Ni chef d'oeuvre, ni nanar, cet "Alien : Covenant" ne fait pas injure à la saga

Publié le 10 mai 2017 à 9h41, mis à jour le 10 mai 2017 à 10h38
Ni chef d'oeuvre, ni nanar, cet "Alien : Covenant" ne fait pas injure à la saga

ON AIME – Cinq ans après le décevant "Prometheus", le vétéran Ridley Scott redresse la barre de la saga intitiée en 1979 avec "Alien : Covenant", un opus inégal mais bien plus féroce que son prédécesseur. Explications.

C’est l’histoire d’un classique indépassable. Avec Alien, le huitième passager, sorti 1979, le presque inconnu Ridley Scott signait non seulement un succès mais une référence en matière de science-fiction à plus d’un titre. A une époque où les effets spéciaux numériques n’existaient pas encore, le cinéaste britannique terrifiait le public sans presque jamais montrer sa créature jusque dans les ultimes minutes. Et imposait, au passage, un personnage féminin fort, dans un genre peuplé d’ordinaire par des héros masculins. Par la suite, et même si le Aliens le retour de James Cameron fut une réussite à sa manière, plus spectaculaire, tous les opus de la saga vont décevoir. Alien 3 de David Fincher trop nihiliste, Alien Resurrection de Jean-Pierre Jeunet trop bancal. Ne parlons même pas du spin-off Aliens vs. Predator, risible.

Autant dire que le retour aux affaires de Ridley Scott avec Prometheus, en 2012, avait de quoi réjouir les fans de la première heure… qui ont vite déchanté. A la fois échaudé par l’échec des épisodes précédents, mais aussi parce qu’il n’avait tourné de film de SF depuis Blade Runner en 1982, "Sir Scott" ne pouvait pas faire un simple Alien de plus. D’où cette idée, séduisante sur le papier, d’imaginer un préquel à l’histoire qu’on connaît. Et basculer du suspense à huis clos du film original, vers une sorte de drame futuriste inspiré par la grande mythologie dont le cinéaste raffole, de Gladiator au récent Exodus : Gods and Kings en passant par Kingdom of Heaven.

Le hic, parce qu’il y en avait un, et un gros, c’est qu’on va d’abord voir un "Alien" pour avoir peur. Et que le contrat n’était clairement pas rempli, le cinéaste oubliant de jouer avec nos nerfs pour se focaliser sur une nébuleuse réécriture des origines de l’homme à travers le destin funeste d’une espèce extra-terrestre, descendue sur Terre il y a plusieurs milliers d’années. Suite directe, Alien : Covenant creuse le même sillon mais redresse la barre à plus d’un titre. Le trait d’union entre les deux films, c’est le personnage de David, l’androïde incarné par Michael Fassbender, dont le comportement plus qu’ambigu était à l’origine des malheurs de l’équipage du Prometheus. Et qui joue ici un rôle central dans l'intrigue.

Dans la scène d’ouverture, pas si éloignée de l’interrogatoire inaugural du Réplicant dans Blade Runner, on le retrouve en plein discussion philosophique avec son créateur, l’inventeur milliardaire Weyland (Guy Pearce), plusieurs années avant Prometheus. Après le générique, le même acteur incarne Walter, probable copie du premier. Cette fois nous sommes en 2104, après les événements du film précédent. A bord du vaisseau spatial Covenant, il veille sur une colonie en hyper-sommeil, en route vers une planète éloignée. Sauf qu’une avarie va l’obliger à réveiller l’équipage et tuer malencontreusement le commandant de bord, interprété par… un acteur très connu.

Deux personnages prennent alors une place prépondérante. Christopher Oram (Billy Crudup), le nouveau patron par défaut à bord, auto-proclamé "homme de foi" un brin fébrile face à ses troupes. Et Daniels (Katherine Waterston), la veuve du défunt, dont le look à la garçonne et l’apparente fragilité évoquent la Sigourney Weaver du premier film. Lorsque le Covenant capte un message mystérieux, provenant d’une planète qui n’était pas sur la carte, Oram décide d'y faire escale. Comme le spectateur averti dans son fauteuil, Daniels pressent la grosse embrouille et lui fait part de son désaccord. Sans trop spoiler, elle n’a évidemment pas tort. Et l’exploration de se transformer en éprouvant jeu de massacre que la nouvelle équipe de scénaristes, dont celui des deux derniers James Bond, va pimenter par une succession de twists machiavéliques. 

Alien : Covenant n’est clairement pas un chef d’œuvre. Mais pas non plus le nanar qu’on pouvait craindre. De bout en bout on sent Ridley Scott tiraillé entre son envie d’inscrire son film dans une mythologie plus grande que le film de genre et la nécessité d’en donner pour son argent au spectateur du samedi soir. Avec d’un côté des séquences mystico-scientifiques un poil pipeaux, de l’autre des scènes d’action plus nombreuses et plus gore que dans Prometheus. Tout n’est pas réussi, loin s’en faut. Certains personnages et intrigues parallèles sont bâclés, voire escamotés, mais l’intrigue file à toute allure. Si bien qu’on se retrouve à l’arrivée avec l’un des épisodes les plus satisfaisants de la saga, l’un des plus denses, l’un des plus sombres aussi même s’il ne tient pas toutes ses promesses.

On se demande quand même jusqu’à quand les producteurs hollywoodiens, sous l’influence des comics et des séries télé, vont réanimer leur vieux tubes pour en faire des machines à suites - et à dollars. A 80 ans passés, Ridley Scott ne semble en tout cas pas se lasser de la créature imaginée, il y a plus de quatre décennies, par le regretté H.R. Giger. Aux dernières nouvelles le cinéaste aurait écarté l'excitant projet Alien 5 de son jeune collègue sud-africain Neill Blomkamp. Et compte réaliser encore deux épisodes qui conduiront jusqu’aux événements du premier film. Alien : Covenant s’achève d’ailleurs, il faut bien le dire, sur le genre de cliffhanger qui nous ferait presque envie de voir la suite demain. Enfin pas tout de suite non plus...


Jérôme VERMELIN

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