"Edward aux mains d’argent" : ce rôle culte qui a (presque) failli échapper à Johnny Depp

Publié le 9 juillet 2018 à 16h56
"Edward aux mains d’argent" : ce rôle culte qui a (presque) failli échapper à Johnny Depp

ZOOM – En 1990, les spectateurs du monde entier fondent pour la performance bouleversante de Johnny Depp dans "Edward aux mains d’argent" de Tim Burton. Un rôle qui n’était pourtant pas destiné, au départ, à l’ancienne vedette de la série "21 Jump Street"...

"Edward aux mains d’argent" ? Le film le plus personnel du génial Tim Burton. Le futur trublion de Hollywood n’a même pas 20 ans lorsqu’il dessine, sur une page blanche, ce drôle de personnage affublé de ciseaux en guise de mains. Une métaphore de la solitude qu’il éprouve, petit garçon, dans le quartier résidentiel de Burbank où il a grandi. En 1987, alors qu’il s’apprête à tourner "Beetlejuice", le cinéaste engage Caroline Thompson, une jeune romancière qu’il admire, pour imaginer un scénario mettant en scène sa créature de papier. Mais il faudra attendra le carton de son "Batman", en 1989, pour que Tim Burton se consacre entièrement au projet. Avec un challenge de taille : trouver l’acteur parfait pour son double de celluloïd.

A l’époque, tous les acteurs en vue rêvent de travailler avec le réalisateur à la chevelure ébouriffante. Les noms de William Hurt et Robert Downey Jr circulent, mais ils sont vite recalés. Tom Hanks tient la corde mais il préfère tourner "Le Bucher des Vanités" avec Brian De Palma. Gary Oldman décline lui aussi, expliquant ne pas comprendre le sens de l’histoire. Jim Carrey est envisagé. Mais son étiquette comique lui colle encore à la peau. Plus surprenant : Michael Jackson, qui rêve depuis toujours de faire carrière au cinéma, manifeste son intérêt pour le rôle. Mais Tim Burton ne prendra même pas la peine de le rencontrer.

Tom Cruise et ses drôles de questions

C’est là qu’un certain Tom Cruise entre en scène. Le cinéaste n’est pas fan. Mais les patrons de la Fox, qui produisent le projet, insistent lourdement. Il faut dire que l'acteur de "Top Gun" a tout pour lui. Il est populaire, enthousiaste, et ses deux derniers rôles dans "Rain Man" et "Né un 4 juillet", ont prouvé qu’il était bien plus qu’une star de blockbuster. Tourner avec Tim Burton lui permettrait d’élargir encore sa palette. Il auditionne. Mais l’affaire tourne court. "Il voulait savoir comment Edward allait aux toilettes !", racontera Caroline Thompson au magazine "Dazed". "Il posait plein de questions sur ce personnage qui n’avaient pas lieu d’être. Parce que toute la délicatesse de l’histoire consiste à ne pas y répondre !".

Sur les conseils de son entourage, Tim Burton accepte de rencontrer Johnny Depp, la star de "21 Jump Street" qui, après le "Cry Baby" de John Waters, cherche à 27 ans le rôle qui va faire décoller sa carrière au ciné. "Il était dans cette série télé que... en fait, ce qui était parfait pour moi, c'est que je n'avais jamais vu cette série", expliquera le cinéaste dans "Entertainement Weekly". "Je ne savais pas vraiment qui il était. Je ne l'avais jamais vraiment vu dans quoi que ce soit. Mais évidemment, son nom est arrivé à mes oreilles. Donc je l'ai rencontré comme ça, dans un café."

J'ai lu le script d'une seule traite et j'ai pleuré comme un nouveau-né. Bouleversé que quelqu'un soit suffisamment brillant pour concevoir, puis écrire, cette histoire, je me suis replongé dedans immédiatement
Johnny Depp dans le livre d'entretiens de Mark Salisbury consacré à Tim Burton

C’est plus précisément au bar du Bel Age Hotel de Beverly Hills que le rendez-vous a lieu. Dans la préface du livre "Tim Burton : Entretiens avec Mark Salisbury" (Sonatine, 2009), Johnny Depp raconte ce premier tête-à-tête avec émotion : "Ses mains, la manière dont elles ondulaient dans l'air presque sans aucun contrôle, dont elles tapotaient nerveusement sur la table, sa façon compassée de s'exprimer – un trait de caractère que nous partageons tous les deux –, ses yeux ouverts et brillants venus de nulle part, ses yeux curieux qui en avaient beaucoup vu, mais continuaient, néanmoins, à tout scruter... Bref, ce fou furieux hypersensible n'était autre qu'Edward aux mains d'argent."

Gary Odman ne comprenait pas Edward ? Tom Cruise rêvait d'un happy end ? Michael Jackson d'en faire son joujou ? Johnny Depp, qui a connu lui-même une enfance difficile auprès de sa mère célibataire, se retrouve à 2000% dans le personnage concocté par Tim Burton et Caroline Thompson. "J'ai lu le script d'une seule traite et j'ai pleuré comme un nouveau-né", explique-t-il encore dans le livre de Tim Salisbury. "Bouleversé que quelqu'un soit suffisamment brillant pour concevoir, puis écrire, cette histoire, je me suis replongé dedans immédiatement."

FOX

Jumeaux cosmiques, le réalisateur et l'acteur vont concocter ensemble cette version moderne des monstres de cinéma - Frankenstein en tête, qui les ont fait rêver et/ou cauchemarder enfant. Orphelin de son créateur – le regretté Vincent Price – Edward débarque dans une petite banlieue pavillonnaire où il va être adopté par la famille Boggs. Avant que sa monstruosité réveille les plus vils instincts des habitants. Mais auparavant, il aura volé le cœur de la jolie Kim, interprété par Winona Ryder… Comme dans la vie puisque les deux acteurs vivent à l'époque du tournage une romance très médiatique qui s’achèvera trois ans plus tard.

Tourné pour un budget modeste, le film n'est pas un triomphe au box-office, mais il est salué par la critique, charmée par la performance de Johnny Depp. Lequel, sans surprise, décrochera sa première nomination aux Golden Globes. Surprise : c’est Gérard Depardieu qui l’emporte pour son rôle d’expatrié dans "Green Card", de Peter Weir... Après "Edward aux mains d’argent", l’acteur va tourner 7 autres films avec Tim Burton : "Ed Wood" (1994), "Sleepy Hollow" (1999), "Charlie et la chocolaterie" (2005), le film animé "Les Noces Funèbres" (2005), "Sweeney Todd" (2007), "Alice au pays des merveilles" (2010) et enfin "Dark Shadows" (2012). 

S’ils n’ont pas de nouveau projet en commun, du moins pour le moment, les deux hommes restent proches. Car leur proximité va bien au-delà du cinéma. L’acteur est ainsi le parrain de Billy et Nell, les deux enfants que le cinéaste a eu avec la comédienne Helena Bonham Carter. Dans un entretien accordé en 2009 à MTV, Tim Burton expliquait cette relation un brin surréaliste avec humour : "C’est agréable de connaître quelqu’un avec qui on peut avoir une conversation abstraite, quitter la pièce et se dire que tout va bien... avant de réaliser que vous n’avez aucune idée de ce que l’un et l’autre viennnent de dire !".

>> "Edward aux mains d'argent" de Tim Burton. Avec Johnny Depp, Winona Ryder, Dianne Wiest, Vincent Price. Ce soir à 20h50 sur Arte


Jérôme VERMELIN

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