"Ni le ciel ni la terre" : la guerre afghane aux frontières du fantastique

Mehdi Omaïs
Publié le 30 septembre 2015 à 16h34
"Ni le ciel ni la terre" : la guerre afghane aux frontières du fantastique

CRITIQUE – Sélectionné en mai dernier à la Semaine de la critique cannoise, "Ni le ciel ni la terre" marque les premiers pas derrière la caméra de Clément Cogitore. Et retrace le mystérieux quotidien de soldats français dépêchés en Afghanistan.

 Une histoire forte
2014, à l’approche du retrait des troupes. Paysages montagneux et rocailleux. Chaleur accablante. Menaces tapies. Dans une vallée perdue du Wakhan, à la frontière afghano-pakistanaise, le capitaine Antarès Bonassieu (Jérémie Renier) et sa section veillent au grain, guettant dans l’immensité d’un relief terne l’irruption de potentiels talibans batailleurs. A l’image des soldats de Jarhead de Sam Mendes, les héros de Ni le ciel ni la terre patientent derrière leurs jumelles, surveillent et font quelques remontrances çà et là quand des écarts de conduite émaillent leur mission. La situation se corse hélas quand – ô mystère ! – ces derniers se mettent à disparaître.       

 Un traitement original
Plasticien de métier, Clément Cogitore convoque son savoir-faire et sa maîtrise de l’image pour conférer à son premier long métrage une aura novatrice et inattendue. Ancrée dans un terreau très réaliste, sa réalisation épouse sans fausse note un délinéament fantastique, autorisant la rencontre au sommet de deux genres cinématographiques difficilement appariables. Ici, la guerre, aussi visible théoriquement soit-elle, est nimbée d’une atmosphère métaphysique où l’ennemi se révèle aussi spectral que les corps des soldats en vision nocturne. Tel un funambule, le cinéaste marche ainsi sur un fil reliant le visible à l’invisible, le réel à l’irréel.      

 Une distribution au diapason
Dans ce tableau, les acteurs auraient pu perdre pied et devenir des marionnettes, des figures fantomatiques d’un conflit instable, insondable, parfois immatériel. C’est sans compter le soin apporté à leur direction. De Jérémie Renier à Kevin Azaïs, la révélation des Combattants, chacun semble s’être fondu corps et âme dans le décor. Les craintes, appréhensions et incompréhensions de leurs personnages sont plus palpables que jamais. Mieux : ces sentiments trouvent dans la réalisation habile de Cogitore une manière d’exister de façon purement métaphysique. La perdition, tant corporelle que cérébrale, est manifeste. 

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