Oliver Stone : avant "Snowden", notre classement de ses 10 meilleurs films

Publié le 2 novembre 2016 à 18h32
Oliver Stone : avant "Snowden", notre classement de ses 10 meilleurs films
Source : SIPA

TOP - A l'occasion de la sortie de "Snowden", en salles depuis ce mercredi, retour sur la filmographie du réalisateur Oliver Stone à travers une sélection purement subjective de ses dix meilleurs films.

1. Platoon 

Réalisateur de tous les scandales n'ayant jamais craint les prises de conscience brutales, Oliver Stone fut profondément marqué par son service lors de la guerre du Vietnam et est revenu dessus à plusieurs reprises. Son premier court-métrage, Last Year in Viet Nam, évoquait déjà le difficile retour au pays des vétérans et anticipait ainsi Né un 4 juillet et Entre ciel et terre. Premier film de cette "trilogie", Platoon fit l'effet d'une bombe. Oliver Stone y raconte ce qu'il a vu, les horreurs dont il a été témoin, la folie meurtrière qui gagnait ces hommes désemparés et vaincus dans "l'enfer vert". La préparation des acteurs est entrée dans la légende, entraînés au cœur de la jungle dans des conditions très éprouvantes pendant deux semaines pour réellement ressentir le traumatisme de la guerre et investir totalement leur personnage. Tout dans ce film a l'air authentique, par l'exigence et le refus absolu des compromis du metteur en scène. Pour nous, le meilleur Oliver Stone. 

2. L'enfer du dimanche

On ne défend pas assez cet incroyable film sous-estimé d'Oliver Stone consacré au spectaculaire football américain, extraordinaire vision du milieu sportif pourvue d'une mise en scène qui maintient la tension au gré de nombreux visionnages et d'un montage musical admirable. A travers le point de vue de Pacino le vieux coach, qui sait à quel point la beauté du jeu a été pervertie par la télé, qui incita à la surenchère, au dopage, aux salaires indécents jusqu'à l'absurde, le film relate le parcours initiatique qu'accomplira le jeune joueur doué (Jamie Foxx), échappant de peu aux sirènes de la gloire pour retrouver sa passion originelle. C'est aussi un film de gladiateurs où les matchs de football américains ressemblent à d'âpres batailles. Jamais, la métaphore guerrière sous-entendue dans tous les sports d'équipe n'a été montrée avec autant d'efficacité et d'évidence. On ne s'en est jamais remis.

3. Salvador 

Dans ses premières œuvres en tant que réalisateur, Oliver Stone s'affirme plus encore traitant de sujets qui le touchent profondément. L'un de ses premiers efforts, Salvador, dénonçait l'ingérence des Etats Unis, leur complicité avec les dictatures qui étouffent l'Amérique du sud, il montrait avec la nervosité qu'on lui connaît, James Woods, dans la peau d'un reporter, obligé de prendre position, de s'engager contre l'horreur des tortures et autres exactions dont il est témoin. Et dénonçait le problème de l'ingérence en Amérique du sud et dans d'autres pays.

4. JFK

La plongée de JFK dans la face cachée de l'histoire marque une date importante que celle de Platoon dans la carrière du metteur en scène. On ne peut penser à un épisode plus symbolique dans le vingtième siècle américain, ni plus fascinant, d'une portée quasi-mythologique. On trouve dans ce film une évolution majeure dans le style de Stone. Il intercale dans son film des documents d'archives, utilise divers filtres de caméra, diverses qualités de films ( du noir et blanc abîmé au super 8) et un montage ultra nerveux (qui se trouvera poussé jusqu'à l'hystérie -mais à bon escient- dans Tueurs nés et L'Enfer du Dimanche). Ce procédé où la frontière devient floue entre la fiction et la réalité rappelle ce que James Ellroy fait en littérature dans sa grande trilogie Underworld USA, c'est à dire évoquer cette période traumatisante de l'histoire  américaine, l'exécution de Kennedy et y ajouter un traitement, un point de vue personnel. Stone écorne la version héroïque et lisse que les livres d'histoire exposent. Et il est très méticuleux dans son enquête, très méthodique dans sa manière d'en montrer le cours, même s'il demeure Oliver Stone et qu'il prend parti. Mais dans ce cas précis, c'est salutaire. 

5. Né un quatre juillet

Dans Né un quatre Juillet, Stone évoque les vétérans de cette guerre inutile, à travers l'évocation du destin de Ron Kovic, jeune homme exemplaire, américain modèle, sportif, patriotique, membre d'une famille WASP, exemplaire elle-aussi. Tout l'incite à s'engager au Vietnam. Et il y va, fier et la fleur au fusil, pour honorer son père combattant de la seconde guerre mondiale. Une fois sur place, il voit les paysans qu'on terrorise, les cris d'un bébé dans les bras de sa mère tuée, les villages incendiés car abritant prétendument des vietcongs. Une sorte de peur l'étreint dans le crépuscule d'un combat incompréhensible. Dans un état second, il tire sur une silhouette qui court vers lui, abattant ainsi l'un de ses compagnons dans ce qu'on qualifie par l'expression ridicule de "tir ami". Plus tard, après avoir été blessé au talon, il cédera à la furie, tirant à découvert et se faisant finalement toucher. Cette blessure le rendra paraplégique à vie. Dans le rôle principal, Tom Cruise impressionne.

6. Entre ciel et terre

Oliver Stone retournera une troisième fois au Vietnam en 1994, pour en explorer le traumatisme, mais avec un film plus mineur, Entre Ciel et Terre. Une analyse du conflit vietnamien et de ses séquelles à travers le destin d'une femme Ly et de sa famille. L'intérêt de ce film étant que cette fois il est vu du point de vue des vietnamiens, remontant à la guerre d'Indochine contre les Français et s'étalant après la défaite des américains. On sent chez le réalisateur une volonté d'explorer le passé, assez honnêtement d'ailleurs, puisqu'il ne se cache jamais d'être subjectif ou engagé. Il livre son interprétation de l'histoire, revient sur ce qu'il a vécu. Mais il a également abordé des sujets plus symboliques, objets de fascination pour lui. 

7. The Doors

Dans The Doors, la figure de Jim Morrison n'est précisément pas celle du hippie typique. Elle en est la négation, le côté obscur, quelqu'un qui côtoyait les gouffres. On le verrait assez mal avec des fleurs dans les cheveux. Morrison est lié à la mort dans sa sombre légende. Il est l'homme qui simulait l'exécution d'un soldat sur scène. La mort était omniprésente dans les textes qu'il écrivait. On peut regretter que ce film demeure très à la surface et tombe dans le panneau des films biographiques, à savoir le recueil d'anecdotes un peu maniérées et ampoulées qui finalement amoindrissent le personnage. On a l'impression de voir un mec bourré qui se prend pour un poète (pour citer le personnage de Philip Seymour Hoffman dans Presque célèbre), plutôt que le symbole d'une mauvaise conscience américaine. Mais Val Kilmer trouve pourtant là son rôle le plus marquant. 

8. Tueurs nés

C'est dans Tueurs-nés que la fureur explose, que ce message est assené jusqu'au vertige. Dans un film qui exploite absolument tout ce que la mise en scène peut offrir, tous les filtres, tous les traitements, dans une mise en scène frénétique au nombre de plans insensé (un peu du Tony Scott sous amphétamines). Oliver Stone expérimente son discours et fait de son spectateur une sorte de cobaye qu'il bombarde de plans et d'images, projetant d'autres images dans les fenêtres, sur les façades, utilisant des images subliminales... Tout est fait pour simuler cette société d'images où il est impossible de faire la part des choses et où deux tueurs en série complètement destroy peuvent devenir des héros populaires, des icônes (alors que ce ne sont que deux abrutis défoncés en permanence et animés d'une barbarie idiote). Là où le film est confus, voire ambigu, c'est qu'à travers ces images montées comme des rafales de mitraillette, le couple de Mickey (Woody Harrelson) et Mallory (Juliette Lewis) devient presque séduisant, cool. On se retrouve pris au piège de ce qu'on est censés dénoncer.

9. Nixon

Pour Nixon, en 1995,  Oliver Stone reprend à peu près ce même credo, faisant de son personnage principal controversé un héros shakespearien à la Richard III (c'est le prénom qui veut ça!), torturé par ses démons et ses manigances. Son chemin est pavé de mensonges et de morts qui le hantent. Ici, on est projetés dans l'intimité du pouvoir, dans ce que l'on ne divulgue jamais aux médias, dans les conversations cachées par Nixon lui-même sur ses fameuses bandes, l'impliquant profondément dans le scandale du Watergate, dans l'escalade des bombardements au Vietnam, dans son obsession d'être celui que l'on déteste, par opposition à Kennedy qu'on adule. Oliver Stone admet lui-même que au fond des yeux de son interprète, Anthony Hopkins, il y a une émotion, une douleur, indécelable dans celui de Richard Nixon. L'homme est décrit ici dans sa faiblesse, celle grâce à laquelle il est arrivé au sommet et celle qui le précipite dans l'abime. 

10. Talk Radio

Une partie de l'œuvre de Oliver Stone s'est rapidement orienté vers la critique d'une réalité qui ne voit qu'à travers les médias. Déjà en 1988, Talk Radio montre à quel point la verve provocatrice d'un seul animateur radio peut pousser ses auditeurs jusqu'à leurs dernières extrémités, les mettre hors d'eux, les pousser vers la violence, l'hystérie et le mal, dont le concept est devenu flou. Mais la forme est encore classique et sage. On a connu Oliver Stone plus révolté. 


Romain LE VERN

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