Affaire Weinstein : "Beaucoup de gens avaient des raisons de ne pas parler"

INTERVIEW - Alors que le scandale sexuel autour du producteur Harvey Weinstein n'en finit plus d'ébranler Hollywood, et que les témoignages édifiants de ses victimes pour l'instant présumées se multiplient, l'AFP a interrogé une spécialiste du cinéma américain et de ces pratiques. Édifiant.
Aujourd'hui consultant, le journaliste Alex Ben Block a fait partie de la rédaction en chef du magazine spécialisé "The Hollywood Reporter" durant plus de dix ans. Pour lui, "beaucoup de gens avaient des raisons de ne pas parler" de ce qu'ils savaient sur le producteur Harvey Weinstein.
Comment expliquez-vous que les accusations d'harcèlement et d'agressions sexuelles visant Harvey Weinstein aient mis si longtemps à faire surface ?
Bien que j'ai couvert de très près l'industrie (du cinéma américain) durant de nombreuses années, je ne les avais pas entendues. (...) Ce n'est pas sorti plus vite parce que la plupart des femmes qu'il approchait pensaient que cela pouvait faire du tort à leur carrière si elles les rendaient publiques. Le show-business, quel que soit votre statut, c'est un boulot après l'autre. Et décrocher des boulots ne tient jamais seulement à votre talent, cela dépend aussi de qui vous connaissez et de qui vous fait confiance.
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Très peu de gens cherchaient à causer du tort à Harvey Weinstein parce qu'il était un acheteur, un recruteur. Donc ils ne voulaient pas lui déplaire. Jusqu'à ce que cette cascade d'informations négatives arrive à un point de sa carrière où il n'a plus autant de pouvoir qu'avant, plus autant de succès qu'avant. Beaucoup de gens avaient des raisons de ne pas en parler et ceux qui avaient une raison de le faire avaient peur. Donc cela a pris du temps avant que les chemins ne se croisent.
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Au-delà du cas d'Harvey Weinstein, Hollywood est-il en train d'évoluer ?
Les temps ont changé. Je ne sais pas si les gens ont changé ou non. Il y a des gens très bien à Hollywood, mais il y a aussi des salopards, des gens pourris jusqu'à la moelle, qui réussissent dans ce milieu parce que c'est un monde de tueurs. Est-ce qu'il y a plus de l'un ou de l'autre ? Je ne sais pas, mais tout le monde sait aujourd'hui que, quoi que vous fassiez, cela peut être vu et entendu par beaucoup plus de gens. Ces gens sont très intelligents, sophistiqués, ils ont une sensibilité, ils sont très à l'aise avec les médias. Ils comprennent que cela a changé et qu'il faut s'adapter.
Y a-t-il donc moins de choses cachées aujourd'hui à Hollywood ?
Depuis les années 80, c'est devenu comme la CIA, en ce sens qu'il y a beaucoup de secrets, beaucoup de stratégie liée à la manière de protéger ces secrets. Et des couches et des couches de représentants et d'agents, de managers, d'avocats, qui obéissent tous à la règle selon laquelle il ne faut rien dire qui pourrait causer du tort à leur client. Il y a toujours eu un peu ça, mais aujourd'hui, c'est très, très fort.
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