L'OMS alerte sur l'usage de e-cigarettes : ce que les études disent de leur impact sur la santé

par Charlotte ANGLADE
Publié le 29 juillet 2019 à 11h06, mis à jour le 7 août 2019 à 15h23

Source : La matinale

ZOOM - Le rapport de l'OMS est clair : la cigarette électronique est "incontestablement nocive" pour la santé. LCI fait le point sur les différentes études déjà publiées à ce jour sur ces appareils, pourtant considérés par le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) comme pouvant être utile "pour arrêter ou réduire la consommation de tabac des fumeurs".

Depuis la popularisation des cigarettes électroniques, nombreux sont les fumeurs à s’être tournés vers ces appareils à vapeur dans le but de diminuer, voire d’arrêter leur consommation de tabac. Ce vendredi 26 juillet pourtant, un rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) fait grand bruit en alertant une nouvelle fois sur l'usage nocif de la cigarette électronique. Selon elle, elle serait "incontestablement nocive". Cela fait en réalité des mois que l’institution met en garde sur les effets nuisibles de ces dispositifs, sans pour autant pouvoir expliquer précisément pour quelles raisons et à quel degré. Car pour l'heure, ses conséquences sur la santé sont encore à l'étude et les conclusions difficiles à tirer en raison du manque de recul. L'e-cigarette est en effet apparue sur le marché il y a moins de dix ans.

"Dans la plupart des pays où elle sont disponibles, les utilisateurs (d'e-cigarettes) continuent en général de fumer des cigarettes combustibles en même temps, ce qui présente très peu, voire aucun impact positif" sur la réduction des risques sanitaires, affirme l'OMS dans son rapport. Le 30 janvier pourtant, une étude publiée par une équipe de chercheurs britanniques dans le New England Journal of Medicine, affirmait que celles-ci étaient presque deux fois plus efficaces que les produits de substitution contenant de la nicotine, comme les patches ou les chewing-gums, pour le sevrage tabagique. 886 fumeurs avaient participé à leurs recherches. En décembre dernier, l'APHP a également lancé une enquête nationale sur l'efficacité des e-cigarettes dans le sevrage tabagique. Les conclusions ne seront connues que dans quatre ans. Toujours est-il que, selon les études déjà réalisées sur les effets sur la santé de ces dispositifs et compilées par nos soins, peu semblent favorables à la cigarette électronique.

Des risques de crises cardiaques, de maladies artérielles et de dépression

D'après une étude  présentée le 18 mars à une réunion du Collège américain de cardiologie, les vapoteurs sont bien plus nombreux que les non-vapoteurs à souffrir de maladies cardiaques et de dépression.

En exploitant  les questionnaires de près de 100.000 personnes auprès des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) en 2014, 2016 et 2017, les chercheurs se sont aperçus que le taux de crises cardiaques était supérieur de 34% chez les utilisateurs de cigarettes électroniques, comparé à ceux qui n'en utilisaient pas. Ces personnes seraient aussi 25% de plus à souffrir de maladies artérielles et 55% de plus de dépression et d'anxiété. Les chercheurs n'ont cependant pas clairement établi de lien de cause à effet entre les maladies cardiovasculaires et le vapotage.

Les cigarettes électroniques ne sont pas inoffensives pour la santé cardiovasculaire
Aruni Bhatnagar, co-directeur de l'American Heart Association Tobacco Regulation and Addiction Center

N'en reste pas moins qu'en juillet dernier, l'American Heart Association alertait déjà, en citant une autre étude, sur les risques cardiovasculaires que fait encourir l'usage de la cigarette électronique. En étudiant la production d'oxyde nitrique, des molécules qui aident à protéger les vaisseaux sanguins et à contrôler la pression sanguine, ils se sont aperçu que celles-ci étaient moins nombreuses chez les fumeurs, tout comme chez les vapoteurs, comparé aux non-fumeurs. 

"L'industrie du tabac insiste pour dire que les e-cigarettes sont plus sûres, mais cette étude démontre et soutient l'idée que les cigarettes électroniques ne sont pas inoffensives pour la santé cardiovasculaire, assure Aruni Bhatnagar, le co-directeur de l'American Heart Association Tobacco Regulation and Addiction Center. Des effets significatifs sur les vaisseaux sanguins pourraient être associés à une utilisation sur le long terme de la e-cigarette." Nouveau bémol cependant, cette étude n'a été menée que sur trente-six personnes.

Des vapeurs responsables de certains cancers?

En janvier 2018, une autre étude, réalisée cette fois à l'université de New York, affirmait après des essais effectués sur des souris et des cellules humaines en laboratoire que le vapotage pouvait non seulement accroître le risque de maladies cardiaques, mais aussi de certains cancers. Les rongeurs avaient été exposés pendant douze semaines à la vapeur de nicotine, soit l'équivalent de dix ans de vapotage pour les humains. Au bout des trois mois, les chercheurs avaient constaté des dommages dans l’ADN des cellules des poumons, de la vessie et du cœur des souris, ainsi qu’une baisse du niveau de protéines réparatrices des cellules dans ces organes, comparé aux souris de référence qui avaient respiré de l’air filtré pendant la même période. Des effets similaires ont été constatés sur des cellules humaines de poumon et de vessie.

L'année précédente, une étude de scientifiques de l’University College London (Royaume-Uni) avait au contraire conclu que l’e-cigarette aidait les fumeurs à diminuer les concentrations de certains produits chimiques cancérogènes présents dans leur corps. Pour ces recherches, 181 participants avaient dû fournir des échantillons d’urine et de salive.

Des infections fongiques favorisées

Moins grave, mais tout de même peu ragoûtant, une étude rapportée le 31 janvier par Radio Canada, rapportait que l'inhalation de la vapeur produite par une cigarette électronique favoriserait la prolifération d'un champignon, le Candida albicans. Il est responsable d'infections de la bouche, comme le muguet buccal.

En plaçant des champignons ou des levures causant le muguet (présent naturellement dans la bouche de près de 60 % de la population) dans un dispositif simulant les conditions buccales d'une personne s'adonnant à deux séances de 15 minutes de vapotage quotidiennes, une équipe de scientifiques de la Faculté de médecine dentaire de l’Université Laval, au Québec, ont en effet mesuré un taux de croissance des levures deux fois plus élevé que celui des levures non exposées. Même en ne contenant pas de nicotine, la vapeur aurait causé une augmentation de 50 % du taux de croissance. Une réaction qui pourrait être due, selon l'auteur de l'étude interviewé par Radio Canada, aux sucres contenus dans les e-liquides.

Beaucoup d'études mais des conclusions difficiles à tirer

Depuis l'apparition de la cigarette électronique, les études se multiplient à son sujet, avec des résultats plus ou moins favorables. Difficile, donc, de faire la part des choses. C'est pour cette raison que les Académies américaines des sciences et de médecine se sont emparées de la problématique et ont publié en janvier 2018 un rapport après l'analyse de 800 études scientifiques consacrées à la e-cigarette. En pesant le pour et le contre, elles ont conclu que "la cigarette électronique ne peut pas simplement être jugée bénéfique ou nocive". Néanmoins, "dans certaines circonstances, les effets néfastes des cigarettes électroniques sur la santé des adolescents et des jeunes adultes ne fumant pas de tabac justifient sans aucun doute des inquiétudes", précisait David Eaton, le directeur de cette recherche, en évoquant notamment des cas d’aggravation de l’asthme et d’apparition d’une toux ou d’une respiration sifflante.

Le rapport des Académies américaines des sciences et de médecine pointait aussi le manque de recul sur le sujet et le fait que la grand majorité des études puisse être biaisée par l'ingérence des lobbies du tabac et du e-tabac.

L’utilité de la e-cigarette reconnue en France

En France, et alors que près de 2 millions de personnes utiliseraient quotidiennement la cigarette électronique, elle est considérée depuis l'avis de 2016 du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) comme pouvant être utile pour "pour arrêter ou réduire la consommation de tabac des fumeurs". Elle peut même être considérée comme un médicament s'il existe une revendication de l’aide au sevrage tabagique ou que la teneur en nicotine du liquide est supérieure au seuil fixé pour les produits de vapotage (20 mg/ml). Sur son site, Tabac info service, affirme que la e-cigarette "réduit voire supprime les risques de maladies graves comme le cancer." "Elle est donc beaucoup moins nocive que la cigarette classique, même si d’autres risques seront peut-être identifiés dans les années à venir."


Charlotte ANGLADE

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