"Il est probable qu’il arrive en Europe" : faut-il avoir peur du virus chinois qui a fait deux morts ?

Publié le 18 janvier 2020 à 16h47, mis à jour le 21 janvier 2020 à 14h12

Source : TF1 Info

INTERVIEW – En Chine, une mystérieuse pneumonie inquiète : deux patients sont décédés à cause d’un coronavirus proche du Sras, et plusieurs dizaines de malades ont déjà été recensés. Jean-Claude Manuguerra, responsable de la cellule d’intervention biologique d’urgence à l’Institut Pasteur, répond à nos questions.

Est-on à l’aube d’une épidémie ou n’est-ce qu’un épiphénomène ? Sur le continent asiatique, plusieurs dizaines de personnes ont contracté un mystérieux coronavirus et ont dû être hospitalisées. Deux patients sont pour l'heure décédés et cinq sont encore dans un état grave. Des cas tous recensés à Wuhan, en Chine, où se trouve un marché spécialisé dans la vente de fruits de mer et de poissons, qui pourrait être à l’origine de ce virus. Deux Thaïlandais et un Japonais, qui s'étaient rendus dans cette ville, ont également été touchés et sont hospitalisés.

Le virus est proche du syndrome respiratoire aigu sévère (Sras), qui avait coûté la vie à des centaines de personnes en Chine et à Hong Kong, en 2002-2003. Faut-il s’inquiéter de son apparition ? Comment se transmet-il ? Peut-il arriver jusqu'en France ? LCI a posé ces questions à Jean-Claude Manuguerra, responsable de la cellule d’intervention biologique d’urgence à l’Institut Pasteur.

LCI : Que savons-nous de ce nouveau virus apparu en Chine ?

Jean-Claude Manuguerra : Il appartient à une grande famille de coronavirus que nous retrouvons chez de nombreuses espèces animales et chez l’homme. Mais pour l’instant, nous n'en savons pas grand-chose. Certains coranavirus ont des symptômes digestifs, d'autres respiratoires. Pour celui qui nous intéresse, dans les cas qui ont été décrits, les symptômes sont tous respiratoires.

Une quarantaine de cas a été recensée en Chine. Le virus peut-il se transmettre entre les humains ?

Pour l’instant, nous réfléchissons par analogie avec le virus le plus proche que nous connaissons : celui du Sras, pour lequel c'était le cas, avec une transmission se faisant essentiellement par voie aérienne lors d'une toux, par gouttelettes lors d'un éternuement, et éventuellement par manuportage, c’est-à-dire lorsque quelqu’un tousse ou éternue dans sa main et touche ensuite quelque chose. Mais il faut noter qu’avec le nouveau virus, il n’y a pas d’infection du personnel soignant. Cela signifie qu'il n’est pas très transmissible et contagieux pour l’instant.

Comment le virus a-t-il infecté les personnes touchées ?

C’est une bonne question à laquelle nous n’avons pas du tout la réponse. Ce que nous savons, c’est qu’il est pratiquement évident que le virus vient d’une source animale. Mais nous ne connaissons pas encore l’espèce qui hébergeait ce virus avant, ni l’éventuelle espèce intermédiaire qui pourrait avoir fait le contact entre l’homme et l’animal. 

La plupart des cas ont été recensés à Wuhan, ville qui abrite un marché de fruits de mer et de poissons. Ces espèces animales peuvent-elles en être à l'origine ?

Je ne crois pas du tout que la source soit une espèce de poissons. Cela m’étonnerait beaucoup. Le virus est beaucoup trop proche de ceux des mammifères. C’est probablement une autre source que le poisson.

Il n'y a pas d'inquiétude, mais ne nous laissons pas déborder
Jean-Claude Manuguerra

Faut-il s’inquiéter ?

Il faut toujours être très vigilant parce que nous ne savons jamais comment les choses vont évoluer. Aujourd’hui, la situation n’est pas dramatique ni exceptionnelle. En revanche, nous avons des exemples dans le passé où des virus, qui n’étaient pas très répandus ni contagieux, le sont devenus soudainement. C’est ce que nous avons vu pour le Sras en 2003, qui avait au final fait 800 morts. Il n’y a pas d’inquiétude, mais il ne faut pas que nous nous laissions déborder.

Le virus peut-il arriver en Europe ?

Evidemment ! Il est même probable qu’il arrive en Europe. De Chine à Paris, il n’y en a que pour 12 heures. En plus, à Wuhan, il y a de nombreuses relations avec la France et l’Europe. En son temps, le Sras a été repéré dans 30 pays différents. 

Si le virus arrive, la France serait-elle prête pour le prendre en charge ?

Partout dans le monde, les laboratoires se préparent à faire le diagnostic de ce nouveau virus si des cas arrivaient. La prise en charge des patients est déjà prévue par les autorités nationales dans de nombreux pays, dont la France.


Idèr NABILI

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