Tour de France : "Si on ne pense pas comme eux, on est fous ou idiots", les coureurs répondent à l'élu écologiste de Paris

Propos recueillis par Yohan ROBLIN
Publié le 21 septembre 2020 à 15h33, mis à jour le 21 septembre 2020 à 18h16

Source : TF1 Info

COUP DE GUEULE - "Scandalisé" et "atterré" par les propos "dégueulasses" sur le Tour de France de Jacques Boutault, adjoint EELV du maire PS de Paris-Centre, Pascal Chanteur, le président du syndicat des coureurs français, lui répond. Il confirme à LCI que l'UNCP va apporter des "suites juridiques" à cette affaire.

Il l'a en travers de la gorge. "C'est dégueulasse", fulmine Pascal Chanteur. Le président de l'UNCP, l'organisation professionnelle des coureurs cyclistes français, n'a pas apprécié la sortie de Jacques Boutault. Après le maire EELV de Lyon Grégory Doucet, qui avait estimé que la Grande Boucle véhiculait une "image machiste du sport" et qu'il "n'était pas éco-responsable", l'adjoint écologiste à la mairie de Paris est allé encore plus loin samedi 19 septembre. L'élu EELV de Paris a dézingué dans une longue diatribe sur Cnews le Tour de France, son directeur Christian Prudhomme, sans oublier les coureurs.

"Il le dit Christian Prudhomme, il y a 35% de chômeurs, on va pas leur donner du boulot, on va leur faire regarder le Tour de France et leur filer des goodies", a-t-il rebondi sur la réponse du patron de la célèbre course cycliste, prise pour cible par les maires écolos. "Christian Prudhomme est là pour faire rêver les Français, il fait son job. Il leur file des gadgets inutiles, il leur vend un spectacle. N'empêche qu'on ne leur donne pas de boulot en attendant. Ils restent dans leur canapé à rêver à des exploits de types hyper dopés qui ne gagnent que parce qu'ils se font changer leur sang dans des cliniques , voire une autre forme de dopage qui n'est absolument pas détectée alors qu'il pourrait l'être facilement, c'est le dopage mécanique".

Des propos auxquels l'UNCP n'est pas resté insensible. "Les coureurs cyclistes professionnels ont pris connaissance des déclarations de l'élu EELV à la mairie de Paris venu de nulle part et qui pourtant s'exprime de façon calomnieuse", a tweeté dans la foulée le syndicat des coureurs français. Contacté par LCI, son président Pascal Chanteur répond aux accusations incendiaires du conseiller écologiste, évoquant "un manque de respect évident et une injure extrême" à la grande famille du vélo. 

Se comporter de la sorte, c'est juste indigne
Pascal Chanteur, président du syndicat des coureurs français (UNCP)

LCI : Comment avez-vous accueilli cette déclaration de l'adjoint à la mairie de Paris-Centre ?

Pascal Chanteur : Les coureurs cyclistes sont venus auprès de nous, les suiveurs aussi. J'ai également pu voir les réactions sur les réseaux sociaux. Je ne vous cache pas que, suite à ces propos injurieux, on a été scandalisés et atterrés. Qui plus est dans la mesure où ces propos viennent d'un membre d'un parti politique, en l'occurrence EELV, c'est d'autant plus grave. C'est quand même des gens qui sont là pour représenter la population. Se comporter de la sorte, c'est juste indigne. 

LCI : L'élu EELV n'a pas mâché ses mots. Il a visé le directeur du Tour de France Christian Prudhomme, "qui fait son job", selon lui, en "(filant) des gadgets inutiles" aux "35% de chômeurs"...

Pascal Chanteur : Christian Prudhomme a mis en avant l'honneur que peut avoir la population d'une ville recevant et accueillant le Tour. Aujourd'hui, par les temps difficiles que l'on peut vivre, que ce soit la situation économique et sanitaire, le passage de la course redonne un peu de joie de vivre et de baume au cœur à des personnes qui sont dans l'anxiété et la misère. Le fait d'avoir un événement mondial qui passe chez eux, ça leur montre qu'ils existent. Lorsqu'on a la chance de faire le Tour de France, on passe dans des coins magnifiques mais totalement méconnus. On se rend compte de la véritable France, vous voyez ? Nous, on est très heureux d'aller dans des grandes villes ou des petits villages. Il accuse Christian Prudhomme de choses totalement infondées. D'avoir pu dire qu'il voulait leur donner du jeu et du sang, car c'est ça qu'il a voulu mettre en exergue, pour oublier cette misère latente, c'est ne pas l'avoir compris.

Ils ont pris en otage le patrimoine national
Pascal Chanteur, président du syndicat des coureurs français (UNCP)

LCI : Il y a aussi des attaques contre les coureurs "hyper dopés", qu'il accuse de dopage mécanique, "avec des micromoteurs cachés" sur les vélos. Comment ont réagi ceux avec qui vous avez parlé ?

Pascal Chanteur : Ils sont abasourdis. De jeter cette corporation à l'opprobre, comme il l'a fait, c'est un manque de respect évident et une injure extrême. Les coureurs ont fait d'énormes sacrifices personnels et professionnels pour lutter contre le dopage. Ils ont mis en place, par le biais de leurs institutions, que ce soit l'Union cycliste internationale (UCI), l'Agence française antidopage (AFLD) ou l'Agence mondiale antidopage (AMA), des contrôles draconiens. C'est le matin, le soir, en vacances, au sein du tissu familial. Il n'est pas anodin de voir des coureurs être contrôlés le soir à 21h ou 22h. C'est une réalité du terrain. Cela ne leur pose pas de problème parce qu'ils savent qu'il faut en passer par là pour apporter de la légitimité aux résultats et de la crédibilité à leur métier. Même si ça leur coûte beaucoup personnellement. 

Des vélos du Tour de France testés avec une tablette magnétique pour détecter un éventuel dopage mécanique.
Des vélos du Tour de France testés avec une tablette magnétique pour détecter un éventuel dopage mécanique. - JEFF PACHOUD / AFP

Mais ça fait déjà quelques semaines que ce parti politique attaque le Tour de France. Un coup, on est des pollueurs et machistes. La fois d'après, on est des dopés et des tricheurs. Sur le Tour, chaque jour, il y a entre 50 et 70 contrôles sur les vélos avec la tablette magnétique, entre cinq et dix vélos contrôlés aux rayons X... Il peut même y avoir des démontages de vélos, au cas où il n'y aurait pas une totale visibilité. C'est pour vous dire que cette personne (Jacques Boutault) a parlé sans savoir. Il a sûrement fait quelques recherches sur internet et vu qu'il y avait un idiot, sans doute pas un professionnel, qui s'était fait attraper avec un moteur électrique, il s'est dit : "vu qu'ils font des contrôles, ils doivent tous avoir des moteurs". Sauf que ce n'est pas la réalité. Mais ce n'est pas anodin. Ces gens-là n'existent pas médiatiquement. Pour exister, ils ont pris en otage le patrimoine national. Le Tour de France en fait partie. Personne n'a le droit de faire ça, je dis bien personne ! D'ailleurs, beaucoup d'autres personnalités politiques ont pris la défense de notre sport après les propos qui ont pu être tenus par les gens de ce parti. 

Nous n'avons plus de barrières, financière ou autres, pour traquer ces illuminés
Pascal Chanteur, président du syndicat des coureurs français (UNCP)

LCI : Justement, est-ce que ces soutiens sont de nature à vous rassurer ?

Pascal Chanteur : Franchement, on n'a jamais douté. On n'a jamais douté de la crédibilité de l'action que ce sport a pu mener depuis des années. Des erreurs, tout le monde en fait. Nous, on en a fait, le cyclisme en fait. Il a su se mettre autour de la table et travailler pour ramener de la crédibilité aux yeux de notre public. Et il n'est pas insensible à cela. Je ne suis pas en train de vous dire que tout est parfait. Des tricheurs, il y en a dans toutes les tranches de la société. Et il y en a, bien sûr, dans notre sport. Sauf que, nous, on les cherche, on les traque et, un jour, ils tombent. J'aimerais que ça soit fait, de la même manière, dans toutes les corporations, ce qui n'est pas le cas. Dans la politique, il y aurait du ménage à faire. 

Sapin de Noël, Tour de France... les maires écolos s'attaquent à des symbolesSource : JT 20h WE

Ce qui a été dit, c'est dégueulasse. Il n'y a pas d'autres mots. À un moment donné, il faut faire preuve de mesure et de responsabilités, qui plus est ce monsieur (Jacques Boutault) qui en a. Ce genre de paroles, ça dessert les politiques. Ils pensent qu'en faisant le buzz, ils vont exister. Le problème, c'est que ces gens-là ont un mépris de classe, ils pensent que les Français sont des cons. Ils sont loin de l'être. Aujourd'hui, avec la technologie et les réseaux, ils sont beaucoup plus au fait de l'actualité que certains d'entre eux. Ils sont en partie déconnectés, ils ne se rendent plus compte de ce qu'il se passe dans la société. Ils sont tout simplement sectaires. Si on ne pense pas comme eux, on est des fous ou des idiots. Ce n'est pas le cas. 

LCI : Dans un tweet, l'UNCP parle des "suites juridiques" à cette affaire. Que comptez-vous engager ? 

Pascal Chanteur : Je vais être clair avec vous : nos membres nous ont demandé, très clairement, d'y apporter toutes les réponses qu'il se doit et de mettre les moyens qui devront être mis. C'est-à-dire que nous n'avons plus de barrières, financière ou autres, pour traquer ces illuminés. Ce personnage s'est montré insultant, méprisant et injurieux. Notre service juridique va donc faire le nécessaire. D'autres institutions du monde du sport vont peut-être nous suivre dans notre action. En tant que vice-président de la Fnass (la Fédération nationale des associations et des syndicats de sportifs, ndlr), je ne suis pas sûr que les footballeurs, les basketteurs, les rugbymen, les handballeurs, etc... soient d'accord avec les propos qui ont été tenus à notre encontre et qui pourraient très bien l'être pour eux dans pas longtemps. 


Propos recueillis par Yohan ROBLIN

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