On a vu "Ghostland" au Festival de Gérardmer (et on a adoré)

A Gerardmer, Romain Le Vern
Publié le 11 mars 2018 à 11h51, mis à jour le 11 mars 2018 à 21h47
On a vu "Ghostland" au Festival de Gérardmer (et on a adoré)

ÉVÉNEMENT - "Mylène Farmer de retour au cinéma dans un film d'horreur", c'est l'argument choc de "Ghostland" de Pascal Laugier, en salles le 14 mars 2018, dans lequel la superstar s'aventure chez le réalisateur du dérangeant "Martyrs". Couronné au 25e Festival de Gérardmer, où il a obtenu le Grand Prix du jury, son résultat est-il aussi explosif que prévu ? Voici notre verdict.

Attendu comme le loup blanc, Ghostland, qui a obtenu dimanche soir le Grand Prix du jury du 25e festival international du film fantastique de Gérardmer (Vosges), est le nouveau long métrage de Pascal Laugier. Il raconte l'histoire de Pauline (Mylène Farmer) et de ses deux filles qui héritent d’une (étrange) maison. Mais dès la première nuit, des meurtriers pénètrent dans la demeure et Pauline doit se battre pour sauver ses filles. Un drame qui va traumatiser toute la famille mais surtout affecter différemment chacune des jeunes filles dont les personnalités vont diverger davantage à la suite de cette nuit cauchemardesque... Et on n'en dira pas plus. 

Dévoiler toutes les surprises que contient ce rollercoaster de l'angoisse se révèle être une mauvaise option. Fuyez comme la peste les spoilers sur les réseaux sociaux et laissez-vous embarquer dans cet écheveau diabolique, jouant sur la confusion des temporalités (on cite non sans ironie le réalisateur Rob Zombie comme on écrit sur une machine à écrire !) et déjouant les attentes comme les clichés. Tout ce que l'on peut dire, en guise de préambule, c'est que, à la manière de Martyrs et The Secret, les précédents longs métrages de Pascal Laugier, l'intrigue de Ghostland dispense des coups de théâtre qui invitent à considérer tout ce qui a précédé de différents points de vue. 

Mylène Farmer, elle est comment ?

Il y a dans Ghostland un double plaisir, à la fois ludique et pervers : celui, ludique, d'être séduit par un pur film d'horreur comme on n'en ose plus, multipliant les faux-semblants, les degrés, les niveaux, les réalités ; et celui, pervers, d'être bousculé, dérouté, dérangé par une expérience misant sur l'intelligence d'un spectateur adulte, capable de ne pas tomber dans les pièges volontairement tendus (certains spectateurs à la sortie hurlaient à la misogynie en confondant, comme au temps de Martyrs, la barbarie insoutenable des psychopathes avec le regard empathique du cinéaste avec les victimes).

En d'autres termes, c'est du cinéma offensif et rêche, sale et mal élevé qui donne le bâton pour se faire battre et gratte ce qui doit être gratté. Du cinéma qui, sous couvert de genre, nous rappelle d'une part la nécessité dans l'art de montrer l'horreur du monde, des gens, des choses au risque de scandaliser (Pasolini le faisait fort bien dans les années 70) et, d'une autre, de ne pas se fier aux jugements hâtifs : au fond, les codes du home invasion, les jump scare, le décorum façon chocottes à l'ancienne ne sont que des illusions pour raconter quelque chose d'infiniment personnel et d'expiatoire où la poésie, la jouissance et la mélancolie découleraient de la monstruosité.

Et Mylène Farmer dans tout ça ? Elle est impeccable. Revenue de loin tel un fantôme de cinéma (Giorgino, le seul film - maudit - dans lequel elle a joué, date de 1994), la chanteuse (dont le dernier album remonte à 2015) brille en incarnation maternelle et même émeut dans une des scènes les plus fortes et les plus belles de ce film hanté - un sublime ralenti que n'aurait pas renié le Shyamalan du Village. Sans contrefaçon, elle est parfaite.   


A Gerardmer, Romain Le Vern

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