David Fincher : "Gone Girl va peut-être entraîner des tas de divorces !"

Publié le 7 octobre 2014 à 16h05
David Fincher : "Gone Girl va peut-être entraîner des tas de divorces !"

INTERVIEW – C'est l'un des cinéastes les plus brillants de sa génération. Un as de la manipulation qui signe avec "Gone Girl" l'un des sommets d'une filmographie parfaite. Son goût du détail, sa passion des acteurs et son admiration pour la romancière Gillian Flynn. David Fincher dit tout (ou presque) à metronews.

Votre film est très fidèle au livre de Gillian Flynn, qui lui-même était très cinématographique dans son écriture. Avez-vous tout de suite été emballé à l'idée de l'adapter ?
Pas tout de suite, car je me demandais ce que Gillian Flynn allait couper sur les 400 pages de son livre. Et c'est un énorme boulot ! Que doit-on absolument montrer à l'écran ? Que faut-il supprimer ? Dès la première version, elle m'a impressionné car elle était consciente de ce qui pouvait faire d'un livre addictif un film addictif. Beaucoup de gens négligent combien la question du point de vue est essentielle dans un film. Dans Gone Girl, il y a Amy qui parle au passé, et Nick qui vit sa disparition au présent, en temps réel. L'équilibre était périlleux, mais elle l'a très bien respecté. Mais c'est normal, elle est "super" intelligente (sourires).

Ce n'est pas la première fois que vous réalisez un thriller...
(Il coupe). Je ne vois pas Gone Girl comme un thriller. Pour moi c'est un film qui existe à trois niveaux. Ça commence par un mystère, la disparition de cette femme, ensuite ça vire à l'absurde et enfin ça devient une satire du mariage. C'est ça qui m'intéressait : comment naviguer à travers ces trois univers, ces trois tonalités. J'espère qu'à l'arrivée, les gens seront accrochés... et qu'ils seront surpris. Ce qui est très dur de nos jours. Ça fait 100 ans que le cinéma existe et on a souvent l'impression d'avoir tout vu.

"Le plaisir vient au montage, lorsqu'on assemble les pièces du puzzle"

Est-ce un film qui d'après vous va générer des discussions au sein des couples ?
C'est ce que j'espère. Ou alors entraîner des tas de divorces ! (sourires)

Le film comme le livre joue beaucoup avec les attentes du public. Est-ce quelque chose qui vous plait, qui vous amuse sur le tournage ?
Le plaisir, on le prend au moment du montage, lorsqu'on assemble les pièces du puzzle. Le tournage, en revanche, c'est beaucoup de travail, parfois fastidieux. Lorsqu'un téléphone vibre, ça peut m'arriver de filmer quarante fois le moment où le personnage répond. Tout dépend du sous-texte. Est-ce que la personne répond de façon naturelle ? Ou bien fait-elle semblant d'être naturelle ?

Diriez-vous que c'est typique de votre style de mise en scène ? Que vous faites davantage attention aux petits détails que la plupart des réalisateurs ?
Pour moi tout revient à ce qu'on a envie de communiquer au spectateur. Et où on veut l'emmener. Disons que lorsque je vois un acteur qui a l'air de jouer comme au cinéma, ça me dérange. Toutes ces choses comme l'exemple du téléphone, ça se travaille, ça se raffine, surtout dans un film comme Gone Girl où 50% du temps, les gens ne disent pas ce qu'ils pensent vraiment.

"Mon job ? Presser les acteurs comme des citrons jusqu'à la dernière goutte"

Est-ce qu'il y a de la place pour la surprise sur le tournage d'un film comme celui-là ?
C'est tout mon boulot : mettre en place un système dispositif qui permet de capturer le meilleur des acteurs ; les presser comme des citrons jusqu'à la dernière goutte sans en perdre aucune. Faire en sorte qu'ils soient tous sur la même longueur d'ondes pour qu'ils bossent à mort et explorent la moindre nuance de chaque scène. On oublie souvent un truc : le public compte pour 50% dans l'expérience cinématographique. Les images c'est 25% ; la musique 25%... Mais le public c'est la moitié. Et pour ça, il faut qu'il ait envie de nous suivre. Qu'on parvienne à stimuler son imagination.

Rosamund Pike dit que vous l'avez choisi parce que vous ressentiez un potentiel chez elle...
Ne croyez pas tout ce qu'elle dit ! (rires). C'est la première actrice que j'ai rencontrée pour le rôle d'Amy. Je l'avais vu dans quatre ou cinq films, et ce qui me fascinait c'est que je n'arrivais pas à saisir qui elle était vraiment. Je vois sans cesse les acteurs me faire leur numéro, utiliser les mêmes ficelles, les mêmes mimiques. Si les trucs d'un acteur sont invisibles, ça me plait. Et c'était le cas avec Rosamund.

Ben Affleck, ce n'est pas un choix anodin. Il est au top en ce moment, il dégage un fort capital sympathie. Vous l'avez aussi choisi pour ça, non ?
Je ne veux pas trop en dire, encore une fois pour ne pas gâcher le plaisir du spectateur. Mais je vais vous révéler un truc à propos de Ben Affleck : c'est un mec génial, un mec très intelligent, et ce filme parle d'un type dont la vie privée est jetée en pâture aux médias du jour au lendemain. Et Ben m'a dit : 'je peux m'identifier à ce mec'. J'ai tout compris (sourires).

L'alchimie entre Ben et Rosamund est flagrante. Êtiez-vous sûr du résultat ? Ont-ils beaucoup répété ? Avec vous ?
Ils n'ont pas vraiment répété, non. Vous savez, des gens comme Ben et Rosamund sont très fourbes (sourires). Ils sont meilleurs que n'importe qui lorsqu'il s'agit de faire croire quelque chose. Pour répondre clairement à votre question : je n'avais aucun doute sur leur alchimie potentielle. J'avais juste à m'assurer qu'ils puissent donner le meilleur d'eux-mêmes au bon moment. Ce qui ne veut pas dire que nous n'avons pas discuté en amont, parfois de façon très précise. Je me rappelle que pour The Girl with the Dragon Tattoo, j'ai expliqué à Rooney Mara la scène du viol de Lisbeth dans les moindres détails, des semaines à l'avance. Je ne suis pas du genre à surprendre les acteurs au dernier moment. Je ne vois pas l'intérêt, franchement.


La rédaction de TF1info

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