Insuffisance cardiaque : près de la moitié des patients pris en charge trop tard

par Charlotte ANGLADE
Publié le 4 septembre 2019 à 15h49

Source : Sujet JT LCI

PARCOURS - L'insuffisance cardiaque touche, en France, plus d'un million de personnes. Si elle présente des symptômes caractéristiques, la maladie est pourtant souvent prise en charge trop tardivement. Une vaste étude du groupe Insuffisance cardiaque et cardiomyopathies (GICC) a enquêté sur le parcours de soins des patients, vu par ces derniers eux-mêmes, afin de mieux comprendre ce qui pouvait être amélioré.

Chaque année, plus de 160.000 personnes sont hospitalisées pour une insuffisance cardiaque. Environ 70.000 en décèdent. Face à cette réalité, le groupe Insuffisance cardiaque et cardiomyopathies (GICC) de la Société française de cardiologie (SFC) a lancé, l'année dernière, une campagne d'information à destination du grand public, des patients et des soignants. Malgré cela, de nombreux progrès restent encore à faire.

En témoigne une étude épidémiologique inédite du GICC pourtant sur le parcours de soins des patients vu par les patients eux-mêmes. Menée en 2018, elle se base sur des questionnaires remplis par 793 participants, qui avaient tous été hospitalisés pour insuffisance cardiaque dans l’année précédente. Ceux-ci étaient en moyenne âgés de 73 ans. Il en ressort une sensibilisation encore trop faible, conduisant à un nombre important d'hospitalisations tardives et en urgence.

Des symptômes caractéristiques de l'insuffisance cardiaque pas diagnostiqués à temps

Pour près de la moitié des patients (47%), l'hospitalisation est intervenue plus de deux semaines après l'apparition des premiers symptômes. Un tiers d'entre eux (39%) a même attendu plus de deux mois avant de se rendre à l'hôpital. Pourtant, près de 40% disent avoir consulté leur médecin dans le mois précédant leur hospitalisation.

Si, pour l'instant, l'explication de ce phénomène n'est pas encore claire, le cardiologue à l'hôpital Henri Mondor (Créteil) et président du GICC Thibaud Damy a estimé lors d'une conférence de presse organisée ce mercredi que plusieurs facteurs peuvent le justifier : "Les médecins généralistes ne sont souvent pas assez informés des filières de soin existantes pour l'insuffisance cardiaque. Résultat, de nombreux patients sont mal orientés et finissent aux urgences." D'après l'étude du GICC, 41,6% des insuffisants cardiaques sont ainsi arrivés à l'hôpital par le biais du SAMU, et la majorité des malades (48%) a été prise en charge aux urgences. "Pour cette maladie qui ne fait pas partie des plus fréquentes rencontrées par le généraliste, le risque d'errance diagnostique est important, notamment chez les patients encore jeunes, a poursuivi le  spécialiste. Dans le cas d'un essoufflement, le médecin peut d'abord penser à de l'asthme et prescrire un traitement inadapté." Florence Beauvais, secrétaire du GICC, évoque d'autre part la problématique du manque de cardiologues, qui pousse également bien souvent les patients vers des consultations en milieu hospitalier.

Dans le cas de 65% des patients, l'hospitalisation faisait d'ailleurs suite à l'apparition d'un essoufflement lors d'efforts modérés. Chez 28% des malades, il s'agissait d’œdèmes au niveau des membres inférieurs et pour 15%, de douleurs thoraciques. 13% étaient d'autre part victimes de fatigue et de tachycardie, et 10% de prise de poids. Soit tous les symptômes les plus courants de l'insuffisance cardiaque. 

Pour le GICC, il est donc urgent d'améliorer les connaissances du grand public, des patients eux-même, ainsi que des médecins. "Si aucune mesure n’est prise, ces hospitalisations fréquentes et récurrentes ne feront que croître à l’avenir avec des répercussions importantes en termes de coûts de santé publique et de fonctionnement du système de santé". Le groupe estime "impératif" d'agir "en amont de ces hospitalisations".

Près de la moitié des patients ignorent encore être atteints d'insuffisance cardiaque après leur hospitalisation

Alors que la récidive constitue un risque important pour ces patients, peu d'entre eux, à la sortie de leur hospitalisation, semblent clairement au fait de leur maladie. Seuls 64% affirment ainsi être atteint d'insuffisance cardiaque, tandis que 46% ne savent pas qu'il s'agit de la cause de leur séjour à l’hôpital. Un tiers d'entre eux déclare ainsi souffrir d'une autre maladie que l'insuffisance cardiaque (23.2% d’insuffisance respiratoire, 2.7% d'insuffisance veineuse). 7% disent d'autre part ignorer la maladie dont ils souffrent.

Dans le cadre de la prise en charge de l'insuffisance cardiaque et dans le but de ralentir sa progression tout en améliorant la qualité de vie des patients, ces derniers sont invités à suivre quatre règles de vie : avoir une activité physique régulière, se peser régulièrement et consulter rapidement son médecin en cas de prise de poids rapide, observer son traitement et ne pas trop saler son alimentation pour éviter la rétention d’eau et de sel. Pourtant, 36% des patients disent, après leur hospitalisation, ne pas avoir reçu de recommandations concernant la nécessité d’un régime alimentaire contrôlé en sel. Le pourcentage grimpe à 44% concernant l'importance de la bonne observance du traitement, à 52% sur celle de la pratique d'une activité physique et à 56,5% sur la surveillance rapprochée du poids.

Pour le cardiologue Thibaud Damy, ce manque d'information des patients s'explique avant tout par le manque de temps des médecins, qui ne peuvent consacrer aux malades que quelques minutes. "C'est pour cette raison que le GICC a initié un transfert de compétences des médecins aux infirmiers, qui sont formés pour pouvoir assurer aux patients des consultations régulières, optimiser les traitements, ainsi que les éduquer aux règles de vie à appliquer pour préserver leur santé", indique-t-il. La généralisation de cette démarche tient désormais entre les mains de la Haute Autorité de Santé, qui doit rendre son avis d'ici quelques semaines.

Plus d'un million de Français atteints d'insuffisance cardiaque

En France, plus d'un million de personnes souffrent d'insuffisance cardiaque. Seule une sur deux serait pourtant diagnostiquée. La maladie se caractérise par une faiblesse de la pompe cardiaque. Elle n'est alors plus capable d'assurer un débit sanguin suffisant pour satisfaire les besoins de l'organisme. Elle peut aussi bien toucher les enfants que les adultes, même si elle survient dans la majorité des cas chez les personnes âgées.

Sur son site internet, la Fédération française de cardiologie rappelle que le premier symptôme qui intervient généralement est l'essoufflement. "D'abord une difficulté à respirer [...] ressentie comme un simple inconfort respiratoire, puis un véritable essoufflement à l'effort, qui peut s'aggraver en se manifestant même au repos." Vient ensuite la fatigue, "ressentie même pour un petit effort." "Le gonflement de certaines parties du corps (foie, veines du cou, jambes), gorgées d'œdèmes, est le troisième signe alarmant. Enfin, une prise de poids importante et rapide de l'ordre d'un kilo par jour est un signe particulièrement alarmant, qui traduit une poussée d'insuffisance cardiaque", complète la Fédération. Dans le cas de la survenue de ces symptômes, n'hésitez pas à contacter votre médecin traitant ou votre cardiologue, voire, en cas de manifestation aiguë, à appeler le Samu (15).


Charlotte ANGLADE

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