COULISSES - TF1 diffuse dimanche soir "Le Réveil de la Force", le film qui marque la résurrection de la saga "Star Wars" après son rachat en 2012 par Disney. S’il comptait à l’origine le réaliser, George Lucas a finalement abandonné son bébé à la firme aux grandes oreilles. Explications.
Entre George Lucas et Mickey, c’est une longue histoire. Au milieu des années 1980, alors qu’il vient de triompher avec sa trilogie "Star Wars", le réalisateur américain est contacté par Disney pour produire "Captain Eo", un show futuriste en 3D à la gloire de Michael Jackson, mis en scène par son vieux copain Francis Ford Coppola. Cette première collaboration, va se prolonger l’année suivante avec la création de "Star Tours", une attraction à laquelle participe Industrial Lights & Magic (ILM), la société d’effets spéciaux qu’il a mis sur pieds à l’époque du premier épisode. Et qui va bientôt devenir la référence ultime dans le métier.
A l’époque, les patrons de Disney ont déjà les yeux de Chimène pour la génération des George Lucas, Steven Spielberg et autre Robert Zemeckis, nouveaux rois du cinéma grand public, le succès des "Star Wars", "Indiana Jones" et autre "Retour vers le futur" ringardisant les productions maison. Avec des personnages iconiques et des intrigues modernes mais respectueuses des valeurs familiales, les aventures de Luke Skywalker & co. sont, au fond, très proches des vieux rêves de l’oncle Walt. Mais pour que le mariage soit prononcé, il faudra encore patienter.
Le 30 octobre 2012, à la surprise générale, Disney annonce faire l'acquisition de Lucasfilm, la société de George Lucas pour la bagatelle de 4 milliards de dollars. Une somme impressionnante qui correspond, à peu de choses près, aux bénéfices générés par les deux premières trilogies en salles. Le cinéaste vend, mais surtout il passe la main. Un geste surprenant lorsqu'on connaît le personnage. S’il avait cédé son fauteuil de réalisateur pour "L’Empire contre-attaque" et "Le Retour du Jedi", tirant les ficelles en coulisses, le cinéaste avait lui-même dirigé les trois films de la deuxième trilogie, entre 1999 et 2005.
En dépit de leur succès au box-office, ces épisodes gavés d'effets spéciaux numériques, et un peu trop bavards, n’ont pas fait l’unanimité auprès des fans de la première heure. Pour de nombreux observateurs de la saga, George Lucas est allé au bout de sa logique d'indépendance, lui qui a installé le QG de Lucasfilm à San Francisco, loin du tumulte de Los Angeles. Au risque de ne plus être en phase avec les attentes de la nouvelle génération de spectateurs ?
J'ai toujours cru que "La Guerre des étoiles" me survivrait, et je pense qu'il était important de mettre la transition en place de mon vivant
George Lucas, lors du rachat de Lucasfilm par Disney en 2012
Lorsque Disney l’approche pour racheter Lucasfilm, le cinéaste a pourtant déjà écrit les bases d’une nouvelle trilogie. Et envisage de réaliser l’Episode 7, avant de vendre. Dans une interview accordée à "USA Today", il expliquera y avoir renoncé lorsqu'il a réalisé que le projet allait lui prendre les dix prochaines années de sa vie. Il avait 71 ans à l’époque. Et là où son copain Spielberg enchaîne les tournages, Lucas aime depuis toujours prendre son temps. "C’est mieux pour moi de partir au début d’un nouveau chapitre, je peux simplement m’effacer", explique-t-il alors. "Le temps est plus important pour moi que l’argent."
Lorsqu’il parle de temps, il évoque en réalité celui qu’il veut passer avec Melody Hobson, sa compagne qu’il épouse en juin 2013, quelques mois avant la naissance d’une petite fille baptisée Everest. Déjà papa de trois grands enfants, adoptés dans les années 1980 et 1990, Lucas place sa vie de famille avant tout le reste. Mais il a bien réfléchi avant de confier les destinées de son bébé cinématographique à Disney. "J'ai toujours cru que "La Guerre des étoiles" me survivrait, et je pense qu'il était important de mettre la transition en place de mon vivant", expliquera-t-il lors du rachat.
Pour lui, contrairement à d'autres studios qui auraient pu se montrer acquéreurs, "la taille et l'expérience de Disney donnent à Lucasfilm l'occasion d'ouvrir de nouvelles voies dans les films, la télévision, les médias interactifs, les parcs à thème, le divertissement et les produits de consommation." Il ne croyait pas si bien dire. Avec la productrice Kathleen Kennedy, collaboratrice de longue date de Steven Spielberg, désormais aux commandes de Lucasfilm, Disney va transformer la saga en véritable machine de guerre.
En plus d’une nouvelle trilogie, des "spin-off", films dérivés de la franchise sont ainsi rapidement mis en chantier. L’objectif ? La sortie d'un nouveau "Star Wars" tous les ans jusqu’en 2020, alimentant au passage le lucratif business des produits dérivés. George Lucas était-il au courant au moment de la vente ? Toujours est-il qu’en décembre 2012, après la sortie de l’épisode VII, "Le Réveil de la Force", il explique à l’animateur Charlie Rose avoir "vendu mes enfants à des marchands d’esclaves." Il s’en excusera quelques jours plus tard… mais quand même.
Après avoir critiqué le côté "rétro" du film de J.J. Abrams, le papa des Jedi se tiendra à distance de la saga. Son avis sur le spin-off "Rogue One" et l’Episode VII, "Les Derniers Jedi" est plutôt succinct. Leurs réalisateurs affirment qu’il a "beaucoup aimé" le premier et trouvé le second "joliment fait". S’il a été visiblement vexé que ses idées pour la première trilogie n’aient pas été retenues, il est venu faire un tour sur le tournage de "Solo", le nouveau spin-off en salles cette semaine. Le réalisateur Ron Howard, un vieil ami, affirme même qu’il a donné son avis sur une scène interprétée par Alden Ehrenreich, choisi pour interpréter Han, 40 ans après Harrison Ford. Devinerez-vous laquelle ?