ISOLEMENT FORCÉ – Depuis le début de l’épidémie de coronavirus, les personnes suspectées d’être infectées par le Covid-19 doivent être placées en quarantaine pendant deux semaines. Mais quel est l’impact psychologique d'un tel isolement ? Des chercheurs font le point dans une nouvelle étude.
C’est presque devenu une tradition depuis le début de l’épidémie de coronavirus : les individus revenant des zones à risque sont priés de rester confinés chez eux pendant toute la durée de la période d’incubation, soit 14 jours. Dans plusieurs pays, comme en Italie, ce sont même des villes entières qui sont placées à l'isolement. Cette mise en quarantaine a-t-elle des conséquences sur la santé ? Quel est son impact psychologique ? Des chercheurs anglais ont réalisé une étude sur le sujet.
"La quarantaine est souvent une expérience désagréable pour ceux qui la subissent", estiment dans un premier temps les scientifiques. "La séparation avec des êtres chers, la perte de la liberté, l’incertitude quant à l’état de la maladie ou l’ennui qu’ils peuvent ressentir peuvent également créer des effets dramatiques", expliquent-ils. Utilisée pour limiter la propagation plus large du Covid-19 au sein de la population, la quarantaine doit cependant être soigneusement analysée. "Ses avantages doivent être pesés par rapport aux éventuels coûts psychologiques", demandent les chercheurs.
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Dépression, mauvaise humeur et colère
Pour déterminer ces coûts psychologiques, les scientifiques se sont basés sur des études plus anciennes réalisées sur des patients forcés à la quarantaine lors d’autres épidémies, dont le Sras, Ebola, ou encore la grippe H1N1. Dans l’une d’entre elles, des membres du personnel hospitalier avaient été placés en quarantaine lors de l’épidémie de Sras. Les chercheurs ont alors comparé leurs résultats psychologiques avec ceux des soignants non mis à l’isolement. "Le personnel mis en quarantaine était beaucoup plus susceptible d’être épuisé, d’être victime d’insomnie, d’avoir une mauvaise concentration et de subir une détérioration du rendement au travail que les autres", analysent les chercheurs.
Globalement, toutes les études montrent que "les personnes ayant été mises en quarantaine ont signalé une prévalence élevée de symptômes de détresse et de troubles psychologiques", alertent les scientifiques dans l’étude publiée mercredi dans The Lancet. Les principaux symptômes sont la dépression, le stress, la mauvaise humeur, l’irritabilité, l’insomnie, la colère et l’épuisement émotionnel.
"Le confinement provoque l’ennui"
Mais comment expliquer cet impact psychologique ? Les chercheurs y voient plusieurs raisons. Tout d’abord, la durée de la quarantaine. "Une étude a montré que les individus mis en quarantaine pendant plus de 10 jours présentaient des symptômes de stress post-traumatique significativement plus élevés que ceux mis en quarantaine depuis moins de 10 jours." Dans le cadre du Covid-19, la durée de l’isolement est de deux semaines complètes, soit 14 jours.
D’autres facteurs de stress entrent en compte, tels que la peur d’être infecté ou de contaminer les autres, mais aussi la frustration. "Le confinement, la perte de la routine habituelle et la réduction des contacts sociaux provoquent souvent l’ennui", constatent les chercheurs. Enfin, les patients mis en quarantaine sont sujets au stress à cause du manque d’information qu’ils reçoivent. "Le manque de clarté sur les différents niveaux de risque a conduit les participants à craindre le pire" lors de précédentes épidémies, écrivent-ils dans leur rapport.
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Des personnes en quarantaines évitées à leur sortie
Une fois la période d’isolement terminée, les facteurs de stress sont encore multiples. Parmi eux, la perte financière liée à l’interruption des activités professionnelles. "Elle crée une grave détresse socio-économique et de l’anxiété", notent les experts. Dans le cadre du Covid-19, le ministre de la Santé Olivier Véran a rassuré les personnes placées en isolement en leur assurant qu’elles bénéficieraient "d’un arrêt de travail et d’indemnités journalières" pouvant aller jusqu’à 20 jours.
En sortant de quarantaine, les individus peuvent également être stigmatisés par le reste de la population, craignant qu’ils puissent les infecter. "Les participants de plusieurs études ont rapporté qu’ils étaient traités de manière différente : les personnes les évitent ou les soupçonnent" d’être contagieux.
Comment lutter contre ces effets néfastes ?
"Si la quarantaine est essentielle, nos résultats suggèrent que les autorités devraient prendre toutes les mesures pour garantir que cette expérience soit aussi tolérable que possible", estiment les universitaires. Selon eux, cela passe notamment par une meilleure information sur la situation, sur la raison pour laquelle ils sont confinés, sur la durée de l'isolement, mais aussi en leur donnant des activités à réaliser pour combattre l’ennui. Il faut également insister sur "le fait que la mise en quarantaine contribue à assurer la sécurité de la population, et que les autorités sanitaires leur en sont vraiment reconnaissantes", écrivent les chercheurs. "Cela ne peut que contribuer à réduire l’effet sur la santé mentale chez les personnes confinées."