et individuelle. On est passé complètement à côté. On était conscient qu'on allait droit dans le mur mais on pensait que cela passerait quand même", ajoute Julien Pierre, l'ancien deuxième ligne de Clermont et Pau (27 sélections).

Témoin privilégié de cette déliquescence tricolore, diffusée en mondovision, Thierry Dusautoir garde en mémoire l'apathie des Bleus, à l'heure où leurs héritiers vont retrouver "les Aigles de mer" ce dimanche (à 9h45, en direct sur TF1 et en live commenté sur LCI.fr). "On était la tête dans le sac, pris dans les impacts et bousculés en mêlée", se souvient l'ex-capitaine du XV du Coq (80 sélections, détenteur du record de capitanats avec 56 matches et vainqueur du VI Nations 2010) que LCI a rencontré lors de la présentation de la saison 3 de la web-série documentaire "Terrain favorable". "On a complètement déjoué dans tous les secteurs de jeu, dans lesquels on aurait dû performer", appuie Harinordoquy, pointant - au-delà des carences tricolores - les trop nombreuses fautes françaises (14 ballons perdus, 12 pénalités concédées). 

On n'avait ni le cœur ni l'envie
Julien PIERRE, ancien deuxième ligne du XV de France

Ce jour d'octobre 2011, la France a manqué de tout. Et surtout de l'essentiel. "On n'avait pas la base du rugby, ni le cœur ni l'envie. On n'était pas non plus dans le combat", constate Pierre, entré en jeu à la 66e minute pour remplacer Papé. "On peut dire ce que l'on veut mais les meilleures équipes du monde mettent ces ingrédients avant tout autre chose. Nous, on n'avait rien. Résultat des courses : on s'est fait bousculer, on a pris des pètes et on s'est fait mal." Sorti du banc français à la 50e minute (le score était de 13-9 pour les Tonga), Imanol Harinordoquy a pourtant "essayé de secouer le cocotier". "On sentait que cela ne se passait pas sur le terrain. Entre nous, les remplaçants, le discours était qu'il fallait qu'on amène à tout prix quelque chose. Vu la physionomie et l'écart de points au score, on savait qu'on n'allait pas gagner. L'objectif était de resserrer les rangs et redonner de la grinta à l'équipe. D'une certaine manière, on a limité la casse. Mais, après la rencontre, il y avait un mélange de honte et de colère."

De ce "non-match" a logiquement découlé une claque magistrale qui n'a cependant pas surpris le groupe France. "Le rugby est un sport où l'unité fait partie du jeu. Là, on n'y était pas du tout. On l'avait perdu de vue", avoue Dusautoir. "Le match contre les Tonga n'a a été que le point d'orgue d'une situation très compliquée", reconnaît Julien Pierre. "Sportivement, cela ne se passait pas bien parce qu'il n'y avait pas de liant et d'automatisme dans notre jeu. Sur les matches de poule, l'équipe ne faisait que tourner. On est arrivé face aux Tongiens avec une énième composition d'équipe", complète Harinordoquy. "Humainement, ce n'était guère mieux. Il y en a qui jouaient et d'autres pas du tout. On n'avait pas vraiment d'explications. Ce n'était pas très clair. C'est pour cela qu'on le sentait arriver. Et ce qui devait arriver, cette défaite, arriva."

Mais cette défaite humiliante aurait pu avoir une résonance encore plus forte. "On a perdu mais on était content de perdre sans prendre un autre essai", confie l'ancien numéro 8 des Bleus. "En fin de match, les Tongiens ont eu un nombre incalculable de pénalités et, plutôt que de taper en pénaltouche pour aller nous marquer un essai supplémentaire, ils les ont toutes tentées. On aurait pu aussi très bien finir la Coupe du monde là-dessus et rentrer à la maison. Cela aurait été catastrophique." Heureusement, les Bleus ont fermé la boutique et ont tenu le choc pour arracher "une défaite honteuse" mais salvatrice. 

Chacun était dans son coin à faire son Calimero
Imanol HARINORDOQUY, ancien troisième ligne du XV de France

Tous les Bleus que LCI a interrogés s'accordent à dire que ce revers historique a servi de "déclic". "Cela a été un électrochoc... qu'on a provoqué nous-mêmes", rebondit Imanol Harinordoquy. "Après le match, on s'est réuni dans la salle d'échauffement dans le vestiaire. On était qu'entre nous, on a fait sortir le staff." "On s'est dit : 'Qu'est-ce qu'on fout ? On est en train de passer pour des cons'", poursuit Julien Pierre. "On était vexés mais on avait cette chance d'être quand même qualifiés pour les quarts de finale. On pouvait donc sauver notre Coupe du monde en montrant un tout autre visage", ajoute Thierry Dusautoir. 

MARTY MELVILLE / AFP

Car, même avec deux revers en quatre matches, cela n'a pas empêché le XV de France de valider son billet pour la suite du tournoi. "On s'est mis en mode commando", nous explique Harinordoquy. "Tout le monde a mis son ego de côté et a bossé pour l'équipe. Un groupe s'est créé. On a commencé à aller boire des coups et à manger ensemble. Avant cette mise au point, c'était chacun dans son coin à faire son Calimero. On a vraiment vécu une fin de séjour extraordinaire." Portés par ce nouvel élan, et "sans pratiquer un beau rugby", les Bleus se sont hissés jusqu'à une inespérée finale perdue (8-7) face aux All Blacks.


Yohan ROBLIN

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