Open d’Australie : les fumées des incendies provoquent un premier abandon (et les premiers grincements de dents)

par Hamza HIZZIR
Publié le 14 janvier 2020 à 14h10

Source : JT 13h Semaine

TENNIS - Au moment où Melbourne est enveloppée d'un nuage de fumée toxique causé par les incendies en Australie, la joueuse slovène Dalila Jakupovic, dangereusement incommodée, a dû abandonner en plein match lors du premier tour des qualifications. Un incident qui pose question.

À la fin du deuxième set, Dalila Jakupovic s’est couchée. Non pas au sens métaphorique du terme, mais littéralement. La joueuse slovène, qui disputait là, face à la Suissesse Stefanie Voegele, un match comptant pour le premier tour des qualifications de l’Open d’Australie, s’est allongée à même le court tandis qu’elle s’apprêtait à servir. 

"Ça n’allait pas du tout. Je n’avais encore jamais ressenti ça. J’avais vraiment peur de m’effondrer, c’est pour ça que je me suis mise par terre. C’était plus facile de respirer au sol. Et je ne pouvais plus marcher", a expliqué la 201e joueuse mondiale lors de la conférence de presse consécutive, ajoutant : "Ce n'est pas sain pour nous. J'étais surprise, je pensais que nous n'allions pas jouer aujourd'hui, mais nous nous n'avons pas eu le choix."

Le lien avec les incendies qui embrasent l’Australie depuis plusieurs jours est évident. Melbourne, comme plusieurs grandes villes de l’île-continent, reste enveloppée d’un épais nuage de fumée, et toute activité physique y est fortement déconseillée par les autorités, lesquelles recommandent même aux habitants de pas sortir leurs animaux. Ce qui a fait ainsi s’interroger le Belge Steve Darcis, qui s’apprête à disputer en Australie son premier Grand Chelem après un an d’absence sur blessure : "On dit à tout le monde de rester à l’intérieur mais on maintient le calendrier (du tournoi) ? Bien joué ! J'espère qu'elle va bien..."

De son côté, Elina Svitolina, n°5 mondiale, a même brandi une infographie sur la qualité de l’air actuel dans le centre de Melbourne (qualifiée de "très mauvaise pour la santé", le dernier échelon avant "dangereuse") pour justifier son indignation, exprimée par cette question : "Pourquoi avons-nous besoin d’attendre que quelque chose de mal se passe pour réagir ?"

Certains l’ont déjà fait, à leur échelle, comme le n°1 mondial Rafael Nadal et d'autres stars internationales du tennis, qui ont renoncé à leurs sessions d'entraînements en plein air pour les effectuer à l'intérieur, alors qu’un match d'exhibition avec l'ex-n° 1 mondiale Maria Sharapova a été annulé en raison de la fumée. En parallèle, un jeune ramasseur de balle a perdu connaissance en marge d’un autre match de qualification...

Qu’en disent les organisateurs du tournoi ? Rien, depuis qu’ils ont assuré, la semaine dernière, avoir "mis en place des mesures supplémentaires afin de garantir que l'Open d'Australie puisse se dérouler comme prévu", à savoir le recours à "des experts en météo et en qualité de l'air qui analyseront tous les données disponibles et évalueront en temps réel la qualité de l'air au Melbourne Park". Concrètement, la présence d'une fumée toxique est censée être traitée de la même manière qu'une chaleur ou une pluie exceptionnelle, les arbitres pouvant interrompre le match si la surveillance atmosphérique fait apparaître qu'il est trop dangereux de continuer... Mais ce dispositif semble concerner seulement la phase finale, pas les qualifications.

Comment pouvez-vous autoriser des spectateurs à s'asseoir en tribunes ? Pour qu'ils achètent des produits dérivés ? On perd notre humanité.
Noah Rubin, 250e joueur mondial

Des qualifications qui, pour mémoire, impliquent des joueurs classés entre les 100e et 250e places des classement mondiaux, ayant payé de leur poche billets d’avions et chambres d’hôtel, et qui peuvent donc, pour la plupart, difficilement se permettre de renoncer à la manne que constitue une participation, même après une élimination au premier tour. Et même sur des courts ouverts aux quatre vents, tandis que ceux aux toits fermés restent réservés aux entraînements du gratin.

"L'Open d'Australie ne vaut pas la vie de quelqu'un. On a tendance à l'oublier parfois. On doit être certains que la santé des joueurs est la priorité. J'ai peur que ce ne soit pas toujours le cas. Je comprends la pression qu'ils (les organisateurs) subissent, mais c'est inexcusable. Auraient-ils pris la même décision s'il y avait zéro dollar en jeu ? La réponse est probablement non. Comment pouvez-vous autoriser des spectateurs à s'asseoir en tribunes ? Pour qu'ils achètent des produits dérivés ? On perd une partie de notre humanité", s’emporte, sur le site de L’Équipe, le jeune (23 ans) Américain Noah Rubin, 250e joueur mondial. 

Il ne croyait sans doute pas si bien dire : quelques heures auparavant, et quarante minutes précisément avant que Dalila Jakupovic ne s’effondre, les organisateurs de l’Open d’Australie publiaient un communiqué et ce tweet annonçant... une journée spéciale Harry Potter avec les acteurs du film durant le tournoi.


Hamza HIZZIR

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