Nicolas Winding Refn : "À Cannes, nous étions le glamour, la vulgarité, la nouveauté… Nous avons gagné !"

Publié le 8 juin 2016 à 10h10
Nicolas Winding Refn : "À Cannes, nous étions le glamour, la vulgarité, la nouveauté… Nous avons gagné !"

RENCONTRE – Moins d’un mois après sa présentation au 69e Festival de Cannes, "The Neon Demon" débarque aujourd’hui dans les salles françaises. L’occasion d’aller redire un petit coucou à son passionnant cinéaste, le Danois Nicolas Winding Refn, et sa nouvelle muse, la blonde américaine Elle Fanning. Un entretien chic et choc, sans langue de bois…

The Neon Demon n’a pas remporté la Palme d’or. Mais pouvait-il en être autrement ? Comme la plupart de ses films jusqu’ici, sinon Drive, d’ailleurs primé sur la Croisette, le dernier opus de Nicolas Winding Refn suscite l’admiration béate ou la détestation totale. Rien entre les deux. On y suit le parcours mouvementé de Jesse, une adolescente à la beauté virginale qui débarque à L.A. pour devenir mannequin. Et va faire une série de rencontres pour le moins sulfureuses...

Lorsque nous avions rencontré NWR à Cannes avec sa comédienne, la blonde Elle Fanning, le cinéaste danois était encore ému par les sifflets dont avait été victime son film, la veille, en projection presse. "C’est l’éternelle bataille des anciens contre les modernes", déplorait-il, un brin présomptueux. "Moi, je suis du côté de la jeunesse. Je fais des films pour elle, pour le futur. Sinon qui va les faire ?".

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De passage, le week-end à Paris avec sa comédienne, l'intéressé avait retrouvé le sourire. "À Cannes, nous étions le glamour, nous étions la vulgarité. La nouveauté aussi", dit-il en désignant l’interprète de Jesse, assise à ses côtés. "Nous avons gagné ! Et puis un prix, c’est tellement aléatoire. Je suis bien placé, j’ai fait partie du jury", ajoute celui qui siégea aux côtés Jane Campion, décernant, en 2014, la Palme à Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan.

Pas besoin de le pousser très longtemps, toutefois, pour que l’auteur de la trilogie Pusher redevienne offensif. "On revient de Grande-Bretagne où le Daily Mail a lancé une campagne pour faire interdire The Neon Demon qu’il juge immoral", soupire-t-il, à propos d’une tribune de la journaliste Clare Foges qui dénonce, pêle-mêle, la violence graphique du film, sa représentation du cannibalisme et une surprenante scène de nécrophilie lesbienne qui a entraîné quelques claquements de sièges à Cannes.

"Aujourd’hui, les critiques plébiscitent des films politiques qui essaient de répondre aux grands problèmes du monde", observe Nicolas Winding Refn, cinéphile éclectique capable de citer Tarkovski, Cassavetes… et Pretty Woman dans la même discussion. "Quand j’étais plus jeune, je cherchais une forme de reconnaissance que je n’ai jamais obtenue. Et puis quand j’ai fait Bronson (le portrait surréaliste du prisonnier britannique incarné par Tom Hardy – ndlr), je me suis dit, ok. Tant pis. Je n’ai besoin de personne. Je vais faire les films dont j’ai envie. Et je vais faire des films qui parlent de moi."

The Neon Demon, à sa manière, serait donc un portrait, en creux, de son auteur et de ses obsessions. Et Jesse son double féminin, comme l’était auparavant le Driver incarné par Ryan Gosling. "Je ne suis pas une fille américaine de 16 ans, bien sûr", se marre le cinéaste, "mais plutôt un garçon danois de 45 ans qui refuse de grandir. The Neon Demon, c’est un film de genre qui fait appel au mélodrame, à l’humour, à la vulgarité, à la contre-culture. Une célébration du narcissisme de l’adolescence."

"Je me suis laissée porter par mon instinct"

Ce que confirme sa comédienne, admirative. "Même si visuellement le film n’est pas ordinaire, c’est une vision assez réaliste de la façon dont se comportent les filles de mon âge", raconte Elle Fanning qui, à 18 ans, a déjà travaillé avec les plus grands, de David Fincher à Francis Ford Coppola en passant par Sofia Coppola et J.J. Abrams. Et vient de terminer le tournage de Live By Night, le nouveau Ben Affleck.

"Quand on s’est rencontrés, Nick m’a demandé d’emblée d’apporter ma touche personnelle au personnage, plus qu’aucun réalisateur auparavant", raconte-t-elle, enthousiaste. "Et puis, chose rare, on a presque tourné dans l’ordre chronologique. D’ordinaire, on doit sans cesse revenir en arrière, se remettre en situation. Là, je me suis laissée porter par mon instinct, par l’histoire, là où elle voulait nous emmener."

Le cinéaste et sa muse sourient lorsqu’on évoque la séquence où Jesse est livrée aux mains d’un photographe, un brin pervers, sur un immense plateau vide. Un instant suspendu, sublimé par la B.O. électro de Cliff Martinez.  "Je suis père d’une fille de 13 ans et sachant comment certains hommes se comportent… Une partie de moi-même se sentait mal à l’aise en tournant cette scène. Et puis il y avait mon côté fétichiste qui trouvait que ce serait magnifique lorsque le photographe la recouvrirait de poudre d’or", ajoute-il en se frottant les mains. On confirme.

"Jusqu'ici ma femme n'était pas très fan de mes films"

The Neon Demon est dédié Liv Corfixen, la compagne du cinéaste, qui vient de lui consacrer un étonnant documentaire, sorti en DVD.  "J’adore les femmes, je suis un homme très hétérosexuel, si vous voyez ce que je veux dire. Mais c’est la seule que j’ai jamais aimé", lâche-t-il, presque sentimental. "Jusqu’ici, elle n’a jamais vraiment été fan de mes films, à part Drive. Les autres, elle les trouvait… intéressants (rires). The Neon Demon, c’est une célébration de la beauté, de sa beauté, et ma façon à moi de lui dire à quel point je l’admire."

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Jérôme VERMELIN

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