Bleeder : découvrez le film qui annonçait "Drive" avec Ryan Gosling

Publié le 25 octobre 2016 à 16h17, mis à jour le 25 octobre 2016 à 16h23
Bleeder : découvrez le film qui annonçait "Drive" avec Ryan Gosling

RESSORTIE. "Bleeder", deuxième long métrage de Nicolas Winding Refn, réalisé en 1999 et inédit en France, sort en salles mercredi. Le réalisateur de "Drive" y filmait un jeune Mads Mikkelsen et confessait un amour immodéré pour le septième art. A découvrir absolument.

Bleeder (1999) est le second long métrage du réalisateur danois Nicolas Winding Refn à qui l'on doit notamment Drive avec Ryan Gosling et The Neon Demon avec Elle Fanning. C’est aussi le seul du réalisateur à ne pas être sorti au cinéma dans l’Hexagone. À sa sortie au Danemark, en août 1999, cette histoire d'un homme qui devient violent lorsqu'il apprend que sa compagne est enceinte, connaît un succès public nourri, accédant même au rang de film culte auprès de la jeunesse du pays. Présenté un mois plus tard à la Mostra de Venise, Bleeder n'est en revanche jamais distribué à l'étranger en raison de la faillite de sa société de production. Il sort aujourd'hui du placard après le rachat des droits par Nicolas Winding Refn.

Chronique sous influence de Tarantino et de Wong Kar-Wai

Trois ans auparavant, NWR triomphait avec Pusher (1996), polar culte qui deviendra des années plus tard une trilogie et qui transposait les conventions du thriller US (petites magouilles, contrariétés sentimentales, spirale du vice, trahison amicale, conflits claniques) dans le cadre inédit des bas-fonds de Copenhague. L'ambition du cinéaste alors : faire des films américains au Danemark, histoire de se distinguer de la caricature du cinéma danois de festival (Lars Von Trier et toutes les productions Zentropa). 

Pour ce faire, NWR fait appel à ceux avec lesquels il avait travaillé sur Pusher pour ce Bleeder, dans un esprit proche du Danny Boyle des années 90 (Trainspotting, Petits meurtres entre amis...). En substance, il décrit le Danemark de la fin des années 1990, gangréné progressivement par la violence et le racisme, à travers une mosaïque de cinq losers. Ainsi, à la manière de Chungking Express de Wong Kar-Wai (immense influence d’alors), il croise deux trajectoires : celle de Léo (Kim Bodnia, star montante du cinéma danois dans les années 90) qui, effrayé par la responsabilité de sa nouvelle vie, sombre dans une spirale de violence. Au même moment, son ami Lenny (Mads Mikkelsen), cinéphile introverti travaillant dans un vidéoclub, tombe fou amoureux d'une jeune vendeuse (Liv Corfixen, femme de Nicolas Winding Refn) et ne sait comment le lui dire. 

Bleeder, c'est donc un film de bande avec des personnages cinéphiles qui regardent les films en groupe, tels des vampires sous hypnose. Qui les dissèquent. Qui les fantasment aussi. Une chronique de la jeunesse désabusée de Copenhague inspirée de l’esprit vidéoclub du cinéma indépendant américain (Tarantino évidemment, mais aussi Kevin Smith) comme du Last Exit To Brooklyn de Hubert Selby Jr. C’est en faisant ce film que Nicolas Winding Refn a le plus appris, notamment cette idée que la réalisation ne doit pas s'appréhender comme l'application de préceptes cinématographiques assimilés au travers des films des autres. La cinéphilie, c’est bien. Mais l’affirmation de soi à l’abri des modes et des tendances, c’est mieux. 

Sans "Bleeder", pas de "Drive"

Tourné caméra à l'épaule, ce thriller sentimental à la plastique heurtée avec Mads Mikkelsen, qui sort en version restaurée, contraste avec les propositions esthétiques pop qui infusent depuis la filmographie de NWR. Mais il est hallucinant de voir à quel point Bleeder, avec son apparente modestie de film mineur, annonce Drive et par extension tous les films que le cinéaste a réalisé par la suite (Bronson, Le Guerrier Silencieux etc.). 

Tout est autobiographique dans Bleeder, à la fois ultra-violent et ultra-romantique, basé sur les obsessions comme les peurs de NWR : à travers des avatars, le cinéaste traduit aussi bien l'aliénation moderne que l’addiction aux images. Redécouvrir son film 17 ans après sa réalisation donne à mesurer l’évolution cohérente et exceptionnelle du réalisateur de Drive et de The Neon Demon tout comme cela invite à questionner ce qui reste du cinéma indépendant et à constater à quel point les films de genre, naguère considérés comme du sous-genre, sont devenus aujourd'hui les sauveurs. 


Romain LE VERN

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