De la perte des ongles de pied à l'amputation des orteils : la "fish pedicure" en eaux troubles

par Charlotte ANGLADE
Publié le 18 septembre 2018 à 17h12
De la perte des ongles de pied à l'amputation des orteils : la "fish pedicure" en eaux troubles
Source : Thinkstock

LA PETITE BÊTE QUI MANGE LA GROSSE - Se faire nettoyer les pieds par de petits poissons, beaucoup en raffolent. Pourtant, ces "fish pedicures" comportent des risques sanitaires. Une Américaine a ainsi récemment perdu six ongles d'orteil après avoir confié ses pieds aux Garra rufa.

Très répandus en Asie et au Moyen-Orient, les salons de "fish pedicure" ont fait leur apparition en France il y a environ dix ans. Se faire nettoyer les pieds par des poissons mangeurs de peaux mortes est alors le dernier soin à la mode. Mais si beaucoup repartent ravis, d'autres déchantent rapidement à la suite de mauvaises expériences. "Je suis passée après une dame, l'eau est restée la même, les poissons grimpaient sur mes chevilles, il paraît qu'ils n'avaient plus faim", témoigne ainsi une cliente sur un forum.

Dernière douche froide en date : selon la revue JAMA Dermatology, une jeune Américaine a perdu six de ses ongles de pieds quelques mois seulement après avoir livré ses pieds aux Garra rufa, les poissons utilisés pour les "fish pedicures". "Bien que le mécanisme exact soit inconnu, il est probable que le traumatisme provoqué par les morsures répétées des poissons entraîne l'arrêt de la production du plat de l'ongle", explique la docteure en dermatologie Shari R. Lipner dans son étude publiée le 3 juillet 2018. Le tabloïd britannique The Sun rapportait par ailleurs la semaine dernière l'histoire d'une Australienne de de 29 ans victime d'une grave infection à la suite d'une "fish pedicure" réalisée en Thaïlande. Elle a dû être amputée de quatre orteils.

Les "fish pedicures" déjà épinglées par l'Anses en 2013

En 2013, L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) mettait déjà en garde contre ce type d'établissements. L'hygiène n'y serait selon elle pas suffisante. Les données sur la qualité de l’eau contenue dans les bacs seraient ainsi rares et il n'existerait "aucune étude spécifique sur la présence et la survie de micro-organismes pathogènes dans les populations de Garra rufa commercialisées en France". "Pourtant, du fait de la présence des poissons dans les bacs de pédicure, il n’est pas possible d’y maintenir une eau désinfectante, ce qui complique grandement la maîtrise des risques microbiens", soulignait-elle.

Cette pratique qui vise à éliminer les peaux mortes des pieds attire d'autre part logiquement les personnes avec un épaississement de la peau, susceptible d’être d’origine mycosique. Ils augmentent ainsi le risque de contamination de l’eau et présentent dans le même temps une sensibilité accrue aux infections. L’Anses a donc conclu qu’il existait "un risque potentiel de transmission d’agents pathogènes (d’origine humaine ou animale) par le biais de l’eau ou des poissons". Les personnes diabétiques, immunodéprimées ou encore présentant des lésions cutanées aux pieds y seraient particulièrement sensibles. 

"Vous avez en fait plus de chances d'attraper des champignons à la plage ou à la piscine !"
Le gérant de Moment Fish Spa, à Marseille

Au téléphone, le gérant de Moment Fish Spa, à Marseille, nous assure que l'eau de ses bassins est tout à fait propre. "Je pourrais même la boire !", se targue-t-il. Si les poissons restent les mêmes d'une séance à l'autre, l'eau est renouvelée environ dix fois par heure. "Elle est pompée avant de passer par différents filtres qui capturent les déchets et est enfin traitée par un filtre UV qui grille toutes les bactéries", explique-t-il. Le patron dit d'autre part s'assurer que ses clients ne présentent pas de verrues ni de mycoses avant de les faire passer dans un pédiluve, et leur désinfecter les pieds avec du gel hydroalcoolique.  "Vous avez en fait plus de chances d'attraper des champignons à la plage ou à la piscine !"

Selon lui, deux indices peuvent indiquer la qualité d'hygiène d'un "fish spa". La limpidité de l'eau : "l'eau doit être transparente, on ne doit rien voir flotter". Le certificat de capacité d'éleveur en Garra rufa délivré par la Direction départementale des services vétérinaires (DDSV) et la liste des contre-indications à une "fish pedicure" doivent d'autre part être visibles par le client.


Charlotte ANGLADE

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